Ce vendredi, nous vous parlons de : Sauver ou Périr, Les Veuves, Lola et ses frères, Robin de Bois, Diamantino, Prince des Ténèbres et La Ballade de Buster Scruggs.
Sauver ou Périr : Nous suivons l’histoire de Franck, Sapeur-Pompier de Paris qui vit avec sa femme Cécile dans la caserne au milieu du Marais. Lors de son premier incendie, il se sacrifie pour la vie de ses hommes et se fait prendre dans les flammes. Il passe de héros à grand brûlé. De sauveur à perdu. Tandis que le film raconte sa quête d’identité, son rapport à la vie et à sa famille qui change, il devient un autre homme, peut-être meilleur. Ce long-métrage de Frédéric Tellier est un bel hommage au travail qu’accomplissent chaque jour les pompiers pour sauver des vies. Mais alors que le film sombre de trop nombreuses fois dans un pathos dérangeant, Pierre Niney est brillant dans son interprétation et arrive avec justesse à faire parler ce personnage — qui malheureusement explicite trop ce qu’il vit, certes cela fait gagner du temps, mais cela fait également des scènes de monologues, longues, lourdes et faussement tristes. La musique — souvent insupportable — et la mise en scène ne font qu’exagérer le côté pathétique et triste de l’histoire. Le spectateur est là pour verser des larmes. C’est pour Anaïs Demoustier, qui prouve une nouvelle fois son grand talent dans l’interprétation de femme de pompier, qu’il faut aller voir le film. Elle montre avec justesse des émotions et des paroles rarement exprimées au cinéma. Et la force de Sauver ou Périr est dans cette compréhension-là : la place de la femme face à la tragédie, de sa douleur et de sa tristesse. Il s’agit donc d’un film touchant, mais qui manque de justesse et ne prend pas le temps de développer son sujet. M.M
Les Veuves : Suite à un braquage raté, les veuves d’une équipe de criminels doivent à leur tour monter une opération afin de rembourser une dette due par leurs anciens compagnons. Parfois, il y a des films qu’on attend pas au tournant comme ça. On se dit « meh encore un film d’action à la noix avec Michelle Rodriguez » et puis en lisant pépère ton Trois Couleurs, les fesses confortablement enfoncées dans le siège du MK2, tu réalises quand même que ton film « d’action à la noix » il est un petit peu réalisé par Steve McQueen (#Shame #Regardecefilm). Conséquemment, c’est vachement plus intelligent que ce à quoi on aurait pu s’attendre. Steve McQueen joue ici brillamment avec les codes du genre (les afficionados des grandes franchises retrouveront ainsi quelques habitués : Michelle Rodriguez donc, mais aussi Liam Neeson) pour mieux contrer les attentes de son spectateur grâce à toute une série de plot twist bien sentis. Cinéaste de l’intime, il transforme par ailleurs son film d’action en une vaste galerie de portraits qui lui permet de déployer une intrigue socio-politique à la fois prenante et complexe. Certes, on pourra regretter quelques imperfections par-ci par-là (dont certains personnages, un peu moins traités que d’autres) mais Les Veuves reste une excellente surprise qui en vaudra la chandelle. Foncez-y donc, on vous recommande chaudement l’expérience. M.P.
Lola et ses frères : Lola et ses deux grands frères Pierre et Benoît forment une fratrie. Ils se retrouvent tous les mois sur la tombe de leur parents et en profitent pour se raconter mutuellement leurs hauts mais surtout leurs bas. Un jour Pierre et Benoît se disputent. Lola coincée entre les deux va tenter de les réconcilier tout en menant sa propre existence. Dégoulinant de bons sentiments et surfant sur des archétypes de personnages maintes fois exploités (la petite sœur qui joue le rôle de mère, le grand frère qui se veut de bons conseils mais rame de son côté et le troisième frangin, gros dur qui cache ses fragilités), Lola et ses frères n’a que peu à offrir en matière de divertissement. Quelques comiques de situations ou autre répliques cocasses réussiront parfois à nous faire avaler la pilule du désintérêt colossal de l’histoire de cette fratrie. Navrant dans ses clichés, agaçant dans sa simplicité de résoudre les problèmes familiaux et conjugaux, Jean-Paul Rouve signe un quatrième film sans saveurs qu’il vaut mieux s’empresser d’oublier. C.L.L.
Robin des bois : Tandis que ce nouveau Robin des Bois promet d’être haut en effet spéciaux et en actions spectaculaires, Phantasmagory reviendra dessus dans son dossier thématique autour de ce personnage mythique et de ces nombreuses adaptations qu’il a connu depuis sa création au Moyen-Âge, rendez-vous le mardi 4 décembre. M.M
Diamantino : Le film commence par une séquence qui restera mythique dans l’histoire du cinéma, pour le meilleur, mais surtout pour le pire. Nous regardons Diamantino jouer le match de foot le plus important de sa carrière, et tout d’un coup… nous voilà dans sa tête ! Et dans sa tête nous vous l’affirmons, il n’y a pas grand-chose. À part, et cela est inquiétant, d’énormes bichons aboyeurs flottant sur des nuages rose brillant. Que l’image soit incongrue passe encore, cela pourrait avoir un grand intérêt et nous ne sommes pas les dernières à apprécier l’absurde. Mais les effets sont si mal réalisés que nous pensons à une blague. Là encore, cela peut passer, le bricolage cinématographique (et évidemment assumé), c’est aussi intéressant. Malheureusement, le film est un patchwork de mauvais goût qui réussit sans cesse à se dépasser la scène d’après. L’intrigue essaye de tourner au ridicule les films d’espionnage, mais là où Mr Bean y arrivait avec brio, Diamantino nous fait questionner sur les motivations des cinéastes. Assurément, l’idée est de montrer une diversité (et un surplus) d’images telle que notre monde contemporain en brasse tous les jours. Il y a déjà un désir de critiquer cette société souvent creuse et ridicule où l’image est toujours essentielle — ainsi que les extrémismes politiques. Mais une fois cette envie des réalisateurs identifiée, il ne reste pas grand-chose à se mettre sous la dent à part du ridicule. Et le ridicule, quand on ne le trouve pas drôle, c’est long, très long. Le scénario pourrait être plein de surprises et donc passionnant. Nous sommes en effet conduits d’un rebondissement incongru à l’autre. Mais là encore, ça ne prend pas, l’humour est lourd, Diamantino n’est absolument pas attachant et le scénario nous fatigue. Cela devient rapidement pesant et absurde à l’image des bichons géants qui envahissent le terrain et le néant régnant dans l’esprit du footballeur. Un dernier point nous chiffonne, le long-métrage est parfois abordé comme un film queer, car l’un des personnages est supposé être transsexuel. Cette conception est profondément fausse et — encore une fois — grotesque : ce n’est pas parce qu’on force un homme à avoir des seins que celui-ci devient trans. Ainsi, le film divise — comme nous avons pu nous en rendre compte dès notre sortie de séance — : certains sont sensibles à cet humour, d’autres absolument pas. Récompensé par le Grand Prix de la Semaine de la Critique et encensé par de nombreux critiques. Pour Positif, le réalisateur « tire une interprétation drôle et irrévérencieuse de la Genèse ». Pour Les Inrocks, c’est un « pur film pop, c’est-à-dire une œuvre dont la sophistication est mise au service de la préhension du réel pour tous ». Et pour Télérama, « Diamantino est un film délibérément idiot, sans limites, et qui déborde de compassion ». Délibérément idiot, oui. Évidemment qu’il s’agit d’une satire, mais se reposer aussi longtemps sur des ressorts humoristiques aussi simples, à nos yeux — et à notre goût — n’est satisfaisant : le grotesque ne suffit pas. M.M. et M.K.
Prince des ténèbres : Un prêtre engage une équipe de jeunes scientifiques pour étudier un étrange cylindre vert découvert dans la crypte d’une église de Los Angeles. Peu à peu, ils commencent à comprendre que ce phénomène est surnaturel, mais il est trop tard ! Une mystérieuse prophétie est déjà en train de se réaliser, malgré eux… Second film de la trilogie de l’Apocalypse (The Thing et L’Antre de la folie étant les deux autres), Le Prince des Ténèbres s’inscrit dans un univers où grandit une menace surnaturelle et est souvent qualifié de très lovecraftien. Le récit linéaire et la mise en scène versent souvent dans le kitsch, pourtant quelques très beaux plans captivent. Les sans-abris zombifiés sont à la fois effrayants et drôles par leur immobilisme. Nous retenons, d’ailleurs, les apparitions répétées d’Alice Cooper (tout à fait reconnaissable) en chef des zombies, un empalement mémorable sur un vélo, des insectes grouillants et un réveil à côté d’un cadavre à la chair à vif. La thématique décrépitude est claire ! N’oublions pas une love story avec un beau blond à moustache, et le tableau est vendeur. Le film a nécessité à peine trois millions de dollars de budget, ce qui est étonnamment peu et ce qui explique aussi son côté bricolé. Il n’empêche que cela donne un charme incontestable au film. M.M. et M.K.
Pour suivre notre aventure à la Nuit Carpenter au Louxor, c’est par ici.
Le Petit Bonus du vendredi :
La Ballade de Buster Scruggs : Et voilà les Coen sont de retour ! Mais pas sur les écrans de cinéma. Cette fois-ci, c’est à Netflix, l’empereur américain de la VOD, qu’ils secouent la main. Tout d’abord annoncée comme un projet de série, La Ballade s’est transformée en film à sketchs. Tueurs à gages, lonesome cow-boys, chercheurs d’or, freaks et autres braqueurs de banque sont au rendez-vous. Un univers western en phase avec la sortie de Read Dead Redemption 2 il y a quelques semaines, non ? Et avec ça des noms bien connus : Liam Neeson, Brendan Gleeson, James Franco… Le premier court métrage éponyme annonçait bien le déroulement des péripéties à venir : cartoonesque à souhait, mêlant comédie musicale et western, rempli de cynisme et d’ironie. Très coenien en somme avec sa voix off narrant les diverses morts et la logorrhée impressionnante des protagonistes. Le burlesque devait être au rendez-vous avec ce Buster ! Pourtant, la suite de la balade sonne faux. Le cinquième et avant-dernier sketch, The Gal who got rattled, est le seul à un peu éveiller notre intérêt avec son récit touchant, ironique et un peu romantique. Il n’est pas nécessaire de s’appesantir sur les autres réalisations qui semblent bien longues et insuffisantes malgré leur format court. En définitive, la patte Coen n’est présente que dans la réalisation — image toujours très léchée et univers du Far West très convaincant — et non dans l’écriture qui semble être une pâle copie de leurs chefs-d’œuvre précédents. M.K
Marine Pallec, Manon Koken, Marine Moutot et Clémence Letort-Lipszyc
Sauver ou Périr
Réalisé par Frédéric Tellier
Avec Pierre Niney, Anaïs Demoustier, Vincent Rottiers
Drame, France, 1h56
28 novembre 2018
Les Veuves
Réalisé par Steve McQueen
Avec Viola Davis, Elisabeth Debicki, Michelle Rodriguez, Liam Neeson
Drame, Thriller, Royaume-Uni, États-Unis, 2h09
28 novembre 2018
Lola et ses frères
Réalisé par Jean-Paul Rouve
Avec Ludivine Sagnier, José Garcia, Jean-Paul Rouve
Comédie, France, 1h45
28 novembre 2018
Robin des Bois
Réalisé par Otto Bathurst
Avec Taron Egerton, Jamie Foxx, Jamie Dornan
Aventure, Action, États-Unis, 1h56
28 novembre 2018
Diamantino
Réalisé par Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt
Avec Carloto Cotta, Cleo Tavares, Anabela Moreira
Comédie, 1h32
28 novembre 2018
Prince des ténèbres
Réalisé par John Carpenter
Avec Donald Pleasence, Jameson Parker, Victor Wong
Horreur, États-Unis, 1h37
1987 – ressortie en version restaurée le 28 novembre 2018
La Ballade de Buster Scruggs
Réalisé par les Frères Coen
Avec Tim Blake Nelson, James Franco, Liam Neeson…
Western, États-Unis, 2h13
16 novembre 2018 sur Netflix