[CRITIQUE] La Planète des Singes : Suprématie

Humanité qui es-tu ?

War For The Planet Of The Apes est un film historique, en même temps qu’un film d’émancipation. C’est un film de guerre, en même temps qu’un film catastrophe. C’est un film intelligent en même temps qu’un film d’action.
Mais, War For The Planet Of The Apes est avant tout un film qui questionne les humains que nous sommes. Cette supériorité que nous croyons avoir sur les autres êtres qui peuplent la Terre. Cette suprématie que l’on s’octroie parce que nous sommes plus intelligents, parce que nous parlons, parce que nous sommes humains. Cette part d’humanité que nous questionnons sans cesse : au final c’est quoi être humain ? Qu’est-ce qui nous définit en tant que tels ? L’humanité c’est quoi ? Un mot dans un dictionnaire, un symbole que nous brandissons au-dessus de nos corps fragiles pour nous sentir plus forts. Dans le Larousse, il s’agit de trois choses qui au final forment un tout :

  1. « Ensemble des êtres humains, considéré parfois comme un être collectif ou une entité morale.
  2. Disposition à la compréhension, à la compassion envers ses semblables, qui porte à aider ceux qui en ont besoin.
  3. Littéraire. Ensemble des caractères par lesquels un être vivant appartient à l’espèce humaine, ou se distingue des autres espèces animales. »

Morale, compassion, entité, aide, qui nous distingue des autres espèces animales… Un mot bien flou donc. C’est un mot qui porte toute notre histoire et finalement, rien du tout. Qu’est-ce que la morale humaine ? Celle biblique ? Les espèces animales ? Le film avance une nouvelle réponse, une nouvelle dimension : celle que l’humanité n’appartient qu’à l’Homme.

Le film questionne cette humanité, la met dans la bouche d’une autre espèce, car à l’heure actuelle il semble que nous perdons peu à peu cette humanité qui nous est chère – à moins que nous ne l’ayons jamais eue dans le passé non plus : l’esclavage, les génocides, la femme toujours considérée en-dessous de l’homme…

Au commencement, l’écrivain français Pierre Boulle offre au lecteur de regarder une planète jumelle à la Terre où les hommes sont réduits à l’état d’animaux qu’on observe dans des cages et qu’on étudie pour comprendre leur comportement. Etrange renversement qui nous met à la place de celui qu’on observe, qu’on maltraite. Pouvons-nous aller jusqu’à dire que c’est un traité pour la tolérance des animaux. Au fond, oui ça l’est. Aujourd’hui, le contexte est différent. L’homme n’a plus besoin d’asseoir un pouvoir qu’il a déjà bien en main, maintenant il a besoin de se déployer, de gagner en puissance. Il doit être toujours plus intelligent, avoir plus de savoir à portée de main. Il invente des ordinateurs pour calculer toujours plus vite, pour accumuler toujours plus de données. L’homme expérimente sur l’homme. Il rêve moins, il conquiert moins. Il prend ce qu’on lui tend. L’humanité est bien sombre.

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War For The Planet Of The Apes nous met face à nos réalités. En commençant en 2011 avec l’adoption de César par un homme qui lui apprend à parler et l’amour surtout, la saga suit l’évolution d’une haine entre singe et humain. Et au fur et à mesure des films l’homme devient horrible, décimé par un virus, il se referme sur lui-même. Le singe devient l’ennemi à combattre. Dans ce nouvel opus, le Kolonel, pour se protéger, lui et son humanité, n’hésite pas à massacrer des hommes atteints de ce virus. Il n’a plus de nom, juste un titre. On le vénère comme un dieu, on le suit aveuglément. Le chef des singes à l’inverse s’appelle César. Nom qui rappelle le général romain connu pour avoir conquis la Gaule. L’étymologie du nom viendrait peut-être de caesar, aris : « enfant né par incision ». César est né coupé des siens. Différent, le premier à savoir parler, plus proche de l’Homme que du singe.

Au final, les humains vont finir par s’entretuer, divisés par différentes idéologies. Le premier prédateur de l’Homme reste et restera toujours l’Homme. Atteints d’un virus, les humains perdent l’usage de la parole et deviennent plus primitifs. Etrange mal qui les ronge, eux qui ont donné la parole aux singes. Deux camps existent : ceux pour le génocide des malades, l’autre pour trouver un remède pour guérir ces personnes. Le Kolonel, de par son expérience, décide le massacre d’innocents pour préserver le savoir, l’intelligence humaine. Pour sauvegarder ce qu’il reste d’humanité en eux. Sombre humanité qu’il défend. L’idée d’entraide, l’idée de morale s’effacent, laissant l’idée d’une race supérieure aux autres. Il y a comme une résonance historique là. Ça nous ronge, ça nous détruit cette pensée de suprématie. César lui cherche à cohabiter, à partager le monde tel qu’il est. Pour prouver que ce ne sont pas des sauvages. Mais les sauvages ce ne sont pas les singes, mais bien les hommes.

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Le scénario oppose des contraires qui se rassemblent pour former un tout et pose la question très claire : qu’est-ce qui fait l’humanité ? Notre langage et notre intelligence ? Ou notre côté primitif : l’amour, la compassion, la haine, nos sentiments pour ainsi dire ?

Quand il confronte César et le Kolonel, il confronte un singe guidé par sa haine pour l’homme qui a tué sa femme et son fils, qui est guidé par ses sentiments plus que par sa raison – même s’il est déchiré de l’intérieur par ce sentiment qui le ronge – et un homme qui a tué son propre fils atteint d’un virus qui prive l’homme de son intellect et de la parole. Le Kolonel, homme-dieu, qui utilise sa raison jusqu’à la folie, décide de par son expérience de ne pas faire confiance en la science qui a rendu les singes intelligents. L’homme perd la parole, son intellect et retourne à son état primitif. Le virus se propage et se transmet d’homme à homme. Pour le Kolonel c’est la perte totale de leur humanité, de ce qui fait d’eux des Hommes. Il les massacre, les extermine. Ces hommes et ces femmes sans parole, sans nom. Tandis que les singes apprennent à parler, César d’abord, le Bad Monkey ensuite, puis Maurice dit ses premiers mots, signe de renouveau, quand les singes ont enfin trouvé leur havre de paix – clin d’œil au premier film de 1968. La confrontation entre l’homme et le singe offre aux spectateurs une question sans réelle réponse : au final qu’est-ce qui fait que nous sommes humains ? Notre savoir ? Ou est-ce l’amour qui nous définit ?

La jeune fille muette représente le pont qui unit les deux espèces. La jeune actrice a été choisie par la pureté de ses grands yeux bleus et de ses cheveux blonds. La tête toujours recouverte, elle ressemble à un personnage pieux. Elle est le cliché de la pureté. Elle pleure sur le singe qui se meurt, puis guide les singes avec sa lumière dans le tunnel. La jeune fille sauve les singes, elle est la mère qu’ils ont perdue. Image sainte. Après avoir été accueillie par Maurice, l’Orang-outan, la jeune fille se lie immédiatement avec ses nouveaux amis. Affectueuse, elle montre des signes d’intelligence basés sur la sensibilité, et arrive à apprendre rapidement le langage des singes. Elle ne parle pas, mais n’est pas sans intelligence, comme l’affirme le Kolonel. Finalement, ce virus dont elle est atteinte lui permet de comprendre les singes. Avec War For The Planet Of The Apes, Matt Reeves livre un début de réponse : l’humanité finalement ce n’est pas l’Homme, c’est les idéaux qui l’incarne.

Marine Moutot

Réaliser par Matt Reeves
Avec Andy Serkis, Woody Harrelson, Steve Zahn
Guerre, Action, Etats-Unis, 2h20
2 août 2017

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

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