Cette semaine dans les Conseils : Le Lac des oies sauvages et Benjamin.
Le lac des oies sauvages : Un chef de gang en perdition et une prostituée en quête de liberté sont pris au piège dans une chasse à l’homme.
Cinq ans après son Ours d’Or à la Biennale pour Black Coal, Diao Yinan réitère l’expérience du polar, cette fois en compétition cannoise. Un membre de la pègre descend par mégarde un policier. Un avis de recherche est lancé, avec une belle récompense à la clé. L’homme et la prostituée mettent en place une stratégie afin que l’argent soit justement réparti aux plus nécessiteux. Si bien évidemment rien ne se passe comme prévu narrativement, il en va de même de notre expérience spectatorielle. Le lac aux oies sauvages avait des allures de polar ambitieux à l’atmosphère intemporelle dans une Chine obscure. Cependant le film souffre d’une absence – volontaire semblerait-il– d’écriture psychologique de ses personnages. On ne sait rien d’eux, ils ne s’expriment qu’à travers leurs gestes, derrières lesquels se profilent quelques intentions. Sans réel guide, on ne perçoit que furtivement leur intensité humaine et on passe à côtés d’un quelconque intérêt à leur égard.
D’un autre côté, cette chasse à l’homme ne répond pas aux standards des films d’action US qui nous bombardent chaque année. Certains choix lui offre une singularité indéniable. Le réalisateur a tourné dans la région de Wuhan, dite « la ville aux cents lacs ». Un espace sauvage, boueux, où la nature reprend ses droits et la loi du plus fort règne. Une loi inhérente au monde de la pègre. Ce décor oscillant entre ville portuaire, balnéaire et industrialisation intempestive dévoile une ambiance de western où figures de l’ordre et malfrats règlent leurs comptent en pleine rue devant le regard blasé d’une population qui semble déjà subir le poids d’un quotidien pauvre. Dans ce dédale urbain, Diao Yinan explore une mise en scène absolument superbe. Dans ses jeux d’ombres et de couleur, il réveille une histoire visuelle, où les corps se confrontent, se poursuivent à travers les gouttes de pluies qui se fracassent et obstruent notre perception et celles des personnages. Un registre tout à fait romantique qui pourrait être une lecture des aventures des ses héros. Car la clé se trouve peut être là. La direction d’acteur, intransigeante sur la non extériorisation des émotions, est contrebalancée par une histoire graphique du film : une cohabitation entre l’ombre et la lumière, l’exploration de l’Homme à travers ses peurs, ses vices et sa dignité.
Le lac des oies sauvages demeure une œuvre visuellement aboutie mais frustrante dans ses enjeux et son écriture. C.L.L
Benjamin : Benjamin, jeune réalisateur, est très angoissé à l’idée de présenter son deuxième film au public. Lorsqu’il rencontre Noah, un jeune chanteur français, il se retrouve confronté à une autre de ses angoisses : les relations amoureuses.
Avec Benjamin, le réalisateur Simon Amstell nous offre un premier long métrage on ne peut plus prometteur, plein de douceur et de tendresse. On est conquis dès les premières scènes et immédiatement sous le charme des personnages, fantasques et attachants. La réalisation, à la fois simple et élégante, ne s’encombre pas de détails superflus, et met ainsi en valeur l’excellent jeu des acteurs. Colin Morgan (Benjamin) et Phénix Brossard (Noah) nous communiquent avec brio le trouble amoureux d’une belle rencontre, faite de hasards et de tendres maladresses. On succombe jusqu’à la bande son qui accompagne avec délicatesse les pérégrinations amoureuses des personnages. Avec ce film inspiré de son propre vécu, Simon Amstell nous livre une jolie réflexion sur les hésitations mais aussi les impulsions que suscitent les relations amoureuses, tout en nuances et en subtilité. On ne saurait que trop recommander cette petite pépite, aussi réconfortante qu’un plaid en hiver, pour vous remettre doucement – ou vous échapper – du tourbillon des festivités de fin d’année. A.E
Clémence Letort-Lipszyc et Amandine Eliès
Le lac des oies sauvages
Réalisé par Diao Yinan
Avec Hu Ge, Gwei Lun Mei, Liao Fan
Thriller, Chine, 1h50
25 décembre 2019
Memento
Benjamin
Réalisé par Simon Amstell
Avec Colin Morgan, Phénix Brossard, Jack Rowan
Comédie dramatique, Angleterre, 1h25
25 décembre 2019
Outplay