The F*CK ?
How to talk to girls at parties est tout d’abord un film que j’aime sans vraiment comprendre. Il y a pourtant une multitude de choses, qui m’excéderait dans n’importe quelques autres films, qui passent ici comme une lettre à la poste – un énorme colis parfois, mais ça passe quand même. Le sentiment qui nous reste en sortant du film c’est un gros WHAT THE F*CK — pardon du langage. Assez joyeusement bordélique, il commence sur un générique brouillon qui veut se montrer punk sans l’être vraiment. La musique est juste géniale et lie l’ensemble magnifiquement bien. Assez rapidement, les trois personnages principaux sont posés : ce sont des punks, mais exclus. Ils rêvent, chacun, à différents degrés, de choper des filles – pardon du langage, mais vous voyez ça normalement ça aurait juste dû m’énerver, mais non ça passe. Ils se retrouvent un peu par erreur dans une vieille maison avec des gens vraiment bizarres qui dansent bizarrement, parlent et font des choses bizarres, tout ça dans des combinaisons en latex brillants. Là, on se dit : d’accord, j’accepte ils sont juste complètement bourrés. Ils hallucinent. Ou pas. Ce qui peut paraît le plus désorientant est la mise en scène léchée, belle qui ne présage rien de ce qui va se passer dans le film. Je ne vais pas tout vous raconter, même si l’idée m’a traversé l’esprit. Raconter toutes ces scènes qui s’enchaînent que l’on regarde avec amusement en se demandant, mais pourquoi ? Mais finalement non, je préfère vous laisser le découvrir.
Non, le mieux serait de dire que le film regorge de poésie, de délicatesse et l’initiation sexuelle des trois jeunes hommes se passe dans la beauté et l’étrangeté d’un univers parallèle. Que des thèmes aussi durs que l’infanticide, la fin du monde, la surpopulation, l’amour, la liberté, le libre arbitre cohabitent avec une certaine harmonie. Les qualités du film sont la surprise que recèle le scénario, qui part dans la direction science-fiction sans vraiment crier garde et puis, histoire d’amour complètement folle – j’ai un peu tout dit là c’est ça ? Il faudrait rajouter que les acteurs et actrices sont en fantastiques. Ils et elles jouent tout.e.s leur rôle à la perfection : que ce soit Nicole Kidman en vieille du punk qui a tout connu et n’a rien gagné en échange, ou encore Elle Fanning en ingénue qui découvre le monde, mais c’est encore et surtout Alex Sharp. Cet acteur finalement est la poésie du film, avec son doux accent anglais qui crie le punk avec une voix magnifique. Il joue son personnage avec tant de sincérité et tant d’amour et d’intensité qu’on en tombe amoureuse. Il rend Enn tel un poète au milieu des punks.
La scène où Zan et Enn chantent sur scène est tout simplement superbe. La mise en scène de John Cameron Mitchell, qui avait fait l’excellent Rabbit Hole, est à contre-courant de ce qui se raconte sur l’écran et cela renforce encore plus l’effet irréel du film et de l’histoire. La musique également, car How to talk to girls at parties est un film musical, que ce soit dans les paroles des personnages ou dans les chansons qui traversent le film et le construisent.
Maintenant si objectivement je n’étais pas tombée sous le charme du film, il y a énormément de points noirs, de petites choses énervantes. La compagnie, qui visite la Terre, souhaite se suicider ensemble pour éviter une surpopulation qui détruirait de nouvelles galaxies, mais la morale punk, très « années 70 » du film prône plutôt : soyons libre, on s’aime et cela est plus important que protéger la planète. En 2018, le discours passe plutôt mal, même si prôner la liberté et le choix est encore d’actualité. Il y a des alternatives, nous pouvons nous aimer sans pomper la vie de la planète. Ensuite, certaines séquences sont un peu longues et n’arrivent tout simplement à faire sens dans le film, même si le récit repose sur des moments un peu what the f*ck, il est important d’avoir un peu de cohérence. Par exemple une femme avec deux doigts au bout d’un doigt, c’est vraiment trop. Et Zan était avant un nain marron ? Là non plus on arrive pas à mettre les choses en place dans notre tête. Le pourquoi peut aussi avoir ses limites. Et il y a beaucoup d’autres détails un peu gênants et pas forcément utiles. L’humour est aussi un peu too much parfois. Le groupe d’extraterrestres qui visite une petite ville d’Angleterre avec des ponchos avec le drapeau anglais ce n’est pas trop ça, mais bon ils font les touristes, ça fonctionne avec le scénario pour le coup. Et le délire de manger ses enfants, on en parle ?
Finalement, j’ai peu de critiques, mais cela aurait pu suffire pour m’énerver.
How to talk to girls at parties prône malgré tout, et c’est aussi ça qui est beau, une question d’égalité dans la société humaine. Si les trois garçons étaient partis choper des filles au début du film, ils en ressortent avec des expériences neuves et une vision très belle de l’amour et des relations femme-homme : tout oublier et se laisser porter. Bon, et je finirai par dire qu’Alex Sharp est une p*tain de révélation.
Marine Moutot
Réalisé par John Cameron Mitchell
Avec Elle Fanning, Alex Sharp (II), Nicole Kidman
Comédie, Science-Fiction, Musical, Angleterre, 1h42
20 juin 2018
ARP Sélection
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