Elle a à peine trente et un ans, mais de Haneke à Honoré, en passant par Pascale Ferran, Bertrand Tavernier, Małgorzata Szumowska, Emmanuel Mouret et Rebecca Zlotowski, voilà déjà près de vingt ans que Anaïs Demoustier arpente le cinéma français en travaillant auprès des plus grands. À l’occasion de la sortie d’Alice et le maire de Nicolas Pariser où elle campe une pétillante philosophe volant au secours d’un politique en panne d’inspiration (Fabrice Luchini), Pantasmagory a décidé de revenir sur cinq rôles qui ont fait les belles heures d’une jeune carrière déjà fort prometteuse.
5) Les Neiges du Kilimandjaro – Robert Guédiguian, 2011
Michel aime Marie-Claire avec qui il vit depuis plus de trente ans. Sa vie est heureuse, malgré le fait qu’il vient de se faire virer. Mais un jour, deux hommes armés les braquent…
En 2011, alors qu’elle a tout juste 24 ans, elle joue pour la première fois pour Robert Guédiguian. Elle vient de s’illustrer dans Belle Épine pour la cinéaste Rebecca Zlotowski au côté de la jeune Léa Seydoux. Dans Les Neiges du Kilimandjaro, elle interprète, Flo, la fille de Jean-Pierre Darroussin, homme qui vient tout juste de se faire renvoyer. La jeunesse et la fraîcheur de l’actrice transcendent le film même si elle a peu de scène. Le long-métrage s’inspire du poème de Victor Hugo Les pauvres gens que le cinéaste se sert comme base pour étudier à travers des personnes humbles l’évolution d’une société qui va mal. Il part à la rencontre des gens que personne n’entend.
C’est le début d’une collaboration fructueuse avec le cinéaste marseillais. En effet, elle jouera par la suite dans Au fils d’Ariane (2013), La Villa (2017) ainsi que son dernier film Gloria Mundi présenté en compétition officielle à la Mostra de Venise. Le cinéaste est connu pour avoir une tribu d’acteurs et d’actrices avec qui il réalise ses films, parmi eux : Jean-Pierre Darroussin, Ariane Ascaride, Robinson Stévenin, Gérard Meylan et depuis 2011, Anaïs Demoustier. Il faudra attendre La Villa et Gloria Mundi — qui sortira le 27 novembre de cette année — pour qu’elle ait des rôles plus conséquents, mais toujours avec la même fraîcheur et délicatesse. MM
4) Au poste ! – Quentin Dupieux, 2018
Un commissariat en pleine nuit, un policier cuisine son suspect numéro 1 sur l’affaire d’un meurtre.
C’est dans la première comédie au casting 100 % français de Quentin Dupieux qu’elle s’illustre enfin dans le registre comique brulesque. Elle y interprète une employée du poste de police, également femme attentionnée, maternante du policier borgne de l’équipe. Cantonnée à un second rôle, ses quelques apparitions font pourtant mouche : elle est affublée d’un manteau brunâtre assorti aux murs en bois du commissariat et doublé en mouton, et porte une tignasse toute bouclée. Dupieux souhaitait redonner vie à la Zézette de Le Père Noël est une ordure. Le réalisateur aime déconstruire les archétypes joués par les acteurs et actrices du cinéma français et leur donner une nouvelle identité cinématographique. Il a également offert à Adèle Haenel une plongée dans le comique, genre qu’elle avait peu exploité. Ici le pari est gagné pour Demoustier, l’actrice dévoile une nouvelle facette de son jeu d’actrice ce qui ne peut que consolider son talent et l’envie de la voir s’envoler encore plus loin. CLL
3) Une nouvelle amie – François Ozon, 2014
Après la mort de sa meilleure amie, Claire décide de veiller sur la fille et le mari de celle-ci, David. Claire ne tarde cependant pas à découvrir que cet homme en apparence discret et sans histoire cache en réalité un secret.
Dans le cinéma d’Ozon désir, mort et sensualité s’entremêlent habilement dans une envoûtante danse à trois temps. C’est ici dans un mélange d’Almodovar et de De Palma (certains aurait dit Hitchcock, mais c’est sans oublier ce goût du kitsch dramatique que Ozon cultive aussi bien que l’auteur de Blow Out), qu’Une nouvelle amie fait mijoter ces trois ingrédients fétiches. Ici deux êtres éplorés par le deuil et aux désirs réprimés se retrouvent réunis dans le chagrin pour mieux devenir libres, ensemble. Si Romain Duris semble mener la danse dans ce tango à deux magnifiquement porté par ses comédiens, Anaïs Demoustier campe pour sa part une partition particulièrement complexe et Claire, personnage secrètement sensuel et passionné, est loin d’être en reste dans la construction de cette troublante idylle affranchie de toute considération politique. Ozon déconstruit ainsi toutes les conventions sociales autour du genre : Claire et David s’échangent les rôles, Claire et Virginia — l’alter ego de David — tombent amoureuses, à moins qu’il ne s’agisse de Claire et David… à moins que tout ceci ne soit ici pas très important et c’est sans doute cela dans ce beau film rafraichissant et libérateur. M.P
2) La Jeune Fille Sans Mains – Sébastien Laudenbach, 2016
Un meunier pour survivre fait un pacte avec le Diable : il lui vend sa fille en échange de la richesse. Mais la jeune fille réussit à s’échapper grâce à sa pureté, mais sans ses mains. Elle fuit à travers le pays à la recherche d’une vie meilleure.
La jeune fille sans mains est un conte peint à la main, plan par plan. Sébastien Landenbach a mis sept ans pour venir à bout de ce rêve insensé : réalisé seul un long-métrage d’animation à la gouache. Inspirée d’un conte des frères Grimm, la violence du récit : une jeune fille qui se fait couper les mains par son père, pourchassée par le diable qui veut la posséder, est contrastée par la douceur des coups de pinceau. Les traits épais sont rendus vivants par le souffle des actrices et acteurs qui font vivre les personnages. Anaïs Demoustier incarne ici une jeune fille qui représente la pureté même. Innocente, injustement punie par un père avide, sa voix rythme la survie de la fille. À ses côtés, son futur compagnon : Jérémie Elkaïm interprète le prince, sage et valeureux. Le film qui a reçu le Prix du Jury au Festival d’animation d’Annecy mérite d’être vu pour la beauté des dessins, pour l’histoire et pour la douce voix de l’actrice. MM
1) À Trois On y va – Jérôme Bonnell, 2014
Mélodie est l’amie et l’amante de Micha et Charlotte qui viennent juste d’acheter une maison près de Lille. Perdue, elle ne sait que faire dans ce trio qui s’aime de manière un peu particulière.
2014 est l’année de la consécration pour Anaïs Demoustier. Elle est à l’affiche de quatre films : Situation amoureuse : C’est compliqué de Manu Payet et Rodolphe Lauga, La Ritournelle de Marc Fitoussi et Une nouvelle amie de François Ozon. Dans À Trois On y va, elle campe une jeune femme qui débute dans la vie active en temps qu’avocate et qui tombe amoureuse d’un couple d’amis. L’actrice rend son personnage touchant et naïf, loin de la perversion que pourrait avoir ce genre de personne : qui ment en permanence dans le but de ne blesser personne, qui écoute son désir plutôt que la raison. L’infidélité ici n’est pas vue comme une tare malsaine, mais comme la beauté d’un amour trop grand : Mélodie aime, aime beaucoup, aime énormément et a assez d’amour pour deux personnes. La passion est au centre de la vie, alors qu’elle rentre tout juste dans ses premières années en tant qu’avocate qui seront décisifs pour elle. Cette comédie est une ode à la liberté et Anaïs Demoustier en joue la muse. Mélodie est perdue dans un entre-deux que beaucoup connaissent : presque adulte, mais pas encore tout à fait. Le cinéaste propose une vision de l’amour neuve à la Jules et Jim, en moins tragique : il brise les frontières d’un couple traditionnel et en explore les possibilités — même si c’est pour le réinstaurer à la fin. L’actrice est accompagnée par Félix Moati — elle jouera par ailleurs dans son premier film en 2018 — et Sophie Verbeeck. MM
Ainsi Anaïs Demoustier est de partout et rentre difficilement dans des cases. Elle tente tout et réussit dans la plupart des cas. Électron libre du septième art français, elle reste pourtant fidèle à des cinéastes. Elle est en passe de devenir une des figures importantes du cinéma indépendant français avec des passages dans des films plus grands publics : Sauver ou Périr de Frédéric Tellier, Les Malheurs de Sophie de Christophe Honorée, Thérèse Desqueyroux de Claude Miller, Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier… Une excellente actrice au charme fou qu’il faut suivre de très près.
Marine Moutot, Clémence Letort-Lipszyc et Marine Pallec
À Trois On y va
Réalisé par Jérôme Bonnell
Avec Anaïs Demoustier, Félix Moati, Sophie Verbeeck
Comédie, Romance, France, 1h23
25 mars 2015
Au poste !
Réalisé par Quentin Dupieux
Avec Benoît Poelvoorde, Grégoire Ludig, Marc Fraize
Comédie, France, 1h13
4 juillet 2018
La Jeune Fille Sans Mains
Réalisé par Sébastien Laudenbach
Avec Anaïs Demoustier, Jérémie Elkaïm, Philippe Laudenbach
Animation, France, 1h13
14 décembre 2016
Les Neiges du Kilimandjaro
Réalisé par Robert Guédiguian
Avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan
Drame, France, 1h47
16 novembre 2011
Une nouvelle amie
Réalisé par François Ozon
Avec Anaïs Demoustier, Romain Duris, Raphaël Personnaz
Comédie dramatique, France, 1h45
5 novembre 2014
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