La VR de la 76è Mostra de Venise

Le Palmarès de la 76ème Mostra de la Réalité Virtuelle

Jury composé de Laurie Anderson, Alysha Naples et Francesco Carrozzini

Grand Prix du Jury pour la Meilleure expérience VR immersive
The Key de Céline Tricart
Meilleure expérience VR Interactive Immersive
A Linha de Ricardo Laganaro
Meilleure expérience VR Linéaire Immersive
Daughters Of Chibokde Joel Kachi Benson

Aujourd’hui, la VR — ou réalité virtuelle — est de plus en plus présente quand on évoque le cinéma ou les jeux vidéo. Elle a aussi commencé à se faire une place dans les plus grands festivals. Mais la question reste la même : comment la désigner ? Tantôt plus proche du film, tantôt plus proche du jeu vidéo, doit-on la nommer expérience interactive ? 

En tout cas, c’est une expérience à laquelle nous nous sommes adonnées avec joie, la Mostra de Venise étant l’occasion rêvée pour profiter d’une belle sélection VR l’espace d’un lundi après-midi. En effet, à la Biennale, une île entière — très proche du Lido — est dédiée à la réalité virtuelle — et uniquement à cela. D’ailleurs toute sa circonférence est occupée par un seul bâtiment avec un petit jardin en son centre — espresso et poufs confortables au rendez-vous. Après une première expérience l’an dernier — et quelques échecs au niveau des réservations —, nous étions rodées pour tirer le meilleur parti de cette édition. Nous avons ainsi pu profiter de la diversité des installations et de la fraîcheur des vieilles briques. Cette île du Lazzaretto Vecchio vaut le détour, rien que pour le lieu et l’histoire — il s’agit d’un ancien hôpital !

COMPÉTITION – INTERACTIVE

Porton Down

Porton Down est le lieu d’une mystérieuse expérimentation militaire. Porton Down est le récit d’un homme qui a vécu l’enfer suite à ce qu’il y a subi dans sa jeunesse et son parcours pour s’en sortir.

Porton Down est une expérience VR en animation extrêmement bien réussie. À la fois documentaire et interactive, elle raconte le récit d’un homme qui a subi, un peu contre son gré, une expérience militaire étrange. Dénonçant les manigances de l’Armée américaine, la voix off de Don Webb nous parle et nous montre ce qu’il a vécu pendant quelques mois en 1953 ! La réalité virtuelle offre au spectateur de ressentir l’expérience telle que l’homme l’a vécu. Un interrogatoire est mené par des médecins expliquant qu’il faut répondre à leurs questions en appuyant sur le buzzer qui se trouve juste en face du protagoniste. Grâce à de la leap motion que le joueur interagit — c’est-à-dire qu’un capteur permet aux personnes de voir leurs mains, et promis ça fait quelques choses la première fois, surtout quand c’est aussi bien réussi qu’ici. Différentes informations sont relevées afin de mesurer la rapidité des réactions du cobaye ou encore sa façon de se repérer dans l’espace. Les questions sont simples, nos réactions immédiates. Progressivement, alors que les jours d’examen s’enchaînent, assez semblables, notre vision commence à changer, brouillée, incertaine, et ce jusqu’au délire. Le choix de l’animation, dépouillé et efficace, plutôt que de la prise de vue réelle, est vraiment un point fort. Très intéressante aussi bien au niveau historique — Porton Down a existé : des expériences avec du LSD ont été menées et le récit relaté est bel et bien réel — qu’au niveau sensoriel — le ressenti est glaçant et on perd nos repères avec notre acuité visuelle confuse par la drogue —, Porton Down est un de nos coups de cœur du festival. Petit plus, la séance se conclut avec un carton de la biographie du soldat ayant inspiré cette expérience VR et on nous remet un document résumant les relevés de différentes données nous concernant. Expérience personnalisée et immersive à souhait !

Inori 

L’artiste Miwa Komatsu vous invite dans un monde virtuel pour une introspection accompagnée de créatures fantastiques.

Inori tout d’abord c’est la beauté des dessins, des peintures très belles et colorées, de l’univers dans lequel nous plongeons. Cet art, un peu primitif, nous guide. Debout, au milieu d’un cercle, le joueur/spectateur est invité à entrer dans un univers fantastique plein de mysticisme et d’ésotérisme. La voix off, très douce, permet de s’immerger entièrement. Équipés d’un casque, d’une manette, nous sommes libres de nos mouvements. Nous pouvons voir nos mains grâce au leap motion. Ainsi nous sommes dans un voyage, un voyage intérieur qui se veut interactif. Nous devons déverrouiller des « items » pour accéder d’une porte à une autre. L’animation est magnifique, mais lasse malgré tout rapidement. De plus, les différentes actions deviennent répétitives et le tout est très linéaire. Nous devons toujours monter plus haut sur une montagne pour finir par arriver ligotés par un bébé géant auquel nous sommes reliés par un cordon ombilical. Cet aspect très religieux, très en lien avec la puissance du soi peut laisser de marbre et finalement être de trop dans ce voyage étrange. Notons également que l’intimité voulue par l’expérience n’est pas entière, car nous pouvons être observés de tout côté — ce qui bloque, surtout quand une personne vous demande de parler et d’exprimer ce que vous ressentez. Cela reste une belle expérience VR qui vaut pour la peinture de l’artiste japonaise Komatsu Miwa et la surprise d’avoir l’odorat qui se rajoute par moment avec de l’encens, des plantes. Cela était assez inédit dans les expériences de cet après-midi-là.

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Vous voilà bloqué.e dans un ordinateur. Découvrez la face cachée des écrans, mais le temps presse, vous devez sortir vite.

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Assez peu d’intérêt pour cette expérience. En plus d’être courte et peu construite scénaristiquement, les interactions sont réduites au minimum : vous pouvez écrire un message en voyant l’écran à l’envers, et quelques manettes à activer vous permettent de sortir. Même si l’idée de départ est intéressante, les graphismes et les péripéties sont assez sommaires. Seul véritable intérêt : le mélange de prise de vue réelle et de jeu en animation.

COMPÉTITION – LINÉAIRE

Ex Anima Experience

Placé au centre, comme un totem d’un rituel étrange, les spectateurs et spectatrices découvrent une danse où l’être humain et l’animal ne font plus qu’un.

L’expérience est pensée du début à la fin pour vous faire entrer dans un autre monde : celui du dernier spectacle de Bartabas, écuyer et directeur du théâtre équestre Zingaro d’Aubervilliers. Expérience classique à 360° au récit linéaire, l’idée est de nous immerger au cœur du spectacle, au centre de la piste, au milieu du sable crissant sous nos pieds — pour de vrai ! – comme sous ceux des chevaux, entourés d’un décor circulaire de draps noirs. Le fauteuil tourne à 360°, notre tête aussi. Autour de nous les prouesses équines se succèdent évoquant la guerre et la mort, célébrant une cérémonie sacrée entre l’homme et l’animal dont nous sommes témoins. L’installation est intéressante et effectivement immersive. Même si le film suffirait presque, rien ne remplace le spectacle original. À noter d’ailleurs que la prise de vue réelle a souvent un rendu insuffisant en VR et on voit malheureusement les pixels dans le casque.

Daughters of Chibok 

En 2014, le groupe de terroristes salafistes djihadistes Boko Haram kidnappe 276 lycéennes à Chibok, au Nigeria. Nous rencontrons la mère de deux des jeunes filles.

Daughters of Chibok est un documentaire classique au récit linéaire à 360°. Bien qu’à première vue, il semble reprendre cette lubie assez malsaine des expériences VR de vouloir nous mettre à la place de protagonistes ayant vécu un drame, le film échappe à cet écueil. En effet, nous sommes dans le rôle du réalisateur, interlocuteur de la mère ayant vécu l’enlèvement de ses deux filles. Heureusement que personne n’a pensé à nous mettre à la place des jeunes femmes — malheureusement ce genre d’expérience a déjà été faite. Daughters of Chibok a plus pour ambition de reprendre les faits à travers le récit de la mère soulignant l’impossibilité d’avancer qu’elle et les autres mères ressentent. Par ailleurs, il évoque le désir de ces villageoises à avoir une égalité de droits à l’éducation ainsi que les changements dans la communauté au fil des années, alors que plusieurs étudiantes sont encore portées disparues. Reste une question : la VR était-elle utile ? La question peut se poser…

BEST OF VR – HORS-COMPÉTITION

Le Cri VR 

Nous sommes au musée devant le célèbre tableau d’Edvard Munch, Le Cri. Tout d’un coup, le tableau s’anime et le passé du peintre se matérialise sous nos yeux et mains.

Sélectionné dans la catégorie Best of VR, Le Cri mérite bien ce titre. Comme son nom l’indique, il nous plonge au cœur du célèbre tableau du peintre norvégien. Tableau maintes et maintes fois étudié et nommé, il n’en renferme que plus de secrets. De quel sens est porteuse cette œuvre ? Saviez-vous que la famille de Munch était une des origines de son inspiration ? Ou alors qu’une momie péruvienne était impliquée ? Toutes ces anecdotes, nous les apprenons par l’image. Ici, la VR prend tout son sens, car elle est à la fois intelligente et interactive. Elle nous projette dans un musée où nous observons la beauté colorée du tableau — de très près — et nous pouvons même le toucher — on croirait vraiment palper la toile en caressant le mur. Et peu à peu la salle change, la momie apparaît, la famille apparaît. L’acmé de cet enchaînement — déclenché par notre touché répété sur la peinture — éclate dans le sentiment d’effroi succédant à la fascination que nous ressentons en nous empêtrant dans une mélasse noire collant à nos doigts — virtuels et pourtant si réels — par longs filaments élastiques. L’expérience est totale et nous en ressortons la tête bien plus remplie — et les yeux satisfaits du spectacle.

A Fisherman’s tales

Vous voilà Bob, une marionnette-pêcheur, le temps d’un jeu de 5 h. Entrez dans son bateau, nettoyez, vivez au rythme des vagues. Mais très vite, cela se complique. Une tempête fait rage et c’est le début des ennuis…

Cette expérience VR est à la fois un jeu interactif où le spectateur/joueur manipule les éléments autour de lui à l’aide d’une manette, mais également une histoire entrecoupée de séquences d’animation. Ce qu’offre la VR ici c’est la possibilité que le joueur.se soit à la place du pêcheur. Dès le début, nous pouvons nous voir dans le miroir et voir nos mains, ce qui rend l’immersion impressionnante. De plus, l’histoire ludique et fantastique est pleine de rebondissements. Et bien qu’une gentille dame me soufflait à l’oreille pour m’aider à résoudre les énigmes — la séance dure 30 min, tandis que le jeu est censé faire 5 h —, le tout est assez simple et nous permet de nous acclimater rapidement. N’étant pas une experte des jeux, et encore moins de ceux de VR, j’ai mis un peu de temps à m’habituer aux différents fonctionnements et à la manière dont il fallait jouer. Pourtant une fois les deux ou trois manipulations principales acquises, le jeu devient assez vite instinctif. La réalité virtuelle permet une immersion totale dans ce monde féérique et alambiqué. De plus, les dessins sont magnifiques et très travaillés. Un véritable conte dans lequel on plonge les yeux grands ouverts.

Vous pouvez l’acheter ou vous renseigner ici : http://afishermanstale-game.com/

To the Moon

Un voyage de la Terre à la Lune, voilà où nous emmène To the Moon pour une exploration spatiale de l’humanité.

Munie d’un casque et de deux manettes, l’exploration de la Lune que nous propose To the Moon est visuellement assez réussie. Depuis le sol (ou l’espace) lunaire, nous sommes spectateur de l’histoire de l’humanité en partant d’une sorte de structure faite d’un regroupement de dinosaures constitués de séquences d’ADN — on croirait presque à une œuvre contemporaine — que nous touchons de nos bras fictifs. S’ensuivent d’autres apparitions animales avant de voir défiler certains éléments scientifiques ainsi que des drapeaux évoquant la conquête spatiale. Malheureusement, on se contente de se déplacer en prenant de l’altitude ou en redescendant dans un espace réduit où se construisent ces visions. Ce manque de liberté et d’interaction rend l’expédition un peu moins intéressante que prévu. Pour clore cette expérience, la batterie de ma manette droite n’a pas survécu et a bloqué mon bras (virtuel) pendant les cinq dernières minutes. Dommage !

Travelling while Black

Entrez dans l’histoire du Green Book à travers le témoignage de plusieurs Afro-Américains qui ont marqué l’histoire de leur communauté.

Cette expérience de réalité virtuelle linéaire vous propose de vous arrêter un instant et de vous asseoir aux côtés d’hommes et de femmes qui racontent leur histoire, celle des Noirs-Américains des années 50 à nos jours. Il s’agit d’un documentaire qui aurait pu être plus efficace sous une forme traditionnelle si le message à faire passer était l’histoire du Green Book, mais la volonté des réalisateurs est la rencontre. L’impression que donne la VR est d’être au côté de ces personnes. Il n’y a plus de barrière, plus de frontière et c’est pour cette raison que Travelling while black est réussi. Néanmoins, la VR n’ajoute pas énormément au film et c’est surtout la force des témoignages qui crée l’émotion.

Manon Koken et Marine Moutot

Merci à Stella de Diversion Cinema pour les photos et les informations. Diversion Cinema pour en savoir plus c’est ici.


A Fisherman’s Tales
Réalisé par Balthazar Auxietre, Alexis Moroz
Avec la voix de Jacob Augustin
France – durée de l’expérience 30’ (durée totale 5h)

Daughters of Chibok
Réalisé par Joel Kachi Benson
Nigeria – durée 11’

Downloaded
Réalisé par Ollie Rankin
Avec Tiera Skovbye
Canada – durée 8’

Ex Anima Experience
Réalisé par Pierre Zandrowicz, Bartabas
France – durée 13’

Inori
Réalisé par Liu Szu-ming, Komatsu Miwa
Taiwan – durée 17’

Le Cri VR
Réalisé par Sandra Paugam, Charles Ayats
Avec la voix de Paul Hamy, Ann Christine, Anna Flori Lamour
France – durée 15’

Porton Down
Réalisé par Callum Cooper
Australie, UK – durée 15’

To the moon
Réalisé par Laurie Anderson, Hsin-Chien Huang
Taiwan, USA – durée 15’

Travelling while black
Réalisé par Roger Ross Williams, Ayesha Nadarajah, Felix Lajeunesse, Paul Raphaël
Avec Sandra Butter-Trusdale, Virginia Ali, Therrell Smith, Courtland Cox
USA, Canada – durée 20’

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

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