Du 28 juin au 7 juillet 2019, Arthur Penn est à l’honneur du 47ème Festival International du Film de La Rochelle. L’occasion pour nous de revoir trois de ses films les plus appréciés : Le Gaucher (The Left-Handed Gun, 1958), Bonnie & Clyde (1967) et Little Big Man (1971). Trois films de genre qui mettent en scène des “légendes” de l’histoire de l’Amérique : Billy the Kid, incarné par Paul Newman dans Le Gaucher ; Bonnie Parker et Clyde Barrow interprétés par Faye Dunaway et Warren Beatty dans Bonnie & Clyde ; et le Général Custer, joué par Richard Mullligan dans Little Big Man. Des personnages du folklore américain, dont l’histoire a maintes fois été racontée et mise en scène auparavant. Ce qui aurait pu être une difficulté s’avère une force pour Arthur Penn qui, avant-gardiste, propose chaque fois une nouvelle vision, voire une relecture, du mythe, qu’il questionne et écorne.
Dans chacun de ces trois films, Arthur Penn a utilisé des codes et références connus du public pour ancrer ses films dans un univers familier. Dès le générique du Gaucher, le réalisateur utilise les codes du western : paysage de désert ouest-américain, personnage de Billy the Kid, balade folk et typographie typique du genre. Dans le générique de Bonnie & Clyde, l’utilisation de photographies permet de rattacher le film au contexte historique de la Grande Dépression. Dès les premières images, Arthur Penn invoque ainsi tout un univers et une histoire sans avoir à les développer, ce qui lui permet ensuite d’apporter un point de vue nouveau.
Parce qu’il connaît déjà l’histoire de Bonnie et Clyde, de Billy the Kid et du général Custer, le spectateur a un rôle actif. C’est sur ce principe que repose le succès du western (et des films de genre en général) : c’est parce qu’ils connaissent et reconnaissent les stéréotypes du genre que les aficionados peuvent apprécier les décalages, détournements et libertés, invisibles aux yeux du néophyte.
En outre, la mise en scène et le scénario de Bonnie & Clyde et de Little Big Man invitent le spectateur à faire un pas de côté en lui rappelant sans cesse qu’il s’agit de cinéma. Bonnie et Clyde façonnent leur légende à travers les photographies qu’ils prennent tout au long de l’histoire ainsi que le poème -authentique – que Bonnie envoie aux journaux. Les nombreux surcadrages évoquent autant le cadre photographique et cinématographique que l’emprisonnement. Little Big Man est construit comme un long flash-back de l’histoire racontée par Grand Petit Homme à la fin de sa vie. La présence de la voix-off durant tout le film ainsi que la première scène rappellent au public qu’il s’agit d’une histoire, ou, comme la désigne le journaliste, une “légende”.
Cette mise à distance participe au questionnement du rôle et du statut du héros. Dans Le Gaucher et Little Big Man le héros westernien devient anti-héros. Le choix et la direction de l’acteur Paul Newman permet de créer un Billy the Kid à rebours des canons du genre. Le film a beau commencer comme un western, la première vision du héros est celle d’un personnage pliant sous le poids de sa charge (la selle de son cheval), avant de chuter. L’alternance entre un jeu gesticulant qui fait ressortir le côté enfantin et immature du personnage et un jeu renfermé, avec un personnage parfois quasi-mutique, qui baisse la tête ou tourne le dos à la caméra et aux autres personnages, crée un sentiment d’instabilité, qui ne sied guère au héros classique. Ce qui fait dire à un autre personnage, M. Moultrie : “Les livres mentent. (…) Vous n’êtes pas digne de gloire.” Dans Little Big Man, c’est le personnage du Général Custer qui est malmené. L’évolution de sa position dans le cadre épouse l’évolution de l’image que s’en fait le personnage principal mais aussi, à travers lui, le spectateur : d’abord filmé en contre-plongé en champ contre champ, il partage ensuite le même cadre avec Grand Petit Homme pour finalement être à nouveau filmé en champ contre champ mais cette fois en plongée.
Ces relectures, dans lesquelles la mise en scène et la direction d’acteurs jouent un rôle prépondérant, ont marqué l’histoire du cinéma. Le Gaucher peut ainsi être considéré comme un des premiers westerns crépusculaires et Bonnie & Clyde comme le début du Nouvel Hollywood.
J. Benoist
Le Gaucher (The Left-Handed Gun)
Réalisé par Arthur Penn
Avec Paul Newman, Lita Milan, John Dehner
Western. Etats-Unis. 1958. 1 h 40.
A voir au Festival International du Film de La Rochelle (2019) le 30 juin à 17h15, le 2 juillet à 17h15 et le 3 juillet à 10h
Bonnie & Clyde
Réalisé par Arthur Penn
Avec Faye Dunaway, Warren Beatty
Road Movie. Etats-Unis. 1967. 1 h 51.
A voir au Festival International du Film de La Rochelle (2019) le 30 juin à 22h30, le 3 juillet à 14h15 et le 4 juillet à 22h15
Little Big Man
Réalisé par Arthur Penn
Avec Dustin Hoffman, Faye Dunaway, Chief Dan George, Richard Mulligan
Western. Etats-Unis. 1970. 2 h 29
A voir au Festival International du Film de La Rochelle (2019) le 29 juin à 17h15, le 3 juillet à 10h30 et le 6 juillet à 10h30
Un avis sur « Arthur Penn et les figures mythiques de l’Amérique »