Ce vendredi, nous vous parlons de : Glass, Doubles vies, Ayka et Une Jeunesse Dorée.
Glass : David Dunn, l’homme à la force surhumaine, est de retour pour mettre fin aux agissements de La bête, entité sanguinaire. Alors qu’il s’apprête à parvenir à ses fins, les deux individus sont interpelés et envoyés dans un asile où Dunn retrouve son ennemi juré: L’homme de verre.
Dix-neuf ans après Incassable, M. Night Shyamalan – adepte jusqu’au-boutiste du twist, au point d’avoir une des carrières les plus rocambolesques du cinéma contemporain – livre ici l’ultime chapitre de sa trilogie super-héroïque. Deux ans après la sortie de Split – second volet palpitant qui mettait en avant tout le talent de James McAvoy dans un rôle de super-schizophrène complètement dément – on attendait donc avec impatience ce troisième épisode, censé conclure avec brio un des plus grands succès critique de Shyamalan. Malheureusement, et en dépit d’une première heure plutôt réussie, Glass déçoit dans son ensemble : la faute tout simplement à un manque cruel de substance.
Loin d’être aussi catastrophique que les gros nanars de la filmographie de Shyamalan (coucou Avatar : The Last Airbender, coucou After Earth), Glass manque cependant d’une qualité essentielle que l’on pourrait attribuer à ces derniers : c’est qu’il est également loin d’être aussi divertissant, même pris au sixième degré. Piégé par sa propre hype comme après la sortie Sixième sens, le réalisateur semble en effet s’être pris beaucoup trop au sérieux et peine ici à maintenir son spectateur en haleine.
Sans doute conçu à la va-vite pour surfer sur le succès inespéré de son ainé et redorer le blason d’un réalisateur à la carrière jusque-là mal barrée, Glass souffre en effet d’un scénario inégal et mal bouclé. Beaucoup introspectif et piégé par sa propre mythologie, l’intrigue s’enlise petit à petit dans une atmosphère ronflante et sans suspense jusqu’à aboutir à une battle de parking assez peu palpitante. Cette atmosphère moue du genou se ressent également dans le casting où seul James McAvoy parvient une nouvelle fois à impressionner au milieu de stars en toute petite forme (Bruce Willis, au bord de la dépression et Samuel L. Jackson, étrangement apathique) et de personnages secondaires complètement sous-exploités.
En bref et en résumé on ne pourra que regretter la pâle conclusion apportée par Glass à une brillante trilogie jusque-là rondement menée. Reste à espérer que cette mauvaise passe ne sera que temporaire pour Shyamalan et que le réalisateur de Signes sera se ressaisir lors de son prochain essai. Après tout, sa carrière n’en serait pas à son premier retournement. M.P
Doubles Vies :
Dans son nouveau film, Olivier Assayas parle du monde de l’édition littéraire — sorte de parallèle assez facile avec l’industrie du cinéma. Il y analyse les mœurs et les faux semblants à travers deux couples : Alain et Séréna – Guillaume Canet et Juliette Binoche – l’un éditeur, l’autre star du petit écran et Léonard et Valérie — Vincent Macaigne et Nora Hamzawi — lui écrivain et elle assistante d’un politique. Alors qu’Alain a toujours publié Léonard, il décide de ne pas publier son dernier roman, s’ensuit alors actions — et dialogues — qui modifient profondément les deux ménages.
Doubles vies parle beaucoup et presque trop. Olivier Assayas réalise la prouesse de toujours mettre un bon mot d’esprit dans la bouche de ses personnages qu’il décortique avec cynisme. Cette satire du monde moderne où tout s’accélère et où les gens doivent voir après la nouvelle technologie aurait pu être mordante. Le film pose le constat que ce qui est dit maintenant ne sera plus vrai demain. Dans ce milieu très parisien de l’édition, les personnages sont assez insupportables — malgré des acteurs et actrices excellents. Les humeurs changeantes, les amours branlants et les égos d’un milieu que regarde uniquement son nombril réussissent à tenir à moitié le spectateur qui très vite comprend le jeu du réalisateur. Film assez vide et fatigant sur la longueur, il reste une moquerie efficace du milieu bourgeois guindé parisien dont l’humour se tarit à force de donner dans la surenchère et le cliché. M.M. et M.K
Ayka :
Une jeune femme kazakh sans papier accouche dans un hôpital de Moscou. Elle s’enfuit de la maternité et retourne à la recherche d’un travail. On apprend très vite qu’elle croule sous les dettes.
Pendant tout le film, c’est une caméra mobile, serrée sur les visages, les corps, qui va nous accompagner dans ce moment charnière de la vie d’Ayka. Cela faisait un moment que je n’avais pas rencontré cette manière de filmer. Elle fait penser à Festen, de Vinterberg, où la caméra pénètre violemment dans la vie intime des personnage. Dans Ayka, même procédé, l’ambiance se fait lourde, mais la délicate interprétation de l’actrice Samal Yeslyamov (prix d’interprétation féminine à Cannes) rend l’histoire tragique de son personnage empathique mais jamais larmoyante. Et pourtant il y aurait de quoi : le froid glacial de Moscou, le travail clandestin, les risques d’expulsions, et surtout l’abandon de ce nouveau-né, le poids de sa dette et la peur constante de ne pouvoir échapper aux hommes qui viennent lui réclamer la somme. Tous les éléments sont réunis pour un film cannois digne de ce nom. 10 ans après son touchant Tulpan, Sergey Dvortsevoy peint à nouveau le beau portrait d’une âme survivante dans une existence qui ne lui fait aucun cadeau. C.L.L
Une Jeunesse Dorée : 1979. C’est la fin des années 1970 et les années 1980 commencent à se faire sentir. C’est la fin d’une époque. À 17 ans, Rose aime Michel. Et Michel, jeune peintre, aime Rose. Alors qu’elle était en pension, Michel a fait la rencontre de Lucile, une bourgeoise riche mariée à un écrivain raté. Lucile s’est entichée de Michel et souhaite lui acheter des tableaux. D’abord férocement opposée à cette union, Rose y voit une opportunité de réussir et de découvrir une nouvelle vie. Alors, transportée dans un milieu décadent et bohème, elle essaye de s’inventer.
Eva Ionesco raconte à travers ces couples déchus, la séparation entre deux mondes et deux âges. La cinéaste retranscrit avec justesse la perte de l’innocence. L’amour d’adolescent se transforme, les amants qui abiment leur passe sur le corps. Il ne se passe finalement rien, à part des moments poétiques entre quatre êtres. Seulement une longue descente dans la perversion et la dégénérescence du luxe, du sexe, de la drogue et du mal-être. Mais cela est fait avec beauté et talent que l’on ne s’ennuie pas. Elle dresse le portrait d’une jeune femme qui se découvre : d’abord infantilisée et soumise à son amour pour Michel, elle se retrouve soumise à la puissance de l’argent, pour finalement se libérer entièrement. Elle devient ce qu’elle a toujours voulu être : une actrice. Comme si durant tout le récit, elle enfilait différents costumes pour expérimenter la vie. La jeune actrice Galatea Bellugi est magnifique dans ses robes et dans ce rôle de jeune femme farouche. La passion et l’alchimie du jeune couple sont parfaites et électrisent le long-métrage. Eva Ionesco offre donc un remarquable film haut en couleur, avec une bande-son éclectique et des acteurs et actrices au meilleur de leur art : Isabelle Huppert en vamp, Melvil Poupaud en artiste désenchanté et Lukas Ionescos en jeune homme maudit. Ainsi, la réalisatrice ne perd en rien son talent sulfureux. M.M
Manon Koken, Marine Moutot, Clémence Letort-Lipszyc et Marine Pallec
Glass
Réalisé par M. Night Shyamalan
Avec James McAvoy, Bruce Willis, Samuel L. Jackson
Thriller, États-Unis, 2h09
16 janvier 2019
Doubles Vies
Réalisé par Olivier Assayas
Avec Juliette Binoche, Guillaume Canet, Vincent Macaigne
Comédie, France, 1h47
16 janvier 2019
Ayka
Réalisé par Sergey Dvortsevoy
Avec Samal Yeslyamova, Zhipargul Abdilaeva, David Alavverdyan
Drame, Russie, Allemagne, Pologne, Kazakhstan, 1h50
16 janvier 2019
Une Jeunesse Dorée
Réalisé par Eva Ionesco
Avec Galatea Bellugi, Isabelle Huppert, Melvil Poupaud, Lukas Ionesco
Drame, France, Belgique, 1h52
16 janvier 2019
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