Mrs Perfection
Il était une fois l’histoire de Mrs Maisel dans les années 1950 à New York. Il était une fois une série sur une femme qui s’émancipe de son époque, de ses préjugés et de ses propres limites.
Parmi le flot de séries qui se créent, il est dur d’innover et de trouver sa marque de fabrique ; mais, que ce soit par son ambiance : année 1950, par sa lumière brune et chaude, sa musique jazzique, des costumes ou par son personnage principal, The Marvelous Mrs Maisel, a trouvé une recette magique pour tenir en haleine ses spectateurs et surtout pour lui montrer un peu de neuf. La condition de la femme est abordée, mais jamais sous l’angle de la dénonciation, ni même de la simple observation. Non, il est pris à bras le corps par son personnage principal qui respirait et aimait le patriarcat et elle voyait toutes les possibilités au sexe « faible » pour briller et atteindre la perfection. Miriam Maisel est une femme forte qui place tout sous son contrôle en respectant le patriarcat mis en place. La femme est là où elle devrait être et l’homme là où il mérite d’être. Mais cette pression n’est pas bonne pour tous et c’est l’homme qui craque : il part vivre l’amour fou et insouciant avec sa secrétaire parce qu’elle est à ses ordres et ne lui met aucune pression sur ses épaules ; il lui suffit d’être lui-même pour vivre. Mrs Maisel est le lien entre l’ancienne génération et la nouvelle. Et alors qu’elle se faisait une joie de passer le flambeau à ses enfants, sans poser de questions. Elle incarnait la stabilité que chaque foyer cherchait. Le plaisir de son mari était le sien. Le bonheur de son mari était le sien. Mais c’était ses désirs qui passaient avant tout. Son corps, à l’image de sa vie, ne devait pas bouger. Il est donc naturel que dès le premier épisode, son petit monde mis sous cloche craque. Alors que les films et les séries montraient comment les femmes lâchaient prise, incapable de supporter les contraintes d’un foyer, Mrs Maisel est l’opposé, elle se plait dans cet univers ; comme des milliers de femmes avant elle. Son ambition, car elle en a une, était pour elle la réussite de son mari, elle n’avait jamais envisagé les choses autrement. Et c’est là que la série réussit à trouver son angle d’attaque original. La femme est bien là où elle pense être, sans envisager une autre vie possible et même quand celle-ci finit par arriver, elle continue à se poser des questions et à subir la pression de son milieu et de son sexe par son seul et propre intermédiaire – certes ses parents ne seraient pas très heureux de savoir ce que fait leur fille tard le soir, mais ils ne le savent pas et ne veulent pas le savoir, autant en profiter non ?
Le drame qui va se jouer dans la vie de Midge est un malheur personnel. Autour d’elle, rien ne l’empêche de monter sur scène et de déclamer son récit. Ni ses parents, pourtant très guindés, ni son milieu ne semblent voir ce qui se trame pour cette jeune femme. Par l’aveuglement des personnes qui l’entourent, Midge est libre d’entreprendre tout ce qu’elle veut. Pendant ses performances, ce n’est pas parce que c’est une femme qu’elle est applaudie, mais parce qu’elle est compétente. Son talent est à la fois inné et travaillé, en soutenant son mari pendant tant d’années, elle a, malgré elle, assimilé ce qu’il faut pour être une bonne womanshow. Son aisance est due à sa verve, à son histoire et surtout à son audace ; autant de qualités humaines qui sont mises à jour dans la série. Midge, finalement, est une femme contemporaine et ses questionnements sont toujours actuels. Aujourd’hui, encore beaucoup de femmes placent l’emploi de leurs conjoints avant le leur ainsi que le bonheur de leur famille. En s’affirmant, à travers la parole, son émancipation est une réelle aubaine. Mrs Maisel est la métaphore de la liberté de choix quand nous possédons quand nous n’avons plus d’option. Une série, donc, rafraichissante par son humour et son personnage, ainsi que la foule de seconds rôles qui défilent au côté de Midge – un petit clin d’œil aux parents qui sont adorables dans leur étroitesse.
La showrunneuse de The Marvelous Mrs Maisel, Amy Sherman-Palladino, à qui nous devons déjà Gilmore Girls, possède un talent d’écriture, de finesse du propos et l’humour de situation plus que l’humour du show. C’est ce qui fait que la série n’est pas juste un bon point de départ, mais continue sur la longueur et arrive à tenir le spectateur au plus près de son personnage tout au long de la première saison. En plus de l’écriture, la réalisation, qui passe entre Amy Sherman-Palladino, Daniel Palladino et Scott Ellis, plonge le spectateur dans une ambiance brumeuse quand les personnages fréquentent les différents bars et une atmosphère très propre, néanmoins chaleureuse dans les moments de famille. La dichotomie des milieux se fait sentir par la même importance qu’ils occupent dans la vie de la jeune femme : d’où la critique crue qui s’efface pour nous laisser un sentiment de tranquillité. La catastrophe n’a lieu que dans la vie de Midge et de ses parents, non pas dans les espaces où elle se trouve. De plus, l’actrice Rachel Brosnahan, que nous avons vue dans la série House of Cards, est par ailleurs excellente dans son rôle. Elle possède cette moue un brin méprisante et pourtant si attachante qui met son héroïne sur la fine frontière entre la condescendance et l’ingénuité. Il faut dire que malgré toutes les qualités d’écritures et de mise en scène, toutefois classique, il n’y aurait pas eu Rachel Brosnahan nous n’aurions pas eu une Mrs Maisel aussi pimpante et fraiche.
La série d’Amazon se démarque donc de loin par son intelligence, son humour et le charme de son héroïne. Les saisons 2 et 3 sont en production, nous avons hâte de découvrir la suite de ce personnage, avouons-le, haut en couleur.
Marine Moutot
Série créée par Amy Sherman-Palladino
Avec Rachel Brosnahan, Alex Borstein, Michael Zegen, Marin Hinkle, Tony Shalhoub
Comédie, Etats-Unis, Saison 1
2017 – en production
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