Cette semaine dans les Conseils : Wet Season.
Wet Season : Ling, professeure de chinois, souhaite un enfant plus que tout, mais son mari s’éloigne de plus en plus d’elle. Seule à Singapour, dans un pays qui n’est pas le sien, elle se rapproche d’un de ses élèves, Wei Lun.
Le film s’ouvre sous la pluie battante de la mousson. Une enseignante se pique dans sa voiture. Sur son ventre, les nombreuses traces de piqûres rougissent sa peau. Ling souffre, car elle désire un enfant et ce traitement a une chance de fonctionner. Alors elle accepte de souffrir. Mais autour d’elle, son monde s’effrite. Son mari ne souhaite plus la toucher et lui avouera même ne plus vouloir d’enfant avec elle. Sa mère lui rappelle sans cesse qu’elle n’est pas Singapourienne et qu’elle devrait faire sa demande de visa. Son beau père est infirme et elle doit s’en occuper la plupart du temps. Ses élèves ne l’écoutent pas et délaissent le chinois au profit des maths ou d’autres matières plus valorisées. Alors quand le jeune Wei Lun, d’apparence tranquille, se rapproche d’elle et s’intéresse au chinois (enfin plus à elle qu’au chinois, mais cela elle ne le voit pas), cela lui redonne de l’espoir. Des moments, quand commence leur relation, sont beaux et délicats. Et avant que le film ne sombre dans une relation « amoureuse » entre une professeure et son élève, le récit aborde le thème touchant d’une mère de substitution pour Wei Lun (dont les parents sont toujours absents) et un enfant pour Ling. Ils forment ainsi plus une famille qu’un couple, complété par le grand-père. Mais rapidement, comme si le cinéaste singapourien, Anthony Chen, s’était senti obligé d’ajouter une nouvelle péripétie, l’histoire vrille. Même si, cela est amené avec une certaine tendresse, le passage à l’acte de la part de l’adolescent est un viol. Il masque ce crime sous la juvénilité, l’innocence et la douceur du jeune garçon, qui force Ling à s’allonger sur le lit et c’est seulement quand il l’a pénétré qu’il lui demande son consentement. Le film part inexorablement vers une destruction totale de la vie de Ling (qui ne demandait qu’à exploser) pour amener à une renaissance : la fin de la pluie et le début du soleil. Ainsi le scénario prend, par moment, des raccourcis et choisit la simplicité plutôt que la subtilité. Mais la mise en scène ne perd rien en délicatesse et reste émouvant comme son précédent long-métrage Ilo Ilo (il retrouve d’ailleurs les mêmes acteurs principaux : l’excellente actrice malaisienne Yann Yann Yeo en Ling et le jeune, mais non moins talentueux Koh Jia Ler en Weil Lun). Un film en demi-teinte qui réussit à créer dans une première partie une relation touchante tout en observant avec un regard critique la société singapourienne et de l’autre côté, une histoire amoureuse qui se veut « interdite », mais qui aurait pu rester platonique et tout aussi belle.
Par ailleurs, Anthony Chen glisse quelque clin d’œil au cinéma de King Hu et au wuxia pian (film de sabre et d’épée chinois) : il fait le parallèle entre le sport de Wei Lun et les films que regarde à longueur de journée le grand-père. M.M
Marine Moutot
Wet Season
Réalisé par Anthony Chen
Avec Yann Yann Yeo, Christopher Ming-Shun Lee, Koh Jia Ler
Drame, Singapour, Taiwan, 1h43
19 février 2020
Épicentre Films