Ce mercredi, nous vous parlons à retardement de : Leto et Marche ou Crève.
Leto : Une cour en noir et blanc. Trois femmes escaladent escaliers et échelles pour s’infiltrer par une fenêtre dans un entrepôt/appartement. Elles viennent voir un concert à la Maison du Rock. Sous les yeux des adultes, la jeunesse s’évade assise sur leurs chaises. Aucun débordement, s’il vous plaît. La musique crée l’ambiance et la mise en scène vive installe le décor. Bienvenu.e dans Leto, un film sur la scène rock des années 1980 en Russie, à Leningrad. Nous gravitons autour de Mike, Natasha, Viktor et les autres. Le cinéaste Kirill Serebrennikov — actuellement assigné à résidence à domicile pour avoir soi-disant « détourner des fonds publics », mais il est connu pour ses positions politiques fortes — dessine en transparence la critique d’un système qui ne comprend pas cette jeunesse. Bien que cela soit très ténu dans l’histoire, la toile de fond politique est présente. Le personnage de Punk est là souvent pour nous le rappeler. Avec ses regards caméra, il crée une complicité avec le spectateur.
Mais le film vaut surtout pour ses partis pris esthétiques : les musiciens du film reprennent et insèrent dans leurs chansons des musiques underground américaines et anglaises. Ils les modifient, les traduisent, apportent leurs propres histoires et sensibilités. Cela donne des chansons multiculturelles. Pleins d’horizons. Le film fait de même : il emprunt, il vole, il recycle et ressort un objet unique plein de punk et de rock. Serebrennikov joue avec l’image, les textures et les couleurs pour rendre son noir et blanc encore plus juste. Les passages en couleurs, les dessins à même le photogramme, les inserts de chansons dynamitent l’ouvrage. Une mise en scène très libératrice.
L’image et la musique ne font plus qu’un pendant deux heures, les paroles inventant sans cesse l’histoire. Un film véritablement punk et rock. À voir de toute urgence et à écouter en boucle (Grosse préférence pour la chanson Leto qui annonce une séquence très belle sur une plage).
Marche ou Crève : Élisa a 17 ans. Dans les magnifiques montagnes du Vercors, elle profite de l’été comme elle peut, entre une amourette avec un homme marié et sa sœur handicapée. Depuis que sa mère les a laissées, elle décide de prendre en charge une partie du temps pour s’occuper de sa sœur. À la fois dans un souci d’aide pour son père, elle souhaite surtout éviter à Manon de devoir partir en institut.
Le premier film de Margaux Bonhomme s’inspire de sa propre histoire avec le polyhandicap. Mais tandis que l’histoire n’arrive pas à saisir les corps dans le cadre de son image, la cinéaste rend la première partie du film difficile, les éléments étant mal amenés et les réactions des gens très disproportionnées. En voulant arriver trop vite à la rupture, au moment de craquage, comme le titre le suggère fortement, elle rend un film qui sonne faux. C’est quand la rupture a lieu, qu’elle trouve enfin le ton à adopter et que nous pouvons nous rapprocher des personnages pour être touchés par leur histoire. Quand bien même elle manque la confrontation et occulte la bataille qui aurait pu avoir lieu en l’évacuant par une pirouette scénaristique, elle réussit à faire parler ses personnages. Il est pourtant trop tard, le long-métrage laisse un goût de malaise dans les scènes avec Manon, jouée par Jeanne Cohendy, excellente dans ce rôle de composition. De beaux moments malgré tout jalonnent Marche ou Crève, dans ce premier film inégal.
Marine Moutot
Leto
Réalisé par Kirill Serebrennikov
Avec Roman Bilyk, Irina Starshenbaum, Teo Yoo
Drame, Biopic, Russie, France, 2h06
5 décembre 2018
Marche ou Crève
Réalisé par Margaux Bonhomme
Avec Diane Rouxel, Jeanne Cohendy, Cédric Kahn
Drame, France, 1h25
5 décembre 2018
2 commentaires sur « Les notules à retardement #1 »