Lumière 2018 – Grand Lyon Film Festival
Du samedi 13 au dimanche 21 octobre
NOTRE ÉPOPÉE À LUMIÈRE 2018
Le festival Lumière est un festival qui appartient à son public. Thierry Frémaux a fait de sa ville, Lyon, un temple du cinéma où les acteur.trice.s et réalisateur.trice.s sont acclamé.e.s : à tel point qu’ils annoncent tous vouloir venir vivre à Lyon parce que nous, les spectateurs, aimons le cinéma. Aller au festival Lumière, c’est comme rentrer dans une grande famille. Les salles sont pleines et les présentations sont riches en anecdotes sur la genèse du film et le désir de création. Il n’y a qu’à Lyon que l’on peut voir Christophe Lambert bras dessus bras dessous avec le réalisateur de Greystoke, Hugh Hudson, parlant respectivement du casting, de la découverte d’un acteur et de sa naissance. Et en plus de cela, masterclasses prestigieuses – Claude Lelouch, Liv Ullman, Vincent Lindon, Javier Bardem, Alfonso Cuaron, Françoise Arnoul, Peter Bogdanovich et Claire Denis, séances présentées en compagnie des réalisateurs et acteurs, spots musicaux sympathiques en avant-programme et expositions photographiques – nous en avons vu deux : “Dylan par Schatzberg” – de très beaux clichés de Dylan, des Stones, de Hendrix derrière l’appareil du décidément très bon Jerry Schatzberg – et “Chaplin, rare et inconnu” — des clichés de tournage rares du roi du burlesque — dans cette ambiance familiale, à la fois si étonnante et caractéristique.
Samedi 13 Octobre
Greystoke, la Légende de Tarzan, de Hugh Hudson
Avec Ralph Richardson, Ian Holm, Christophe Lambert, Andie MacDowell …
Royaume-Uni, États-Unis, 1984, 2h13
En présence de Hugh Hudson et Christophe Lambert
Cette séance était présentée par Thierry Frémaux, Hugh Hudson et Christophe Lambert. L’une de nos rédactrices a d’ailleurs eu la surprise d’arriver dans la salle et de se retrouver coincée à côté d’eux en arrivant en retard à la séance — après un dysfonctionnement métropolitain et une course mémorable. A la suite de quoi a lieu une présentation émouvante par le réalisateur et l’acteur principal de Greystoke. Les deux invités évoquent avec nostalgie la genèse du film et plus particulièrement le casting, qui a permis à Christophe Lambert de se faire connaître. Parmi les 300 personnes présentes à l’audition pour incarner Tarzan, Hugh Hudson a repéré Christophe Lambert car il était le seul assis. Son regard pénétrant l’a tout de suite attiré. Il a dit : “Je veux lui”. Il faisait 50 kg tout mouillé, n’avait aucune prestance musculaire, mais c’est lui que voulait le réalisateur. Christophe Lambert ajoute en rigolant, qu’il avait fait les sauts demandés pendant une minute puis, trop fatigué par l’effort, s’était affalé sur le sol. Il poursuit qu’il avait eu de la chance car il venait de se faire larguer par sa copine de l’époque. Alors pour se consoler, quoi de mieux que de se mettre au sport ? Il a ainsi pris 28 kg de muscle en 4 mois.
Le film en lui-même est très daté années 1980 : c’est l’illustration parfaite du film d’aventure tourné au sein d’un décor de jungle luxuriante. L’image a malheureusement mal vieilli : les singes ont une démarche très humaine — oh, des figurants couverts d’un costume de gorille ? — , la musique prend parfois beaucoup trop le pas sur l’image, le jeu souvent très caricatural… Il n’empêche qu’il n’est pas tout à fait désagréable de suivre cette fresque et que l’on se laisse prendre au jeu. Évidemment, nous n’oublions pas que le rôle féminin de Jane, interprété par la merveilleuse Andie MacDowell, n’est pas absolument pas un rôle digne de ce nom : le personnage est là pour accompagner le héros, pour être l’amour de sa vie, lui être entièrement soumise, ne s’exprimer que pour parler de lui et finir par accepter son départ car elle l’aime. Quoi de plus cliché ? Enfin, n’oublions pas qu’il s’agit de l’adaptation du roman de Tarzan, seigneur des singes écrit par Edgar Rice Burroughs en 1912 et que l’époque influence donc la perception de la femme. Les années 1980 sont aussi le retour des héros masculins virils — Rambo, Rocky, Conan Le Barbare — Tarzan surfe donc sur cette vague avec le corps de Christophe Lambert tout en muscles, nerveux et secs.
La Force des Ténèbres, de Richard Thorpe
Avec Robert Montgomery, Rosalind Russell, May Whitty, Alan Marshal …
États-Unis, 1937, 1h57
Extrêmement bonne surprise, La Force des Ténèbres est le premier film que nos rédactrices ont vu parmi la longue et florissante filmographie de Richard Thorpe — il en a réalisé plus de 180 en 44 ans de carrière. Les spécialistes s’entendent pour dire qu’il y aurait une vingtaine de longs-métrages vraiment exceptionnels — ce qui est déjà beaucoup. Nous avons eu la chance d’en découvrir un au Festival Lumière.
La Force des Ténèbres plonge ses spectateurs dans une ambiance malsaine dès les premières images. Un homme creuse un trou au pied d’un arbre en sifflotant, dans la nuit brumeuse. En plan fixe, il se cache alors que quelqu’un passe par là. Nous ignorons ce qu’il fait, sauf que tout cela ne semble pas très légal. La force du film réside dans une mise en scène efficace et des personnages forts et tous extrêmement bien écrits. Le film est tiré de la pièce Night Must Fall d’Emlyn Williams. Presque en huis clos, à part quelques scènes en extérieur, nous suivons Mrs. Bramson qui vit avec sa nièce, Olivia qui travaille pour elle, deux bonnes et bientôt rejointes par Danny, un jeune homme charismatique qui chamboule tout ce petit monde – interprété par un Robert Montgomery à contre-emploi.
Alors que Robert Montgomery marque le film par son flegme et son interprétation tout en subtilité d’un psychopathe fou et les personnages féminins ne sont pas en reste. Olivia— jouée par Rosalind Russell, qui avait déjà été vu dans La Dame du vendredi — est un personnage fort et ambivalent. Il s’agit d’une femme intelligente qui cerne très rapidement Danny, mais qui n’est pas insensible à ses charmes et au danger qu’il représente. La Force des Ténèbres arrive donc à créer des figures doubles, sans clichés, et tout cela dans une ambiance inquiétante.
Dimanche 14 octobre
Infidèle, de Liv Ullman
Avec Lena Endre, Erland Josephson, Krister Henriksson, Thomas Hanzon …
Suède, Norvège, Finlande, 2000, 2h34
Séance en présence de Liv Ullman
Départ très tôt de nos pénates. Petite balade dans Lyon et rédaction fantasmagorique dans un cloître. Quoi de mieux pour bien commencer la journée ? Pas Infidèle en tout cas… Après une discussion entre Thierry Frémaux et Liv Ullmann au cours de laquelle celle-ci revient un peu sur son film, mais aussi sur sa fascination pour Ingmar Bergman— dont elle sera la compagne pendant 5 ans. S’ensuit une sortie surprise de la salle en compagnie du public étonné : dans la rue du Premier Film, Thierry Frémaux remet une plaque honorifique à Liv Ullmann. Retour en salle.
Infidèle est très marqué par l’influence de Bergman : déjà parce qu’il en a écrit le scénario, mais aussi parce que l’histoire s’inspire de son vécu. Un événement qu’il aurait vécu avec une femme il y a longtemps et dont il regrettait amèrement la manière dont cela se serait déroulé. Liv Ullmann reste malheureusement trop fidèle à ce qu’a écrit Bergman et ne prend aucun recul. Le long-métrage est un flot continu de paroles. Tous les personnages ont leurs mots à dire. Il n’y a pas ou peu de respirations, aucun moment de silence, juste des paroles, des paroles et encore des paroles. Elle fustige la figure féminine infidèle et ne semble avoir que très peu de compassion pour elle. Long et insipide, le film parle beaucoup pour ne rien dire — ou dire très peu. Spoiler : nous ne sommes pas venues à bout de ces 2 h 35 de film. Ainsi dans l’heure qu’il restait, y avait-il 5 min sans un mot ? Nous ne pouvons vous le dire.
La vie privée d’un sénateur, de Jerry Schatzberg
Avec Alan Alda, Barbara Harris, Meryl Streep …
États-Unis, 1979, 1h47
Séance en présence de Jerry Schatzberg
Séance tant attendue après notre déception matinale. Look de rockeur, t-shirt large, veste en jean et petites lunettes… Jerry Schatzberg est là ! Réalisateur des très beaux Portrait d’une enfant déchue, Panique à Needle Park et L’épouvantail, nous avons pu confirmer notre engouement pour ce réalisateur tellement seventies. Qui n’est d’ailleurs pas seulement un très bon réalisateur, mais aussi un grand photographe de mode tout d’abord mais aussi du rock’n’roll – dont nous avons pu redécouvrir le talent à l’exposition Dylan – Schatzberg. La pochette de Blonde on blonde, et bien, c’est lui !
La vie privée d’un sénateur est un film réussit à la fois léger, sérieux et engagé sur le milieu de la politique américaine : critique du journalisme voyeuriste, difficultés familiales et amoureuses, contrôle de la vie privée, hypocrisie entre hommes politiques, malversations et petits arrangements sous la table, tromperie et, évidemment, sexisme omniprésent. Mais le tout est soutenu avec tellement d’humour que Schatzberg réussit à créer un équilibre parfait dans son film. Les séances du Sénat ressemblent à s’y méprendre aux séances de l’Assemblée nationale en France : bâillements, désintérêt total, occupations annexes… On se croirait dans un épisode de feu le Petit Journal. On retient aussi une scène de sexe très drôle entre Meryl Streep et Alan Alda, à la fois intime et touchante. Et surtout, Jerry Schatzberg laisse à ses acteurs talentueux le temps de laisser naître l’émotion sur leurs visages. Ce parti pris permet de communiquer au spectateur une impression très agréable et inattendue de naturel. Les dialogues, très intelligents sont remplis de non-dits. Meryl Streep, dans un de ses premiers rôles, est évidemment merveilleuse. Le cinéaste concocte une BO très seventies qui, bien que régulièrement en décalage avec l’image, se marie magnifiquement avec elle, un beau clin d’oeil à la musique de son époque.
Un soir au music-hall, de Henri Decoin
Avec Eddie Constantine, Zizi Jeanmaire, Nadia Gray …
France, 1956, 1h33
Séance présentée par Hippolyte Girardot
Installation dans une petite salle du Lumière Fourmi. Les jolis sièges bleus estampillés “fourmi” sont bien confortables. Début de séance haute en couleur avec une présentation d’un Hippolyte Girardot survolté qui finit par dire que ce film ne vaut pas tant par ses qualités scénaristiques et actorales que par les décors et costumes qu’il propose – et évidemment la présence de Zizi Jeanmaire, danseuse classique et femme de Roland Petit (qui réalise les chorégraphies pour elle), qui fit tourner la tête d’un des directeurs de la Cinémathèque de Lausanne. Le tout sans oublier de nous rappeler que pour tout questionnement plus précis il suffira de se tourner vers Bertrand Tavernier, assis quatre rangs derrière nous. Vous l’avez compris, Henri Decoin est à l’honneur cette année au festival. Ce cinéaste, actif des années 30 aux années 60, s’est essayé à la plupart des genres cinématographiques. Après visionnage, il faut bien avouer que la comédie musicale (ou du moins le scénario de comédie musicale) n’est pas son fort. Nous avons assisté pendant 1 h 38 à l’histoire d’amour entre Claudie (Zizi Jeanmaire), danseuse aux Folies Bergères, et Bob (Eddie Constantine), G.I. en permission à Paris qui renoue lui aussi avec le spectacle de music-hall, une sorte de Yves Montand à l’Américaine. Disons que c’était long… Le film alterne danses, moments musicaux et scènes effectivement peu scénarisées. Alors que certaines personnes riaient dans la salle — sans citer personne des personnes âgées à côté de nous — nous sommes assez vite consternées par la qualité du film que nous visionnons. Ce “premier film de music-hall français” — les publicités de l’époque le scandent — est plus une pâle copie qu’un réel hommage. Pour le dernier film de notre festival nous sommes un peu déçues, mais ce n’est pas grave, nous avons eu le droit à d’autres belles découvertes.
LISTE DE RATTRAPAGE
Le Festival Lumière propose une telle diversité de films qu’il est difficile de savoir quoi rattraper… Ça nous donne surtout très envie de nous immerger dans le festival à raison de 5 films par jours pendant 9 jours. Une belle prescription, non ?
Nous vous proposons quand même une petite sélection de perles que nous avions vraiment très envie de voir et qui nous sont passées sous le nez. Un bon programme pour les semaines à venir ! Nous vous en dirons des nouvelles…
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- Le Clan des Irréductibles, de Paul Newman (1971)
- La Vérité sur Bébé Donge, d’Henri Decoin (1951)
- Too young to love, de Muriel Box (1964) – et sûrement quelques autres car cette réalisatrice a l’air assez étonnante.
- Ma vache et moi, de Buster Keaton (1925)
- La dernière séance, de Peter Bogdanovich (1971)
- La Horde sauvage, de Sam Peckinpah (1969)
- Le Retour de Hal Ashby (1978)
- La Dame de Shanghai d’Orson Welles (1947)
NB : penser à ajouter quelques films de Richard Thorpe et de Jerry Schatzberg (parce qu’ils nous ont vraiment beaucoup plu !)
Le reste de la programmation 2018, c’est par là, il y a d’excellents articles autour des différents films du festival : http://www.festival-lumiere.org/programme/tous-les-films.html »>Ici Ici.