[CONSEILS DU VENDREDI] #75

Cette semaine dans les Conseils : 1917, Swallow, Selfie, Marche avec les loups et Séjour dans les monts Fuchun.


1917 : Durant la Première Guerre Mondiale, deux soldats anglais tentent de rejoindre un bataillon pour les prévenir d’un piège tendu par l’armée allemande.

Malgré son récent détour par la franchise James Bond, Sam Mendes fut pendant longtemps considéré comme l’architecte de prédilection des maux intimes de l’Amérique (American Beauty, Les Noces rebelles…). Le retrouver sur le terrain de ce drame historique, conçu comme une véritable prouesse technique, avait donc a priori de quoi surprendre.
Peut-être inspiré par les récents élans amorcés par Alejandro Gonzales Iñarittu dans Birdman et The Revenant, Mendes s’efforce en effet ici de dérouler son action au cours de deux (faux) plans séquences ; un pari audacieux mais néanmoins périlleux puisqu’il impose un certain nombre de contraintes. Toutefois, et même si certains aspects du scénario et les personnages secondaires se retrouvent inévitablement sacrifiés (on pourra regretter que la présence de certaines têtes d’affiche ne soient ici réduites qu’à de simples caméos), l’exercice s’avère ici plutôt payant. L’effet d’immersion est total pour le spectateur qui se retrouve immédiatement embarqué dans une course contre la montre aussi haletante que tragique.
Car en se servant d’un récit propice aux péripéties, Mendes en profite pour dresser un panorama du carnage généré par cette guerre crasse et usante. La reconstitution minutieuse des décors laisse ainsi entrevoir à chaque tournant l’aura dévastatrice du conflit avec des paysages hantés par la destruction et la mort. Cette aura de fin du monde est ici soulignée par la superbe cinématographique imaginée par Roger Deakins (aka le meilleur directeur de la photographie de tous les temps) et la bande son signée par Thomas Newman. Au-delà d’un brillant exercice de réalisation, 1917 est donc plus simplement un excellent film, à la fois prenant et bouleversant, et dont la réussite s’affirme dans tous les aspects de sa mise en scène. M.P

Swallow : Hunter est une jeune femme dont la vie semble réussie. Elle habite une grande et belle maison avec son mari Richie Conrad, issu d’une famille aisée, et gère avec efficacité son quotidien. Pourtant, le jour où elle tombe enceinte, tout bascule.

 

Pour son premier long-métrage, le jeune réalisateur américain pose un regard profondément respectueux sur son personnage principal. Avec tendresse et beaucoup de finesse, Carlo Mirabella-Davis réalise un long-métrage féministe que parle de toutes les femmes. C’est un film intemporel par ses différents sujets toujours d’actualité, mais aussi par sa mise en scène. Les vêtements et décors semblent tout droit sortis des années 50 alors que les personnages arborent fièrement des portables dernier cri et que la maison est équipée de tout le matériel ménager moderne. C’est un discours à la fois actuel et universel. Retrouvez notre critique complète ici. M.M et M.K

Selfie : Film choral où nous suivons Romain, Stéphanie, Bettina, Toon, Florian et bien d’autres dans des aventures numériques plus ou moins désastreuses.

Cette comédie française prend la forme de plusieurs sketchs réalisés par cinq cinéastes (Thomas Bidegain, Marc Fitoussi, Tristan Aurouet, Cyril Gelblat, Vianney Lebasque) qui traitent de divers sujets autour du numérique, d’internet et des réseaux sociaux. Sujet très contemporain — tellement que d’ici six mois la plupart des intrigues seront déjà dépassées —, Selfie a l’intelligence de regarder son thème d’un œil critique. Les personnages, sans être caricaturaux (des personnes se reconnaîtront sans doute dans l’un ou l’autre des antagonistes), sont tournés en dérision. Le récit ne se prend jamais vraiment au sérieux et réussit à placer quelques blagues et situations humoristiques bien trouvées qui, bien qu’elles n’en fassent pas un grand film, créent une atmosphère sympathique. Même si quelques blagues sont drôles, certaines tombent un peu à plat. Le montage jongle plutôt bien avec les courts-métrages et arrive à récupérer des protagonistes d’une histoire à l’autre (comme pour prouver que Paris c’est tout petit), mais aussi dans les technologies utilisées. Le scénario a l’intelligence de prendre plusieurs types de personnages pour montrer comment cela touche différemment les personnes et les milieux. Nous pouvons noter malgré tout quelques longueurs, qui nous font par moments décrocher, mais l’ensemble reste correct pour une comédie française pas désagréable.
De plus, le film arbore une belle brochette d’acteurs et humoristes français (Blanche Gardin, Manu Payet, Elsa Zylberstein, Max Boublil, Finnegan Oldfield…), la recette est vendeuse. Un bon moment, donc, à passer à critiquer et à se moquer de ce que nous faisons tous, un peu, au quotidien. M.K et MM

Marche avec les loups : Passionné par la Nature, Jean-Michel Bertrand parcourt les forêts françaises pour observer les loups et s’immerger dans l’environnement de ces animaux magnifiques.

Après Vertige d’une rencontre (2010) et La vallée des loups (2016), le documentariste Jean-Michel Bertrand continue son travail naturaliste sur les traces des loups. Tout commence dans une vallée des Alpes en suivant de jeunes loups au milieu de ces paysages grandioses filmés par des drones et des caméras à distance. Et ce chemin nous conduit vers la ville puis vers les forêts jurassiens où l’on trouve aussi des loups. Disparus pendant plus de 60 ans en France, du fait de la chasse et de la haine des humains à leur encontre, les loups, protégés depuis 1993, ont peu à peu regagné leurs territoires, et c’est cette histoire que nous conte Jean-Michel Bertrand. C’est la voix de ce grand voyageur originaire des Alpes qui nous guide, nous raconte la peur du loup et nous parle de son obsession de “croiser le regard des loups”, lisant quelques passages de son journal de bord. C’est aussi un observateur et il nous en apprend beaucoup sur la manière dont on peut voir les animaux sans être vu. Nous vous laissons le soin de découvrir cela…
Cette immersion dans la vie forestière, nous révèle ces différents passants et habitants, humains et animaux, coureurs et cervidés. Même les insectes, aussi petit soient-ils sont brièvement capturés par la caméra. Hermine, chevreuil, bouquetin, chamois, gypaète barbu, sanglier, blaireau, chamois, écureuil, cerf, lynx, ils sont tous là.
Même si le film suit énormément les loups, il se concentre surtout sur la philosophie du réalisateur et son approche de ces canidés magnifiques. Certains moments, très drôles, nous plongent dans son quotidien tout naturellement, d’autres, dans une réalité contemporaine qui fait froid dans le dos. Les violences faites à la Nature se répète sur le chemin du cinéaste. Renard pendu, blaireau abattu, pourquoi autant de cruauté envers la Nature ? Le cinéaste nous partage sa pensée et sa philosophie quant à ces horreurs qui se perpétuent. Il n’oublie pas non plus que, sur sa route, les bergers sont des acolytes récurrents qui, eux aussi, sont très liés à la présence du loup.
Seul petit reproche : une musique un peu trop présente sur certains plans superbes dont le grandiose de l’image se suffit à lui-même  ainsi que quelques longueurs (mais magnifiques). M.K.

Toujours en salles : 


Séjour dans les monts Fuchun : Dans la petite ville de Fuyang, au pied des monts Fuchun, nous suivons la vie d’une famille et leurs problèmes dans la Chine actuelle.

Pour son premier long-métrage, le cinéaste chinois, Gu Xiaogang, fait preuve d’un talent rare pour décrire les mœurs et les sentiments de ses personnages et de la société. En gardant toujours à distance de l’action sa caméra, il inscrit profondément les histoires des protagonistes dans un paysage magnifique, mais marqué par l’homme. Sur cette large rivière, le rythme de l’eau et des saisons coule tranquillement et montre les relations humaines de manière presque triviale. En entremêlant histoire, art, famille et nature, Gu Xiaogang réalise un grand film sur l’essence humaine. Il parle surtout de la Chine et de ses problématiques actuelles : l’argent est partout — dans les couples, entre les parents, entre les futurs amants. Cet argent que condamne un régime communiste cadence les dialogues et dénote totalement avec le passé et la culture des lieux. Lent, mais jamais ennuyeux, le récit prend le temps de développer les différents personnages qui représentent chacun un pan de cette histoire familiale : la grand-mère, ses quatre fils, leurs femmes et enfants (quand ils en ont). Cette famille est à la fois une bénédiction, mais surtout un fardeau. L’adjonction est forte de devoir se marier : pour les hommes pour que les mères partent l’esprit libre en sachant que leur fils sera choyé ; pour les femmes, il faut que ce soit un bon parti qui puisse subvenir au besoin des parents et des futurs enfants. La contradiction est partout dans ce temps partagé entre tradition et argent. La société a également un poids très fort sur l’individu qui doit s’effacer pour le bien commun et quand il ou elle ne le fait pas, les conséquences sont dures. Tout le monde juge sans cesse et soupèse qui fait plus et qui fait moins. Dans cette Chine bancale, c’est soit l’asservissement par la famille, soit par le travail.
La réalisation est marquée par les saisons et leur beauté propre à chacune : l’hiver et la neige qui recouvre les arbres, l’automne et les feuilles jaunes, la chaleur de l’été et les baignades dans le fleuve. Cette ville prise dans les montagnes offre aux spectateurs occidentaux un panorama magnifique (peint par le peintre Huang Gongwang en 1348) ainsi qu’un paysage typique de la Chine contemporaine : boursouflé par le besoin de toujours grandir, de faire pousser hors de terre des bâtiments monstrueux. Gu Xiaogang pose un regard critique pertinent sur l’état de son pays et les conséquences sur les individus, ainsi que sur les relations humaines. L’ingéniosité du scénario, la beauté de la mise en scène et le rythme doux de ce premier volet sont autant de raisons d’aller voir Séjour dans les monts Fuchun.
L’année 2020 s’annonce exceptionnelle en termes de découvertes. Ce film chinois, présenté à la Semaine de la Critique, le prouve. M.M

Manon Koken, Marine Moutot et Marine Pallec

1917
Réalisé par Sam Mendes
Avec George MacKay, Dean-Charles Chapman, Mark Strong
Drame, États-Unis, Royaume-Uni, 1h59
15 janvier 2020
Universal Pictures

Swallow
Réalisé par Carlo Mirabella-Davis
Avec Haley Bennett, Austin Stowell, Denis O’Hare
Drame, Etats-Unis, France, 1h34
15 janvier 2020
UFO Distribution

Selfie
Réalisé par Thomas Bidegain, Marc Fitoussi, Tristan Aurouet, Cyril Gelblat, Vianney Lebasque
Avec Manu Payet, Blanche Gardin, Elsa Zylberstein
Comédie, France, 1h47
15 janvier 2020
Apollo Films

Marche avec les loups
Réalisé par Jean-Michel Bertrand
Documentaire, France, 1h28
15 janvier 2020
Gebeka Films

Séjour dans les monts Fuchun
Réalisé par Gu Xiaogang
Avec Qian Youfa, Wang Fengjuan, Sun Zhangjian
Drame, Chine, 2h30
1er janvier 2020
ARP Sélection

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

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