Du 12 au 17 novembre 2019 se tenait le 34e Festival européen du film court de Brest. Phantasmagory s’y est rendu pour vous rapporter ses impressions et coups de coeur.
IMPRESSIONS
Cela fait environ 10 ans que je n’étais pas allée au Festival européen du film court de Brest. Et pourtant, ce n’est pas faute d’en avoir envie chaque année. Après avoir travaillé pendant toutes les vacances scolaires, la période de reprise est souvent intense et ne permet pas un long trajet jusqu’au “bout du monde”. Découvert lors de mes années lycée (from Brest !), je me souvenais d’une ambiance joviale et de nombreux spectateurs de tous âges. Et ce que j’avais vraiment aimé – en dehors de cette joyeuse atmosphère – c’était la diversité des courts métrages et l’existence d’un Prix du Public. Quelle joie de pouvoir choisir ses courts métrages préférés et d’entamer une réelle réflexion de spectateur. Les débats allaient bon train entre lycéens.
De retour pour la 34e édition au coeur du Quartz (la scène nationale brestoise https://www.lequartz.com/), je ne suis pas déçue. Seulement présente pour deux jours et demi (le dernier week-end !), j’ai pu faire le plein de films courts divers et variés (et concocter des séances de rattrapage avec un ami spécialiste ès court métrage).
Le Jury en images.
Au final, de très chouettes séances thématiques : Sueurs froides, Panorama Animation et Rire sans frontières (apparemment, la projection Les Suisses sont fous ! valait aussi le détour). Quelques films vus à d’autres occasions étaient évidemment présents au programme (et de très bons). Car, après tout, heureusement qu’il y a des festivals pour donner de la visibilité au court métrage. Merci les Festival européen du film court de Brest, Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand, Format court, Off-Courts de Trouville, Court-Métrange de Rennes et autres Fenêtres sur Courts de Dijon !Petit regret d’avoir raté quelques courts pas rattrapables (on attend qu’ils soient programmés !) : Ma planète de Valéry Carnoy, Doug & Walter, de Samuel Morris et Possum, de Dave Whitehead (et bien d’autres !).
Conclusion de ce festival : de très belles découvertes (particulièrement en cinéma d’animation), quelques désaccords avec le palmarès et évidemment de gros coups de coeur.
PALMARÈS
COMPÉTITION EUROPÉENNE
Le coeur de la compétition et du festival (et le public y prend part !).
Jury officiel
Grand Prix du film court de la ville de Brest : To plant a flag, de Bobbie Peers
Prix du Conseil régional de Bretagne : Ge allt, de Caroline Eriksson
Prix du Conseil départemental du Finistère : Suc de sindria, d’Irène Moray
Prix spécial du Jury : Automne malade, de Lola Cambourieu & Yann Berlier
Mention spéciale du Jury : Till the end of the world, de Florence Bouvy
Jury des Passeurs de Courts
Prix des Passeurs de Courts : Invisivel Heroi, de Cristèle Alves Meiva
Jury Jeune
Prix du Jury Jeune : Till the end of the world, de Florence Bouvy
Vote du Public
Prix du public : Ma planète, de Valéry Carnoy
COMPÉTITION FRANÇAISE
Du comique, du dramatique
et surtout beaucoup de tocs et de codes chez les Français.
Prix France 2 : Lucienne mange une auto, de Geordy Couturiau
Prix TV5Monde : La jeune fille et ses tocs, de Lucie Plumet
Prix du Public : Mort aux codes, de Léopold Legrand
COMPÉTITION MADE IN BREIZH
Ici, c’est Brest ! Et on aime bien voir ce que réalisent les copains.
Prix Manifest : L’île et le continent, de Laurie Bost & Sébastien Savine
Prix de la Meilleure Musique originale : Le travail du castor, de Steed Cavalieri
Compositeur : Vincent Lemarchand
COMPÉTITION OVNI
Des films étranges, bizarres et étonnants pour tous les goûts !
Prix Shorts TV : Morning, Vegas, de Kourtney Roy
MES COUPS DE COEUR
PALMARÈS
To plant a flag, de Bobbie Peers (Grand Prix du film court de la ville de Brest)
1969. Deux astronautes de la NASA se préparent à l’alunissage, mais pas tout à fait sur la Lune…
Sélectionné au TIFF cette année, nous retrouvons dans ce savoureux court métrage les très drôles Jason Schwartzman, acteur fétiche de Wes Anderson (Rushmore, A bord du Darjeeling Limited, Moonrise Kingdom) et Jake Johnson, le pantouflard Nick Miller de New Girl. Le contexte burlesque d’un entraînement d’astronautes au milieu des moutons islandais et les conversations décalées des deux compères ne pourront que vous faire mourir de rire.
Lucienne mange une auto, de Geordy Couturiau (Prix France 2)
La petite Lucienne aimerait attirer l’attention de son père mais celui-ci n’a d’yeux que pour sa voiture. Fichue bagnole ! Aujourd’hui, Lucienne est adulte, son père est malade, et la voiture est toujours là. Que va-t-elle en faire ?
Une relation père-fille pour le moins compliquée, une voiture adulée et évidemment une certaine jalousie développée. Que faire dans ce genre de cas ? Faire disparaître l’objet du désir ? Cette histoire surprenante, à la fois touchante et un peu délirante, navigue du drame à la comédie, en frôlant le fantastique. Pour le moins étonnant…
La jeune fille et ses tocs, de Lucie Plumet (Prix TV5Monde) [visible sur Vimeo / payant]
Une jeune violoncelliste tente tant bien que mal de répéter son concerto mais, pas de chance, un chantier commence juste devant chez elle. La vie est déjà bien assez compliquée quand on doit fermer trois fois la porte d’entrée ou en se brosser les dents trois fois (satané chiffre 3 !) ! Heureusement, dans tout ce bazar, elle fait une belle rencontre…
Ce très beau portrait sur les différence rassemble deux personnages drôles, touchants et hauts en couleur. Et tout part d’eux ! On a presque envie d’atterrir dans cette petite rue qui réunit un vieux café, un chantier et cet appartement aux murs si fins.
Mort aux codes, de Léopold Legrand (Prix du Public : Compétition française)
“Allô le SAMU ? Mon mari a besoin d’aide !” Sur un appel, l’équipe des urgences à la rescousse dans une résidence. Et dans cette résidence, il y a des codes, beaucoup, beaucoup de codes…
Drôle et assez stressant, on sature tout comme les trois urgentistes devant ce labyrinthe infini de codes. Derrière l’absurdité apparente de cette scène, on a là une situation qui, après tout, pourrait bien se produire. Téléphone, cour de l’immeuble, porte d’entrée, cadenas du vélo, porte du bureau, compte bancaire… Y’en a pas marre des codes ?
Le Travail du Castor, de Steed Cavalieri (Prix de la Meilleure Musique originale)
Eric vient d’être embauché dans un supermarché appartenant à l’un des homme les plus riches de France : M.Blendwerk. Salaire démentiel pour un poste de mise en rayon, il hallucine d’être tombé sur cette offre. Et il va encore plus halluciner en comprenant dans quoi il s’est engagé…
Gros coup de coeur de cette sélection 2019 (et, tant mieux, il a été récompensé). Drôle, inventif, ironique et ahurissant, il a tout pour plaire. La mise en scène et les teintes orangées nous aliènent presque autant que les personnages. Et derrière la comédie, il y a un véritable discours sur le travail… Plus que d’actualité !
ANIMATION
L’Heure de l’ours, d’Agnès Patron [visible sur Arte / gratuit]
Un enfant vit seul avec sa maman. Un homme mystérieux débarque dans leur vie et lui vole petit à petit celle qui compte le plus au monde pour lui. Que se passe-t-il dans la tête de cet enfant ?
Poétique, magnifiquement animé et assez violent, L’Heure de l’ours dégage une force bestiale et une rage qui permettent en très peu de temps de comprendre la foule de sentiments qui animent l’enfant. Sélectionné à Cannes, ce petit bijou doit absolument être vu (mais pas avant 12 ans).
Rencontre avec la réalisatrice, Agnès Patron, par ici.
Pod Mrakem (Cloudy), de Filip Diviak & Zuzana Cupova [visible sur Vimeo / gratuit] Un petit gnome grognon décide d’attacher tous les objets et êtres vivants qui l’entourent avec des ficelles. Mais pourquoi ?
Second coup de coeur du festival. Impossible de calmer mon hilarité. Le petit gnome (farfadet ?) au regard blasé et si grognon est tout bonnement génial. Il ne faut surtout pas trop en dire car tout repose sur la surprise. Le burlesque du muet, quel plaisir ! A découvrir absolument ! Le réalisateur tchèque, Filip Diviak, a aussi fait un joli court métrage de fin d’études, drôle et poétique, Awaker, visible sur Benshi.
La Vie de château, de Clémence Madeleine-Perdrillat & Nathaniel H’limi
Violette perd du jour au lendemain ses parents et se retrouve confiée à son oncle Régis qu’elle n’a pas vu depuis des années. Elle le déteste et il pue. Mais elle se retrouve obligée d’habiter dans sa maison dans les jardins de Versailles. Régis est agent d’entretien au château. Ca ne change rien ! Violette ne l’aime pas et surtout il pue !
Rattrapage d’Annecy 2019 avec cet emménagement à Versailles. Le dessin simple et enfantin pourrait en tromper plus d’un. Pourtant, on a là une grande histoire qui nous rappelle des événements encore frais dans les coeurs, les attentats de Paris. Le duo familial formé par Violette et Régis est adorable et réaliste. On voudrait vraiment que tout s’arrange !
Mémorable, de Bruno Collet
Un vieil homme est progressivement atteint d’une maladie modifiant sa perception du réel. Aux côtés de sa femme, nous suivons cette difficile réalité.
On connaissait Bruno Collet sur un ton plus comique avec Le Petit Dragon – une poupée Bruce Lee combat différents objets d’une chambre d’étudiant. Ici, il se tourne vers le réel et une réflexion sur les difficultés engendrées par la maladie d’un proche. Convoquant l’impressionnisme pour nous faire percevoir cette présence de plus en plus pesante, l’animation est superbe. Un film poignant, aussi présent à Annecy 2019.
L’interview du réalisateur, par ici.
Le Making-of.
Pépé le morse, de Lucrèce Andreae [visible au cinéma]
Un jeune garçon et sa famille se rendent à la mer pour rendre un dernier hommage à leur grand-père, Pépé le morse.
On en a entendu parler de ce court métrage. Et pas pour rien ! Césars, Cannes, Annecy, Clermont-Ferrand et maintenant Brest. Décidément, il est partout ce Pépé. En animation 2D, la réalisatrice aborde le deuil d’une famille, dépeignant les réactions de chacun dans tout leur réalisme ou leur absurdité. Quasi-oniriques voire psychédéliques, les visions du jeune garçon font sens, et à la fin de cette journée, chacun a beaucoup progressé.
L’interview de la réalisatrice, par ici.
Benshi aussi en parle, par là.
Visible au cinéma dans le programme de l’Agence du Court Métrage, Ta mort en short(s).
Le sens du toucher, de Jean-Charles Mbotti Malolo [visible sur Vimeo / payant]
La chorégraphie amoureuse de deux êtres.
La poésie de ce court métrage montre bien que l’amour passe d’abord par les sens et dépasse la parole. L’émotion, la tendresse et la douceur qui se dégagent de ce court métrage nous entraînent dans la danse. Laissez-vous porter !
Benshi aussi en parle, par ici.
Coeur fondant, de Benoît Chieux [visible au cinéma]
La Petite Taupe veut apporter un coeur fondant pour l’anniversaire de son ami, Bizerte. Mais pour cela, il faut traverser une sombre forêt habitée par une grosse bête. Comment faire pour affronter ces dangers quand on est myope ?
Petit Chaperon rouge de l’animation tout en tissu et feutrine, la Petite Taupe est bien courageuse. Et heureusement la solidarité est toujours là pour se sauver des pires situations. On réalise bien vite que les apparences sont trompeuses et que la meilleure solution est de faire la fête avec de joyeux lurons. Entraînant, fanfaron et enjoué ce sympathique court métrage saura vous faire danser !
Benshi aussi en parle, par là.
Visible au cinéma dans le programme de 3 courts métrages, Zébulon le dragon.
HORREUR
Nuevos Pasos, de Moisés Romera & Marisa Crespo
1, 2, 3, … 9 pas. Voilà la distance qui le sépare de la porte des toilettes. Seul souci : il fait bien noir et il y a une petite fille effrayante dans l’obscurité. Mais son père insiste tellement.
Sombre et un peu effrayant, il faut l’avouer. On se sent très rapidement concernée par la peur du noir de ce petit garçon et un peu irritée par l’insistance paternelle. Hé hé mais tel est pris qui croyait prendre…
Diversion, de Mathieu Mégemont
Un homme écrase un chien sur la route. Il est alors embarqué dans un étrange cortège et pas pour son plus grand plaisir.
Etrange, bizarroïde, dérangeant, drôle, stressant,… Il y a de quoi le qualifier ce court métrage. Mais surtout il est totalement absurde. Et on aime ça. Essayer de deviner la fin. Vous n’y arriverez pas !
COMÉDIE
Handarbeit, de Marie-Amélie Steul
Dans un petit bureau où il fait beaucoup trop chaud, le censeur-en-chef, Ibrahim, s’applique à longueur de journée à noircir toute forme de nudité sur les magazines féminins (ou non) qu’il reçoit par centaines.
Comment se moquer avec finesse de l’absurdité de la censure ? Prenez des mannequins en couverture de magazine, deux hommes mourant de chaud et un secret que l’un d’entre eux veut garder pour le bien de l’autre. Cela donne un joyeux cocktail de rire, d’absurdité et d’ironie. A quoi bon ce bureau de la censure, franchement ?
A family affair, de Florence Keith-Roach
Anniversaire arrosé, réveil difficile. Et merde ! Elle n’est pas dans son lit. Horreur ! Un vieil homme charmant lui sert une tasse de thé. Mais qu’est-ce qui s’est passé cette nuit ?
Humour britannique à gogo, Florence Keith-Roach continue sur le ton de ses courts métrages précédents : une jeune femme un peu paumée, une situation absurde, beaucoup d’incompréhensions et surtout une grosse surprise !
Malheureusement, il n’y pas de bande-annonce. Mais, heureusement, les images parlent d’elles-mêmes. Et puis vous pouvez découvrir un autre film de la réalisatrice, Frenching the bully, par ici.
Boustifaille, de Pierre Mazingarbe
Daphnée, 25 ans, aime beaucoup les histoires d’amour. Mais cette fois-ci, problème, elle est vraiment amoureuse et l’élu de son coeur veut rencontrer ses parents. Elle est sérieusement dans la panade car ceux-ci ont des pratiques alimentaires quelque peu étranges.
Un petit côté Crannibales ou encore Ma Loute à ce court métrage et pas seulement pour le sourire carnassier des parents qui en dit long… Ironique, drôle et intense, Boustifaille est un joli portrait de famille sur fond de repas du dimanche. Bon appétit !
Le site du réal pour suivre ses autres projets, par ici.
Le Making of
El cumple, de Pablo Alen & Breixo Corral
Un anniversaire d’enfant, c’est souvent la hantise des parents. On veut bien faire, que son enfant s’intègre, qu’il passe un bon moment et, pour cela, il faut soi-même faire bonne impression et parfois, faire quelques concessions…
Ce court métrage espagnol est pour le moins surprenant. Avec son scénario légèrement absurde et en même temps plutôt convaincant, on n’est pas au bout de ses surprises !
Hopptornet, d’Axel Danielson & Maximilien Van Aertryck [visible sur Vimeo / gratuit]
Un haut, très haut plongeoir. 10 mètres exactement. Et des gens. Certains hésitent longtemps, très longtemps. D’autres sautent. Et puis d’autres encore redescendent.
Présenté au Festival de Clermont-Ferrand, ce documentaire expérimental est extrêmement intéressant et drôle. Le dispositif filmique est simple : une caméra face au plongeoir et quelques travelling verticaux quand le plongeur daigne faire son office. Car c’est là que ce court prend toute sa fonction anthropologique : plonger ou ne pas plonger ? Peur de sauter, hésitation, courage soudain, rétractation, tout le monde y passe : jeunes, vieux, femmes, hommes et enfants. Et, dans ce décor étonnant et coloré du plongeoir (années 1980, est-ce bien vous ?), on comprend totalement cette difficulté. Et vous, vous sauteriez ?
Visible au cinéma dans le programme Plongeons ! de l’Agence du court métrage.
Le Grand Bain, de Valérie Leroy [visible sur Vimeo / gratuit]
Mia, ancienne championne de natation, emménage au sein d’une résidence HLM. Elle n’est pas au mieux de sa forme après une difficile rupture. Heureusement, elle va faire de chouettes rencontres en donnant des cours de natation à ses voisins. Sans piscine !
Au coeur du désespoir, on trouve toujours une raison de sourire. Et c’est ce qui arrive à Mia. Et d’ailleurs, elle nous fait aussi sourire. Apprendre à nager dans une bassine d’eau ? C’est pour le moins déroutant. Et pourtant, tous les voisins sont partants ! Drôle et social, Le Grand Bain est une bouffée de joie et d’espoir !
Benshi aussi en parle, par là.
Allez, on se dit : rendez-vous en novembre 2020 !
Manon Koken
PS1 : si vous voulez jeter un coup d’oeil à la Cérémonie de remise des prix, c’est par là : https://www.youtube.com/watch?v=by41oDegxQE&feature=emb_logo.
PS2 : pour plus de courts sur le(s) petit(s) écran(s) :
A la TV et en replay : Histoires courtes sur France 2, Libre court sur France 3, Top of the Shorts sur Canal +, Court Circuit sur Arte, Court Central sur OCS…
En VOD : Bref, L’Agence du Court Métrage, Benshi, Universciné, Mubi…
4 commentaires sur « Le Festival Européen du Film Court de Brest 2019 »