Les films de la Mostra de Venise
Le Palmarès de la 75ème Mostra d’Art Cinématographique de Venise
Lion d’Or du meilleur film : Roma d’Alfonso Cuaron
Lion d’Argent Grand Prix du jury : The Favourite de Yorgos Lanthimos
Lion d’Argent de la meilleure mise en scène : Jacques Audiard pour Les Frères Sisters
Prix du meilleur scénario : Joel et Ethan Coen pour The Ballad of Buster Scruggs
Prix spécial du jury : The Nightingale de Jennifer Kent
Coupe Volpi de la meilleure interprète féminine : Olivia Coleman dans The Favourite
Coupe Volpi du meilleur interprète masculin : Willem Dafoe dans At Eternity’s Gate
Prix Marcello-Mastroianni du meilleur espoir : Baykali Ganambarr dans The Nightingale
Samedi 1er septembre :
Amanda, de Mikhaël Hers avec Vincent Lacoste, Isaure Multrier, Stacy Martin
Compétition Orizzonti – France – Sorti le 21 novembre 2018
Amanda commence tranquillement, décrivant avec tendresse la vie des personnages. Il montre un Paris idyllique où pédaler au milieu de la rue est possible et où les rencontres se font douces. Nous suivons David, sa soeur Sandrine et sa nièce Amanda qui vivent au jour le jour. Mais rapidement, le cours de la vie de David – joué par un Vincent Lacoste, sensible et magnifique – va changer. Il perd sa soeur dans une scène irréaliste, sortie droit d’un film d’horreur. Et là, le malaise s’installe. Le film jusque là tranquille, dans sa réalisation comme dans son scénario, perd pied et ne réussit plus à tenir son sujet qui devient alors creux. Il n’y a que Vincent Lacoste qui reste le seul à porter le film, à le maintenir. M.M
Doubles vies, d’Olivier Assayas avec Guillaume Canet, Juliette Binoche, Vincent Macaigne
Compétition Officielle – France – Sorti le 16 janvier 2018
Doubles vies parle beaucoup et presque trop. Olivier Assayas, pour son dernier film, réalise la prouesse de toujours mettre un bon mot d’esprit dans la bouche de ses personnages qu’il décortique avec cynisme. Cette satire du monde moderne où tout s’accélère et où les gens doivent voir après la nouvelle technologie est mordante. Le film pose le constat que ce qui est dit maintenant ne sera plus vrai demain. Les humeurs changeantes, les amours branlants et les égos d’un milieu que regarde uniquement son nombril réussissent à tenir le spectateur qui très vite comprend le jeu du réalisateur. Film assez vide, il reste une moquerie efficace du milieu bourgeois guindé parisien. M.M
Dimanche 2 septembre :
Frères Ennemis, de David Oelhoffen avec Matthias Schoenaerts, Reda Kateb, Sabrina Ouazani
Compétition Officielle – France, Belgique – Sorti le 3 octobre 2018
Ce Frères ennemis, c’est l’histoire de deux hommes liés depuis l’enfance dont les routes se sont séparées : l’un s’est tourné vers la criminalité, l’autre vers la justice. Un drame les ramène l’un à l’autre. C’est un film de chocs frontaux dans lequel Reda Kateb et Matthias Schoenaerts crèvent l’écran. La musique, ayant souvent une grande importance, ajoute à l’intensité de certains moments… Parfois peut-être un peu trop. Soulignons d’ailleurs l’attention portée à la respiration des personnages qui réussit très bien à générer de la tension. S’inscrivant dans la filiation du classique film de dealer de banlieue, Frères ennemis évite les écueils du genre. Grâce à un scénario et des personnages bien écrits, l’intrigue parvient même à générer quelques moments de surprise pour le spectateur. M. K.
Suspiria, de Luca Guadagnino avec Dakota Johnson, Tilda Swinton, Mia Goth …
Compétition Officielle – Etats-Unis, Italie – Sorti le 14 novembre 2018
À première vue, on pourrait croire que Suspiria se présente comme un remake du film de Dario Argento par le réalisateur de Call me by your name. En définitive, le film n’entretient que peu de liens avec le premier du nom. À noter qu’à l’inverse des couleurs criardes d’Argento, ici, les décors et les couleurs sont assez ternes, ce qui donne au film un air nostalgique si cher à Luca Guadagnino. Pendant les deux premiers tiers, le spectateur est plongé au coeur de cette école de danse, fasciné par l’image si soignée, mais aussi l’animalité et la sensualité qui se dégagent de cet être enfermé puis libéré qu’est Susie. Le montage alterné de la première scène de danse est presque dérangeant par ce qu’il traduit de la souffrance faite au(x) corps, annoncée dès les êtres tronqués du générique. Encore une fois, c’est un hymne à la beauté, mais aussi au caché et à la croyance (politique, religieuse, mystique…). Par de judicieux retours entre Allemagne et États-Unis, le réalisateur nous fait entrapercevoir quelques bribes du passé et du présent de la jeune femme et souligne que la menace vient aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur. On regrette tout de même l’artificialité des liens créés avec le tissu historique et l’oeuvre originale ainsi que quelques scènes brisant le rythme et la teinte du récit par leur exagération. M. K. saupoudré de M. M.
Charlie says, de Mary Harron avec Matt Smith (IV), Merritt Wever, Hannah Murray …
Hors Compétition – Etats-Unis – Prochainement
Charlies says s’inspire de faits divers connus, ceux des exactions commises par les adeptes de Charles Manson (Matt Smith), la communauté hippie “Manson Family”, en 1969 dans la région de Los Angeles. À travers un récit classique navigant entre deux espaces-temps (celui de la communauté – passé – et celui de la prison – présent), la parole est donnée à trois femmes et à leur vécu : Leslie Van Houten, Patricia Krenwinkel et Susan Atkins, accompagnée par une écrivaine bienveillante, Karlene Faith (qui a écrit The Long Prison Journey of Leslie Van Houten). La motivation évidente du film à exposer le parcours de ces femmes comme une déconstruction de la fascination et de l’aveuglement menant à la rédemption (du moins pour l’une d’entre elles) manque sûrement de complexité. Mais, bien que le film ne soit pas particulièrement novateur, le spectateur est rapidement happé par une interrogation permanente quant aux raisons de la construction d’une telle vénération autour du leader charismatique, fou et misogyne, Charles Manson. On regrette aussi que le récit embrasse uniquement le point de vue d’observatrice de Leslie Van Houten (Hannah Murray). Le film aurait gagné à se concentrer sur une multiplicité de point de vue. M. K.
Napszállta (Sunset), de László Nemes avec Susanne Wuest, Vlad Ivanov, Björn Freiberg
Compétition Officielle – Hongrie – Sorti le 13 février 2019
Le film commence sur un visage pensif qui n’exprime rien. Elle ne paraît pas être vraiment présente. Puis elle s’anime et prend place et tout au long du film, elle occupera de plus en plus la place dominante qui lui est destinée. À la manière Saul, dans le précédent film de László Nemes, Irisz Leiter traverse, construit et déconstruit l’intrigue. Nous sillonnons à travers les rues avec elle dans la poussière et le temps ; le temps d’un moment historique fort et qui voit le chaos s’installer dans Budapest, en 1913. La puissance de la mise en scène qui nous transporte entre incompréhension et délire d’une ville en pleine mutation nous rappelle sans cesse Le Fils de Saul. Alors, le réalisateur, entre redite ou marque de fabrique, trouve sa liberté dans son sujet et son personnage principal. Une femme perdue dans un monde qu’elle ne connait pas et ne comprend pas. Le lien vers son futur sera son passé qu’elle tente sans répit d’atteindre. La frénésie de la réalisation capte cette atmosphère avec une violence et un tel élan que le spectateur est emporté. La beauté de la musique et de l’image, ainsi qu’une actrice, au meilleur de son art, complètent ce film brut, dur, tragique et intense. M. M.
Dossier complet ici.
Lundi 3 septembre :
La Quietud, de Pablo Trapero avec Bérénice Bejo, Martina Gusman, Joaquín Furriel
Hors Compétition – Argentine – Prochainement
Le nouveau long-métrage de Pablo Trapero s’assimile parfois à une telenovela. Son sujet d’abord, qui longe le fil du ridicule, les explications sur ses personnages, qui même bien filmés, sont assez antipathique. La Quietud tourne autour de ce trio de femmes : la mère qui transmet sa folie doucereuse à ses filles et le prétexte de l’histoire — la maladie et la mort proche du père — ne semble pas les atteindre. De plus, la relation incestueuse qui vient dès les premiers moments du film laisse un arrière-goût de désir masculin : deux belles femmes se masturbant ensemble. Entre provocation et fantasme, le film ne réussit pas à s’en sortir. La qualité principale du long-métrage : faire détoner les pires tares d’une famille et arriver à garder une appétence certaine pour le cynisme. Entre vengeance et hypocrisie, La Quietud n’arrive pas à la hauteur d’El Clan, son précédent film. M. M.
At eternity’s gate, de Julian Schnabel avec Willem Dafoe, Oscar Isaac, Mads Mikkelsen
Compétition Officielle – France – Prochainement
« À la porte de l’éternité » est un tableau de Van Gogh représentant un paysan usé par le travail et les années. Mais ne serait-ce pas aussi un autoportrait du ressenti du peintre ? Un homme fatigué de la difficulté à vivre parmi les siens et leur incompréhension. Un homme vrai qui recherche par-dessus tout l’approbation de ses pairs. Un homme fasciné par la nature et sa beauté qu’il lit de manière si évidente. Le chemin qu’emprunte ce biopic s’impose de lui-même : brosser le portrait du peintre et de sa folie supposée à travers la complexité de son vécu. Il y arrive très bien ! Le rythme est lent, mais on se laisse rapidement emporter, notamment grâce aux belles performances des acteurs : Willem Dafoe en Van Gogh torturé, Oscar Isaac en Gauguin quelque peu présomptueux, Mads Mikkelsen en prêtre interloqué et évidemment, cinq minutes de Mathieu Amalric en compréhensif Dr Gachet. Le déséquilibre ressenti par Van Gogh atteint progressivement le cadre : une caméra oscillante en plans serrés, des mouvements saccadés, décalage du son et de l’image, une lumière rasante, du flou, beaucoup de flous… Les couleurs favorites du peintre deviennent omniprésentes : le jaune, l’ocre et le bleu s’imposent dans le champ (et les champs). Le spectateur est dans le regard du peintre. Il découvre même dans son quotidien des reproductions grandeur nature de ses tableaux. Bien que ces recours esthétiques puissent être un peu fatigants, ils fonctionnent le temps du film. Un dernier élément qui donne envie de se plonger dans l’héritage de Van Gogh : ses magnifiques correspondances avec son frère, Théo, et son ami, Gauguin, dictées par une voix off ponctuelle. Un bon biopic pour (re)découvrir ce peintre fascinant ! M. K.
La Réalité Virtuelle
The Great C, de Steve Miller
Dans un univers dystopique post apocalyptique contrôlé par un ordinateur intelligent, “The Great C”, le spectateur suit un jeune homme sacrifié par son village au “Great C”. Celui-ci doit traverser le pays pour le rejoindre. Sa fiancée Clare décide de l’aider. Ils doivent alors choisir de se plier aux règles ou de se rebeller contre la tyrannie technologique. Le graphisme animé et la narration évoquent à la fois le jeu vidéo et le conte. On observe les limites de ce type d’installation : temps de chargement, graphismes parfois peu détaillés, quelques petits bugs… Mais l’expérience vaut le détour ! Notamment pour se retrouver perchée en haut d’une tour au-dessus du vide et découvrir cette liberté de pouvoir regarder avec curiosité tout autour de soi et d’y découvrir une nouvelle image. M. K.
Isle of Dogs: Behind the Scenes, de Wes Anderson
Un making of original en VR de « L’Île aux Chiens », film sorti un peu plus tôt cette année. Au lieu des habituelles interviews des acteurs, réalisateurs et techniciens, la parole est donnée aux héros de l’histoire : les chiens. Et pas de n’importe quelle manière ! D’un côté, l’animal animé interviewé, un peu plus à gauche, voilà l’animateur en train d’animer la marionnette de ce même chien (en accéléré), tournons encore un peu et une vidéo sur un ordinateur nous révèle Wes Anderson doublant ledit chien. En six minutes, le spectateur en apprend beaucoup sur les techniques d’animation de ce beau film. Il suffit de tourner la tête ! M. K.
4 feet, Blind Date, de Maria Belen Poncio
Le film commence avec une jeune fille dans son bain. Elle regarde une vidéo porno. En tournant la tête, nous réalisons que nous sommes à la place de son fauteuil roulant. L’histoire est lancée. La réalité virtuelle semble ici éloigner des corps qui nous étouffent par leur proximité. En effet, la VR n’est pas forcément nécessaire pour son sujet ou même pour sa réalisation, mais le choix d’utiliser la réalité virtuelle est audacieux ici. Très court, assez mal scénarisé, comme sans doute beaucoup de films qui explorent les limites de la VR, le film reste touchant et s’aventure là où l’on ne pensait pas attendre un procédé aussi visuel et technique que la VR. Une belle idée, une belle tentative, mais pas obligatoirement à voir avec un casque. M. M.
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