[CRITIQUE] Sibyl

Film présenté en Compétition à la 72ème édition du Festival de Cannes

Au passé qui ne s’efface …

Dernier long-métrage à être présenté en Compétition au 72ème Festival de Cannes, le nouveau film de Justine Triet sort en même temps au cinéma. Il s’agit du quatrième film cannois après The Dead Don’t Die (critique ici), Douleur et Gloire (ici) et Le Jeune Ahmed (ici).

1876786.jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxxPsychanalyste depuis 8 ans, Sibyl décide de recommencer l’écriture et quitte la plupart de ses clients. Un soir, une jeune femme en pleur l’appelle. Elle a besoin d’elle, elle n’arrive pas à prendre une décision. Émue, intriguée, intéressée ? Sibyl accepte de prendre en rendez-vous l’actrice, Margot, dont la liaison avec un acteur du tournage, qui est déjà en couple avec la réalisatrice, devient néfaste. Très vite, elle en fait le sujet de son nouveau roman. Mais elle glisse alors dangereusement dans la passion du souvenir. Elle n’arrive bientôt plus à se séparer de son passé.

Justine Triet en est à son troisième film. Après La Bataille de Solférino, premier long-métrage vif et Victoria, drôle et libérateur, qui mettaient déjà Virginie Efira dans le rôle-titre, elle revient avec un film plus sombre, plus complexe. Sibyl comme Victoria avant elle, sent qu’elle a raté quelque chose dans sa vie. Alors que nous découvrions Victoria au bord de la crise de nerfs, en pleine errance par rapport à sa propre vie, Sibyl semble être à l’aise dans la vie et connaître son désir. Elle est entre un enfant, un mari et une sœur, son envie d’écrire et ses patients. Quand Margot — jouée par Adèle Exarchopoulos — débarque dans sa vie, elle en voit une source d’inspiration qui rapidement va devenir une source de tension en elle. Un passé dont elle pensait en avoir fini avec. Le père de sa fille qu’elle n’arrive pas à oublier, sa mère alcoolique et sa peur de devenir alcoolique à son tour. Au fur et à mesure du film, elle sombre toujours plus. Cette accumulation de couche autour du personnage, plutôt que de réellement le complexifier, nous en perdons presque l’essence. Son récit s’en retrouve meurtrie, entre des aller-retour incessants entre flash-back, consultation, Margot et la vie quotidienne. La cinéaste semble vouloir perdre le spectateur, sa narration en prend un coup.
Pourtant, le film reste fort et dramatique. C’est en réalité, la touche d’humour utilisé dans ses précédents récits qui disparaît — ce qui en soit n’est pas d’un problème. Le ratage complet de son héroïne est trop triste pour réellement avoir envie d’en rire, même si certains passages sont réalisés dans cette direction. Sibyl est un personnage tampon qui absorbe tout pour en refaire un livre, et en se détruisant au passage.

Film complexe, donc, sur une femme entière. Justine Triet montre, par la beauté de ses images et la maitrise de la musique, son talent. Le piano reste le principal instrument tant que son héroïne n’a pas sombré — un générique en début de film très épuré avec une note grave, puis une note aiguë au piano, annonçant que Sibyl ne sait sur quel pied dansé. Sa narration reste malgré tout fluide, même si certains passages s’égarent dans des couches inutiles. Le récit d’un.e auteur.e se perdant dans une relation avec son patient n’est pas ici le sujet et tant mieux, mais bien la déchéance d’une femme talentueuse dans les déboires de sa vie. Un film inégal, qui hésite entre puissance et intime, entre grave ou aigu.

Marine Moutot

Sibyl
Réalisé par Justine Triet
Avec Virginie Efira, Adèle Exarchopoulos, Gaspard Ulliel, Sandra Hüller, Niels Schneider
Comédie, Drame, France, Belgique, 1h40
24 mai 2019

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

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