[CRITIQUE] J’veux du soleil

Si j’étais Macron que me diriez-vous ? 

François Ruffin, qui s’est fait connaître auprès du grand public grâce au succès de son précédent film Merci Patron, est depuis longtemps un pourfendeur des droits humains et plus particulièrement de ceux qui ont le moins d’espace pour parler et s’exprimer : les pauvres. Dans son journal indépendant Fakir, lui et son équipe motivée donnaient déjà de la place au récit de ces hommes et ces femmes. Avec Merci Patron et son élection en tant que député dans la 1re circonscription de la Somme en 2017, François Ruffin devait aller à la rencontre des gilets jaunes. Alors que dans les médias, ce mouvement est considéré de violent, tyrannique, qui emprisonne l’opinion publique, il décide de tirer les choses au clair une bonne fois pour toutes. Plutôt que de dresser un portrait du mouvement, au lieu de faire la synthèse d’une idée « gilet jaune », il parcourt la France accompagné de Gilles Perret — documentariste qui a réalisé L’Insoumis ou La Sociale — pour faire connaissance des fameux gilets jaunes.

Le dispositif du film est très simple. Toujours en s’impliquant autant, François Ruffin interroge des gilets jaunes rencontrés aux quatre coins de la France, tandis que Gilles Perret filme. Le montage met en parallèle le discours des médias, ne prenant en général qu’un mot fort, par exemple « radicalisé », « facho », avec des gilets jaunes qui parlent de leur vie. Il oppose deux discours et ne laisse de la place pour s’exprimer que celui des gilets jaunes. En effet, si le discours des médias et des politiques est représenté, il n’est là que pour illustrer le gouffre qui sépare deux réalités. Comme beaucoup de monde, je n’avais eu que la télévision pour m’informer du mouvement et très rapidement j’en étais venu à m’y désintéresser. Ma famille habitant en province déplorait ce qui se passait à Paris. N’ayant jamais eu l’occasion de croiser ou parler avec eux, je me suis alors fait une image préconçue par les médias. J’veux du soleil était nécessaire pour clairement comprendre ce que représentent les gilets jaunes et leur combat. Ce sont des gens simples qui veulent seulement qu’on les respecte. À travers ces femmes et ces hommes que Ruffin et Perret suivent dans leur intimité, ce sont des portraits émouvants qu’ils dressent. Ils vont ensemble aux ronds-points, aux péages, aux barrages où s’installent les gilets pour montrer la camaraderie, l’espoir qui habitent ces gens que trop longtemps la honte a réduits au silence. La fraternité, qui barre les frontons de toutes nos mairies, ils et elles ne la connaissaient pas. À travers ces portraits, un beau message d’espoir et un profond désir de réformer une France, qui laisse derrière elle beaucoup trop de personnes sur le carreau.

Et même si le dispositif est simple et que le message est clair avant même l’entrée en salle, J’veux du soleil est un film à aller voir pour soutenir un mouvement qui pendant trop longtemps été critiqué par des élites qui ne supportaient de le voir. Didactique et inégal, le film reste fort et touchant. Fait dans l’urgence, cela se ressent, tant en bien qu’en mal. L’urgence d’un mouvement mal entendu, mal compris et mal aimé du grand public. Urgence donc de porter haut et fort qui sont les gilets jaunes : des humains comme vous et moi qui veulent de la dignité. Mais malheureusement, le long-métrage laisse trop au centre François Ruffin, qui aurait dû s’effacer quand il interrogeait les gilets jaunes et leurs motivations. Devenu une véritable figure médiatique, Ruffin se met une fois de plus en scène. Même si j’ai beaucoup d’affection pour lui et pour son travail et le combat qu’il mène au jour le jour, les portraits auraient largement suffi. Mais, pendant les moments de route, où il essaye de comprendre et de décortiquer ce mouvement, il a des paroles intéressantes et qui touchent de près le problème du fonctionnement actuel de la société française.
Ce film est à la fois destiné à ceux qui ne comprennent pas les gilets jaunes, mais également au pouvoir en place et plus particulièrement à Emmanuel Macron. De manière peu subtile, François Ruffin interroge plusieurs des gilets jaunes et partisans en leur demandant : « Si j’étais Macron, qu’est ce que vous aimeriez me dire ? ». Une manière de dire au président : le peuple te parle, vas-tu finir par écouter ?

J’veux du soleil est donc nécessaire, à voir d’urgence pour faire le maximum de bruit autour de ce film pour que peut-être les politiques finissent par écouter ce que les gilets jaunes veulent dire : non pas un message de violence, de haine, non pas un message de radicalisé, de facho, mais un message de paix, de dignité et de respect. Exit les casseurs des Champs-Élysées, bienvenue la France qui mérite d’être entendue.

Pour en savoir plus sur Fakir, vous pouvez retrouver le site ICI.

Marine Moutot

J’veux du soleil
Réalisé par François Ruffin, Gilles Perret
Documentaire, France, 1h16
3 avril 2019

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

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