[CRITIQUE] Nous, les chiens

Temps de lecture :  3 minutes

Moong-Chi est un jeune chien fougueux et obéissant, abandonné en haut d’une montagne par son maître. Il est très vite rejoint par une bande de chiens qui essaie de lui expliquer que l’humain ne reviendra pas. Une fois cette triste réalité acceptée, Moong-Chi décide de partir en quête de liberté : un monde sans homme.

Nous, les chiens nous arrive tout droit de Corée du Sud pour nous conter le triste sort des chiens abandonnés par milliers chaque année. Après avoir été sélectionné au festival international du film d’animation d’Annecy en 2019, le long-métrage de Oh Sung-yoon et Lee Choon-Baek est enfin disponible sur grand écran pour le plaisir des petits surtout (à partir de 6 ans). Bien que le récit soit universel et touche la corde sensible même des plus grands, le film possède quelques défauts qui ne permettent pas d’apprécier pleinement son contenu. Les personnages sont souvent un peu trop clichés : nous observons avec déception le couple de chihuahuas dont la différenciation sexuelle se fait par les couleurs, rose pour la femelle et bleu pour le mâle. Même les chiens sont victimes du marketing genré : ce sont bien les traces de leur possession ridicule par des maîtres, mais quand bien même ils font le deuil de leur passé, les fripes ne disparaissent pas. Et ce manque de nuance se retrouve également chez les humains qui sont, sans grande distinction, presque tous méchants : entre l’égoïste, lassé de jouer à la baballe, qui abandonne le brave Moong-Chi au début du film ou le chasseur de chiens, cruel et mesquin, qui enferme et utilise des bulldogs féroces et agressifs pour attaquer la troupe formée par nos héros. Cerise sur le gâteau, la version française n’arrive pas à rendre fidèlement le choix des cinéastes et pousse plus loin que prévu la caricature. De ces voix haut perchées ressort un côté enfantin, absent de la version originale, qui fait perdre de la force au propos. Si l’animation a quelque chose de révolutionnaire dans le fait de mêler 2D pour les décors et 3D pour les différents protagonistes, le rendu peine à convaincre. On a dû mal à croire à la crédibilité des mouvements des chiens, assez lourds (évidemment il est très difficile de s’approcher de ce naturel), et la 3D donne beaucoup d’artificialité aux personnages. Quand bien même le spectateur s’habitue, certaines expressions et actions blessent quelque peu le regard.


À l’inverse, le travail sur décor, plutôt réussi, permet de voyager en Corée du Sud avec une technique imitant la peinture coréenne. Les paysages magnifiques embellissent cette ode à la liberté et offrent un cadre plus convaincant à cette réflexion sur la Nature et la Culture — pour des chiens décidément bien proches des humains dans leur analyse, malgré leur décision de s’en détacher. C’est d’ailleurs une des forces du scénario : ancrer son histoire dans le territoire coréen avec ses divisions et ses tensions. Certaines séquences sont touchantes et assez justes dans leur propos. La solidarité qui se crée entre les chiens est belle. Et le message est clair : regardez ce bel exemple, inspirez-vous-en. De plus, comment ne pas se sentir concerné.e.s par le destin de ces boules de poiles qui, après tant d’épreuves, méritent le bonheur ? Nous avons là une sorte d’Oliver et compagnie coréen — l’inspiration Disney est bien présente. Bien que le propos manque un peu de profondeur (oui, faire un film que l’on veut à destination des enfants ne signifie pas faire un film simpliste), la fin surprenante est bourrée d’humour, d’amour et de beauté. À travers le récit de Moong-Chi, Jiang-a — un petit Shih Tzu autoritaire, mais finalement sympathique —, Bami — une chienne maltraitée et torturée par l’homme —, et tous les autres chien.ne.s, Nous, les chiens essaye de nous montrer que seuls nous ne sommes pas grand-chose, mais qu’à plusieurs nous pouvons nous en sortir. Ils peuvent s’en sortir. Métaphore de la division de la Corée ? Ou simplement un message universel de paix et de bonheur ? Ce dessin animé réussit malgré ses défauts et sa bien-pensance, à faire passer une émotion et des instants de solidarité qui font chaud au cœur, surtout en cette période. Et il nous fait réfléchir à l’envers du décor pour nos compagnons canins. Les enfants devraient aimer et sans doute demander un chien en sortant du film  — peut-être aller voir du côté de la SPA les nombreux chiens abandonnés par leurs maîtres durant le confinement. Les adultes pourront aussi trouver leur compte, mais nous vous conseillons de vous tourner vers la version originale pour entendre le talent des comédiens. Nous en attendions évidemment beaucoup de la part du distributeur The Jokers, après ses belles propositions des années passées (Parasite, Vivarium, Brimstone, Mademoiselle), pour cette première aventure dans l’animation (et le cinéma jeune public) qui mérite tout de même d’être saluée.

Marine Moutot et Manon Koken


Nous les chiens
Réalisé par Oh Sung-Yun, Lee Choon-Baek
Avec les voix de Claire Tefnin, Pierre Le Bec, Pierre Lognay (V.F.)
 Animation, Comédie dramatique, Corée du Sud, 1h42
22 juin 2020
The Jokers

 

 

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

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