Film présenté à Un Certain Regard à la 72ème édition du Festival de Cannes
Au temps qui passe …
La sélection d’Un Certain Regard de cette année est constituée de films passionnants et forts. Il semblerait que le cru de cette 72e édition cannoise soit fort en goût et en couleur.
Le nouveau film de Christophe Honoré commence avec fracas. Avec sa maîtrise de la langue, il crée un personnage féminin direct, brillant et plein d’esprit. S’il raconte une nouvelle fois une histoire d’amour, c’est toujours avec originalité et finesse. Et il nous conte avec mille références amusantes son histoire d’amour avec le cinéma et sa passion pour cet art qui n’a pas fini de s’inventer.
Maria est mariée depuis plus de 25 ans avec Richard, son mari. Alors qu’elle le trompe avec un de ses étudiants, il surprend un SMS coquin et des plus explicites. Après la dispute, Maria traverse la rue et décide de loger dans l’hôtel en face de chez elle. De là, elle observe sa vie et va très vite être dérangée par le passé qui a bien son mot à dire. Maria passe alors une folle nuit entre un Richard âgé de 25 ans, l’ancienne amante de son mari, sa conscience, sa mère et j’en passe. Le tout avec un ton qui alterne moments burlesques et intensité dramatique.
Le récit se construit en empruntant plusieurs points de vue, ce qui permet de ne jamais juger aucun de ses personnages, mais bien de les laisser s’exprimer librement. Chiara Mastroianni est délicieuse en femme adultère adepte des jeunes hommes, Vincent Lacoste est excellent en dandy moralisateur, Camille Cottin quant à elle est pleine de nostalgie et de douceur en prof de piano et ancienne amoureuse et Benjamin Biolay est fidèle à lui-même en mari déprimé. Petit clin d’œil à Carole Bouquet qui a la meilleure scène de tout le film. Christophe Honoré collectionne ses personnages qu’il chouchoute et auxquels il attache une attention particulière à sublimer. Sans jugement donc, mais avec burlesque, brusquerie et beauté de l’image — qui teinte cette nuit de couleurs chaudes malgré la neige qui tombe — Chambre 212 est un petit bijou cinématographique.
Les références au cinéma ne manquent pas : outre celle faite à François Truffaut et L’Homme qui aimait les femmes — mais dans l’autre sens, cette fois c’est la femme qui reluque les hommes dans la rue — ; le cinéaste insère pêle-mêle : le café qui se nomme Rosebud — mot sacré du cinéma qui tient son origine dans Citizen Kane d’Orson Wells — ; une maquette du quartier ; le cinéma en plein milieu des deux chambres. Le réalisateur remercie d’ailleurs en fin de générique Leo McCarey dont le film Cette sacrée vérité sorti en 1937, qui met en scène Cary Grant et Irene Dunne au moment de leur divorce, lui a inspiré ce long-métrage.
Ces multiples détails sont complétés par la citation de son propre cinéma et des thèmes qu’il affectionne. En plus de l’amour, il aime les relations insolites qui sortent du cadre de la norme. Ici, chaque personnage est unique et donne à voir tout ce que le monde a à offrir. Christophe Honoré ne livre pas un reportage sur l’amour et le temps qui passe, mais un conte sur la beauté du temps qui nous échappe.
Marine Moutot et Manon Koken
Chambre 212
Réalisé par Christophe Honoré
Avec Chiara Mastroianni, Vincent Lacoste, Camille Cottin, Benjamin Biolay
Comédie, Drame, France, Belgique, Luxembourg, 1h30
9 Octobre 2019
4 commentaires sur « [CRITIQUE] Chambre 212 »