Iconoclaste artiste
Le Redoutable est un faux biopic sur un faux réalisateur. Ou plutôt un vrai biopic sur un faux imposteur. Ou tout simplement un film sur Jean-Luc Godard, en forme d’hommage autant que d’autodérision. Jean-Luc Godard. Est-il vraiment nécessaire de le présenter ? Cinéaste adulé, il a révolutionné le cinéma français et mondial pendant La Nouvelle Vague française, et cherche sans cesse à renouveler et explorer de nouveaux champs de l’histoire du cinéma – en bien ou en mal, ça c’est une affaire de point de vue.
Le film Le Redoutable se concentre sur trois ans de la vie du cinéaste quand il rencontre Anne Wiazemsky, de 16 ans sa cadette, avec qu’il fait des films et se marie. C’est le moment de La Chinoise et de mai 68. C’est le temps où Godard a fait arrêter le Festival de Cannes, et traitait tout le monde de vieux con, n’acceptant pas d’être un vieux con lui-même. C’est le moment de la remise en question et des certitudes. Quoi de plus drôle qu’un réalisateur qui se déteste et se remettre en cause ? Un acteur qui n’hésite pas à se foutre de sa gueule. Dans le flot d’images hommage, c’est la voix doucereuse de Stacy Martin – l’actrice qui joue la timide Anne – qui accompagne le film en voix-off et rajoute une touche de féminité au personnage de Godard. Et finalement une profondeur.
Nous connaissons le penchant de Michel Hazanavicius pour la satire et la parodie.[1] Ici, il reprend les éléments de mise en scène qu’a expérimenté Jean-Luc Godard tout au long de sa filmographie pour des scènes pétillantes et totalement décalées. Il arrive à manier, ici encore, pour notre plus grand bonheur, la rhétorique de l’image et du langage pour détourner et livrer un condensé de l’imagerie estampillée Godard. Il détourne l’image que les gens ont de Jean-Luc Godard en mai 68. Décuplant les lamentations du cinéaste, il en crée un personnage burlesque. Louis Garrel, connu pour faire du Louis Garrel, accepte de rentrer dans la peau de ce personnage, et prend plaisir à se moquer de lui-même. Il n’hésite pas à faire appel au spectateur, les interpellant du regard, pour dénoncer la fausseté de l’acteur, du cinéma en général. Michel Hazanavicius invente à chaque image un jeu visuel pour distraire, pour plaire au spectateur. Il joue avec nous. Il y a quelque chose de jouissif de voir Louis Garrel se moquer de lui-même regard caméra en déclamant : « Je suis sûr que tu demandes à un acteur de dire que les acteurs sont cons il le ferait. » Le ton du film, sa beauté visuelle – dont Jean-Luc Godard est digne – sa construction et le jeu de ses acteurs qui accepte de relever le défi de l’autodérision fait du Redoutable un film dont il faut monter à bord.
La magie de Michel Hazanavicius est qu’il mélange, mouline et broie tous les cinémas de Godard pour rendre un film nouveau qui se moque, dans le même temps qu’il rend hommage au cinéaste. Jean-Luc Godard ne descend pas de son piédestal, et n’est à aucun moment humilié par la mise en scène et le langage que lui donne Michel Hazanavicius. Il y a une forte part de vérité dans Le Redoutable et donc une belle part de sincérité.
Marine Moutot
Réalisé par Michel Hazanavicius
Avec Louis Garrel, Stacy Martin, Bérénice Bejo, Micha Lescot, Grégory Gadebois …
France, Biopic, Comédie, 1h47
13 septembre 2017
[1] Sinon, voici une partie de sa filmographie : La classe américaine (1993) qui s’amusait à mélanger plein de films américains en rajoutant une voix off qui changeait radicalement le sens des images, OSS 117 (2006 et 2008) et dans un style plus épuré The Artist (2011).