Trop petit format
Bien que se déroulant dans un futur proche, l’histoire relatée dans Downsizing est avant tout ancrée au plus profond de notre actualité et des enjeux sociétaux les plus récents. Le constat est simple : dans un monde où la surpopulation et la surconsommation menacent l’écosystème et la survie de l’espèce humaine, des scientifiques mettent au point un processus, le downsizing, qui permet de réduire les humains à une taille d’environ 12cm. Certes le procédé scientifique qui consiste à rapetisser les individus relève d’une science fiction qui apparaît bien éloignée, mais le cadre politique, écologique, éthique, est comme un écho aux questions qui nous bouleversent depuis l’élection outre-Atlantique de l’écolo-sceptique Donald Trump.
Aussi, la « Grande comédie » qu’annoncent les affiches du film en est-elle vraiment une ? Nous ressortons de la salle de cinéma avec un goût amer dans la bouche, devant tant de ressemblances et ce sentiment de fin du monde imminente. Là est à la fois le grand atout du film d’Alexander Payne, qui nous convainc et nous émeut facilement, et son défaut majeur. En effet, le film oscille tout du long entre le contexte malheureux en arrière plan et les effets comiques, situations et dialogues, qui sont mis en avant. Nous rions, certes. Les pépites d’humour sont nombreuses et les problèmes relatifs à la taille sont souvent naïfs et drôles. Mais nous rions jaune. Il est difficile de mêler comédie avec les sujets dramatiques qui sont traités et au final ce n’est ni l’un ni l’autre.
Le film aborde ainsi de nombreux thèmes d’actualité : environnement en premier lieu, mais également les questions éthiques, scientifiques, économiques, politiques et migratoires qu’engendre le downsizing. Encore une fois, le grand mur qui sépare les beaux quartiers de Leasureland des communautés rejetées n’est pas sans rappeler l’actualité récente. De même, il est intéressant de voir comment le réalisateur fait le choix de montrer que les hommes sont avant tout motivés par les avantages économiques du downsizing (qui permet d’augmenter de façon considérable son mode de vie) que par son aspect écologique. Ici, le personnage principal, plutôt banal, devient un véritable héros en développant cette conscience écologique qui dépasse peu à peu ses attentes économiques.
Cependant, à force de vouloir aborder cette multitude d’enjeux (économiques, politiques, etc…) le film reste sur toutes ces questions en superficialité et les débats sont survolés. Evidemment, nous n’attendions pas de cette comédie des réflexions éthiques et politiques profondes, mais il aurait été préférable de se concentrer sur certains enjeux particuliers, notamment les questions éthiques. De plus, le downsizing n’apporte pas un regard nouveau. Il s’agit juste de la répétition des mêmes questions que nous connaissons, mais à une taille inférieure. Et là où, justement, le changement de taille donnerait envie de regarder les problèmes à la loupe, on reste très en surface.
En réalité, le sujet du film est passionnant et l’idée originale, mais deux heures ne sont pas suffisantes pour traiter tout cela. Le plantage du décor prend toute la première partie du film et l’action ne commence que tard. On ne comprend pas toujours bien comment les événements s’enchaînent.
Et les personnages souffrent également de ce manque de temps. Les acteurs sont bons, les personnages sympathiques, mais nous restons dans le cliché. Excepté le personnage principal incarné par Matt Damon, les personnages secondaires sont peu approfondis et, malgré les bonnes performances des acteurs, ils restent caricaturaux (du mafieux serbe aux hippies complètement hors de la société).
Finalement, ce film serait presque plus intéressant sous le format de la série qui permettrait de mieux mettre en place le décor, d’aborder les enjeux politiques et de s’attacher aux personnages. Il reste malgré tout une comédie qui fait réfléchir, à regarder le dimanche soir.
Flore Brabant
Réalisé par Alexander Payne
Avec Matt Damon, Christoph Waltz, Kristen Wiig
Comédie dramatique, Etats-Unis
6 février 2018