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Incapable de se lancer dans la vie active, Scott reste paralysé dans l’adulescence. Dépressif depuis la mort de son père, il passe ses journées à fumer de la weed tout en nourrissant le vague projet de devenir tatoueur. La rencontre de sa mère avec un nouvel homme va tout changer.
Après Tina Fey, Will Ferrell et bien d’autres alumni du Saturday Night Live avant lui, voilà venu le temps pour Pete Davidson — plus jeune star de toute l’histoire de l’emblématique émission à sketchs de NBC — de prendre à son tour son envol sur grand écran. Pour accompagner ce rite de passage obligé, le jeune humoriste s’est adjoint à la complicité de Judd Apatow, spécialiste des comédies à l’humour qui tâche (En cloque mode d’emploi, 40 ans toujours puceau…), mais à l’écriture paradoxalement sensible et à la profondeur insoupçonnée.
La recette Apatow
La bande de potes défoncés H24, le manque de direction à l’aube de la vie d’adulte, la peur de l’engagement…The King of Staten Island permet une fois de plus à Apatow d’exploiter les gimmicks et les thèmes qui lui sont chers dans son inépuisable quête pour analyser le mal-être de la gente masculine. À bien des égards, Scott rentre ainsi dans le moule du personnage typique d’un film du réalisateur avec ses airs de grand dadais taraudé par ses angoisses, la peur de grandir et son inéluctable amour de la Marie-Jeanne. On retrouve également dans The King of Staten Island cet équilibre binaire mainte fois orchestré par Apatow qui voit tous les hommes se transformer en losers sympathiques tandis que les personnages féminins incarnent tous ici plus ou moins des rôles modèles en faisant preuve d’ambition, de détermination tout en nourrissant un amour inexplicable pour ces mêmes comparses masculins.
Spleen : mode d’emploi
Toutefois, on aurait tort de penser que The King of Staten Island ne fait que reproduire sans imagination les précédents opus du réalisateur. On remarquera ainsi de prime abord l’absence de la « famille cinématographique » du réalisateur (Leslie Mann, Paul Rudd, Seth Rogens) au sein du casting à l’exception près de sa propre fille — Maud Apatow, déjà vue dans 40 ans : mode d’emploi — qui tient ici le rôle de la sœur de Scott. Exercice semi-autobiographique (le père de Davidson, pompier volontaire, mourut dans l’exercice de ses fonctions lors des attentats du 11 septembre), le film s’émancipe ici des aspects les plus potaches du cinéma d’Apatow pour s’approprier une certaine forme de gravitas. Habituellement cantonné aux rôles de gars un peu paumés, Davidson — à défaut de renouveler radicalement son répertoire — parvient à donner une épaisseur insoupçonnée à Scott. En suivant la « trajectoire » — ou plutôt la stagnation — de ce Tanguy sous weed fidèle, The King of Staten Island offre une parfaite harmonie entre l’univers du comédien et celui de son réalisateur pour donner naissance à une fine observation de l’adulescence à la fois comique et nostalgique.
Dans l’Amérique white trash light de Staten Island, quartier excentré de New York, le microcosme des héros de The King of Staten Island est ici marqué par le deuil, les relations dysfonctionnelles et le mal-être d’une jeunesse en manque d’opportunités. Pendant deux heures et quelques, la mini fresque parvient sans complaisance et avec humour à extérioriser ce spleen ambiant et au final à nous émouvoir. Si The King of Staten Island souffre de tant à autre de petits coups de mou et qu’il ne raconte certes pas grand chose — on reste après tout auprès d’un personnage qui refuse d’agir — offre cependant une parenthèse rafraîchissante au message salvateur : à défaut de pouvoir toujours surpasser ses échecs, il convient néanmoins d’apprendre à vivre avec.
Marine Pallec
The King of Staten Island
Un film de Judd Apatow
Avec Pete Davidson, Marissa Tomei, Bill Burr
Comédie dramatique, États-Unis, 2h16
Sorti le 22 juillet 2020
Universal Pictures
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