[CRITIQUE] The Perfect Candidate

Temps de lecture :  2 minutes

Maryam est une jeune médecin qui travaille dans une petite ville d’Arabie Saoudite. Elle doit tous les jours lutter pour s’imposer dans un monde masculin. Alors qu’elle se bat pour que la route devant l’hôpital soit goudronnée, elle réalise que pour se faire entendre elle doit se présenter à l’élection municipale de sa ville. Une première dans l’histoire du pays.

Nous connaissions déjà la réalisatrice saoudienne — seule cinéaste du pays —, Haifaa al-Mansour, pour Wadjda qui narrait le combat d’une fillette pour obtenir un vélo. Depuis son premier film, elle s’intéresse à décrire les crises et les problèmes que les femmes traversent dans son pays, mais également dans le monde. Dans Mary Shelley (2018), elle retraçait la vie de l’autrice de Frankenstein dans l’Angleterre du début du XIXe siècle ou encore dans Une femme de tête (2018), produit par Netflix, elle aborde avec humour et romantisme la question capillaire pour les femmes afro-américaines. Un jour, l’héroïne se rase ses cheveux qui étaient vus la source de sa « beauté » et « perfection ». Cela lui fait prendre conscience que la société dans laquelle elle évolue, mais également des gens qui l’entourent ne sont pas ce qu’elle pensait. Ici, la cinéaste revient en Arabie Saoudite pour traiter une nouvelle fois de la condition des femmes dans son pays à travers le portrait d’une jeune médecin Maryam, dont le souhait soit que la route devant l’hôpital soit refaite. Si la cinéaste choisit ces thèmes-là c’est qu’elle s’est elle-même battue toute sa vie pour pouvoir faire ce qu’elle aime : faire du cinéma.

L’histoire est intéressante par son évocation de l’empowerment progressif d’une femme et par l’exotisme de son sujet. Bien que l’ouverture nous montre Maryam, seule, au volant de sa voiture — question d’actualité, car depuis juin 2018, les Saoudiennes peuvent conduire sans la présence d’un tuteur —, l’optimisme de cette vision se dissipe bien vite. Maryam est l’incarnation de la femme moderne et, pourtant, elle subit les diktats de sa société (d’autant plus du fait de son caractère effacé). En effet, les nombreux interdits sont très rapidement abordés : impossible de prendre l’avion sans autorisation du père, de faire une conférence dans une pièce remplie d’hommes et surtout de se découvrir les cheveux. Le jeu de l’actrice Mila Alzahrani, qui joue principalement voilée, transmet particulièrement bien l’émotion et la rage de sa protagoniste dans cette lutte sans fin pour avoir les mêmes droits que les hommes.
Tout au long du récit, Al-Mansour s’applique à montrer le long chemin qu’il reste à parcourir aux femmes saoudiennes. Alors qu’au fur et à mesure, elles acquièrent un droit, puis un autre, il y a toujours des personnes pour leur rappeler qu’elles ne sont rien sans les hommes. Cela est suggéré, très rapidement, à travers la figure d’un vieillard qui refuse d’être soigné par Maryam et qui l’insulte. Puis tout au long de l’organisation de la campagne, bien qu’aidée par ses sœurs, elle est souvent bloquée. Si son père lui laisse une grande liberté, il ne semble pas réaliser que sans son soutien, elle peut faire peu de choses. Même si l’espoir surgit à la fin du film, c’est plus parce que Maryam comprend qu’elle doit se battre et ne plus se laisser marcher sur les pieds que par un réel progrès de la société. Le chemin à parcourir reste encore long.
Malgré ce sujet passionnant, la mise en scène reste trop classique et saturée par une musique envahissante. Par ailleurs, le parallèle avec le père de Maryam, musicien en tournée poursuivant son rêve au risque de délaisser sa famille, semble artificiel et prend trop de place dans le récit, en dépit de leur statut commun de paria. Ces moments sont comme des pauses inutiles dans l’histoire de la jeune femme dont la lutte est plus captivante que celle de son père — qui nous paraît peut-être trop banal, même s’il est intéressant de rappeler que des hommes aussi souffrent de la situation en Arabie Saoudite.

Sélectionné à la Mostra de Venise en 2019, The Perfect Candidate était l’un des seuls longs-métrages réalisés par une femme dans la compétition officielle. Ce film en demi-teinte aurait gagné en efficacité si la cinéaste avait uniquement centré son histoire sur Maryam et son combat.

Manon Koken & Marine Moutot

Retrouvez notre dossier sur les films de la Mostra 2019.


The Perfect Candidate
Réalisé par Haifaa al-Mansour
Avec Mila Alzahrani,  Dhay, Khalid Abdulrhim, Shafi Al Harthy
Drame, Arabie Saoudite, Allemagne, 1h41
12 août 2020
Le Pacte

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

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