Ce vendredi, nous vous parlons de : Astrid, Les crevettes pailletées, Retour de flamme et Les Météorites.
Astrid : Avec Astrid, la réalisatrice danoise Pernille Fischer Christensen, qui n’en est pas à son coup d’essai, nous conte l’histoire de la célèbre auteure de Fifi Brindacier, et de bon nombre d’autres ouvrages pour enfants, la fameuse Astrid Lindgren. On est très vite emporté dans le tourbillon de vie de cette femme de lettres suédoise, interprétée avec brio par l’actrice Alba August. A mesure que s’égrainent les mots doux d’enfants qu’elle reçoit pour son anniversaire, on replonge avec elle dans ses souvenirs, les débuts de sa vie d’écrivaine, et les balbutiements de sa vie de femme. Sa carrière, prometteuse, commence avec un stage de secrétaire dans un journal. Cependant la liaison qu’elle va nouer avec son patron, et la grossesse non désirée qui l’accompagne, vont compliquer un peu les choses. Âgée de seulement 16 ans, et dans une situation trouble avec le père de son enfant, elle se voit contrainte d’abandonner son fils pendant un temps. Elle devra mener un long combat pour le retrouver, jonglant entre son travail et d’incessants allers-retours entre la Suède et le Danemark, où elle a laissé son fils. Dotée d’une féroce indépendance et d’une furieuse envie de vivre, Astrid Lindgren est un personnage fort qui, malgré les épreuves qu’elle a vécu, réussit non seulement à garder son âme d’enfant et son énergie vitale, mais s’inspire en outre de son passé pour créer des héroïnes à son image, impétueuses et affranchies des codes. Alors qu’on n’a cessé de lui répéter le contraire, elle va prouver à tous ses détracteurs qu’on peut à la fois élever son enfant, seule de surcroît, et travailler, jusqu’à atteindre une renommée certaine. Malgré des côtés parfois un peu trop mélodramatiques, on salue ce parcours de vie qui n’en demeure pas moins touchant. Plus encore, on admire cet esprit libre et inspirant par son refus de se conformer aux normes, et de se plier aux concessions. A.E
Les crevettes pailletées : Suite à des propos homophobes, Mathias Le Goff – vice champion du monde de natation -, se voit contraint d’entraîner Les crevettes pailletées, une équipe associative LGBT de water polo. Sa mission : les qualifier pour les Gay Games.
Avec Les crevettes pailletées Cédric le Gallo et Maxime Govare (coauteur d’un premier essai mitigé : La toute première fois, réalisé en 2015 avec Noémie Saglio) jouent à fond la carte de l’humour, quitte à céder à quelques facilités, pour accoucher d’un feel good movie à la fois drôle et sensible.
Certes, le film ne donne pas toujours dans la subtilité : une partie de l’équipe n’aurait certainement pas démérité dans La cage aux folles et est bien sûr complètement nympho ; quand on fait la fête c’est forcément décadent et de préférence sous ecsta tandis que les membres goudoux de l’équipe concurrente sont of course une bande de bonhommes féroces qui veulent tout démolir sur le ring de la piscine (“dans lesbiennes, y’a hyènes” qu’on nous dit. Mvoilà.). Les crevettes pailletées joue donc de bien des clichés, et peut-être est-ce ainsi le prix à payer pour ne pas trop bouleverser le grand public dans son horizon d’attente quand il va voir un film LGBT, mais pourtant c’est aussi de là qu’émerge toute l’intelligence du film.
Tout est question de regard et celui que porte Les crevettes pailletées sur ses personnages n’est pas celui de la stupide moquerie mais au contraire celui de la bienveillance et de la tendresse. Alors que Matthias s’interpelle des surnoms d’ordinaire discriminatoires que les membres de l’équipe s’imputent volontiers entre eux, on lui répond : “nous on a le droit, toi non”. En effet, qui s’amusent et jouent avec malice des clichés qu’on leur attribuent si ce n’est en premier lieu les membres de l’équipes ? On rit non pas au détriment des personnages mais avec eux et Les crevettes pailletées rappelle ainsi que la “différence” comme on dit, n’est qu’une affaire de mot et qu’elle naît avant tout dans le regard que l’on porte sur les autres. Dans l’équipe, Cédric est un jeune père qui comme tant d’autre peine à épouser son nouveau rôle de père quand à Fred, jeune femme trans, si elle est stigmatisée c’est surtout par un de ses camarades d’équipe.
En dépit de quelques scènes et si le film de Le Gallo et Govare sait pour d’autres raisons créer de véritables moments poignants, l’homophobie, l’ignorance et la violence qui l’accompagnent ne sont ici pas le véritable sujet des Crevettes Pailletées. Certains, qui auraient peut-être espéré un film traitant véritablement de l’homophobie dans le domaine du sport seront ainsi peut-être déçus de ne pas voir cette thématique abordée plus en profondeur. Toutefois, c’eût été se méprendre sur le message porté par les Crevettes : un film non pas sur la haine mais une véritable ode à la joie et à la “gay”eté. M.P
Retour de flamme : Au départ de leur fils pour des étude à l’étranger, Marcos et Ana remettent en question leur couple. Mariés depuis 25 ans et tout deux dans la cinquantaine, ils décident de mettre un terme à leur quotidien monotone et se séparent. La tendresse et l’affection sont toujours là mais l’amour s’est évaporé. Ils redécouvrent alors le célibat. Cette comédie romantique tout droit venue d’Argentine, avec en tête d’affiche deux stars du box-office (Ricardo Darín et Mercedes Morán) s’interroge sur la déconstruction des couples de la bourgeoisie intellectuelle. S’il n’y a pas d’âge pour aimer et retomber amoureux, l’évaporation du sentiment est symptomatique des mariages qui dépassent les vingt ans. L’infidélité s’invite dans les relations des cinquantenaires et semble être le remède pour ne pas se lasser de son/sa compagne. Marcos et Ana ne rentrent pas dans ce schéma, dont il assiste auprès de leurs amis, face à l’extinction de leur flamme, leurs chemins prennent des routes différentes.
Les années suivant leur séparation, ils oscillent entre plusieurs relations. Rencontres burlesques, parfois clichées mais jamais vulgaires, les conquêtes sentimentales des héros s’enchaînent sans grand intérêt. Les personnages secondaires manquent d’originalité. Elle recherche le frisson du coup de foudre, il souhaite la stabilité et une douce romance. Et c’est peut être le reproche que l’on pourrait faire au premier film de Juan Vega. Derrière une écriture fine de ses personnages et une mise en scène rythmée, le film aborde avec peu d’audace la comédie de remariage : ce genre typique des années 30-40, où des couples mariés se séparent pour mieux se retrouver. La comparaison entre Vega et McCarey, Hawks ou Capra ne serait pas à l’avantage du réalisateur argentin, qui nous livre une œuvre monotone comme la vie de ses personnages. Il est bien loin le temps des jeux de séductions, des stratagèmes pour reconquérir l’être aimé qui nous faisant tant rire dans His Girl Friday (Hawks, 1940). C.L.L.
Les Météorites : C’est l’été, Nina a 16 ans et s’entiche rapidement de Morad. On a là tous les ingrédients du classique (et anodin ?) film indépendant, estival et adolescent. Et pourtant, Les Météorites, c’est bien plus que cela. Nina travaille au Dinospace, un parc à thème, au coeur de l’Hérault, sur… les dinosaures. Alors est-ce vraiment si étonnant d’y voir passer des météorites ? Pourtant, Nina semble la seule à les contempler. Aux côtés de la jeune femme solitaire, on évolue dans un microcosme solaire et naturel, où la ville ne semble pas avoir de place dans le cadre serré du 4/3, cette incarnation du souvenir. Le montage est elliptique donnant presque l’impression d’assister à des saynètes, des bribes du quotidien de la jeunesse. Là où on pouvait s’attendre à une chaleur écrasante qui ralentit les corps, le rythme est présent, en accord avec le caractère bien trempé de Nina. On la sent en décalage dans un univers somme toute banal – reptiliens, shit, vignes et corrida – : sa tache sous l’oeil, sa beauté insolente, son tempérament de feu. Nina, ce n’est pas n’importe qui. C’est une jeune femme qui prend les devants. La caméra, sûrement un peu amoureuse, ne la quitte jamais et Zéa Dupré crève l’écran. Sans même connaître ses motivations, il est évident qu’elle suit son chemin, tout comme le film. Quand bien même, on croit avoir perdu les météorites, il y revient. Logiquement. Et Nina avance, vers la confiance. Sans prétention, poétique et agréable, Les Météorites nous séduit par le rythme turbulent de la ba(l)lade de Nina dans ce premier long métrage de Romain Laguna. M.K.
Clémence Letort-Lipszyc, Amandine Eliès, Marine Pallec et Manon Koken
Astrid
Réalisé par Pernille Fischer Christensen
Avec Alba August, Maria Bonnevie, Trine Dyrholm
Biopic, Drame, Suède, Danemark, 2h03
08 mai 2019
Les crevettes pailletées
Réalisé par Maxime Govare et Cédric Le Gallo
Avec Alban Lenoir, Nicolas Gob, Romain Brau
Comédie dramatique, France, 1h
08 mai 2019
Retour de flamme
Réalisé par Juan Vera
Avec Ricardo Darín, Mercedes Morán, Claudia Fontán
Romance, Comédie, Argentine, 2h09
08 mai 2019
Les Météorites
Réalisé par Romain Laguna
Avec Zéa Duprez, Billal Agab, Oumaima Lyamouri
Drame, France, 1h25
08 mai 2019