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Ema, danseuse, et Gaston, chorégraphe, abandonnent leur enfant adoptif, Polo, à la suite d’un accident. Ils doivent alors avancer et se reconstruire s’ils ne veulent pas se détruire.
Le nouveau film de Pablo Larraín débarque sur les écrans français. Le cinéaste chilien revient, après deux biopics — Jackie (2016) dont le style visuel était classique et peu riche au contraire de ses longs-métrages précédents et Neruda (2016), film poétique et enchanteur sur le poète, penseur et homme politique Pablo Neruda — à un genre plus intime (comme pouvait l’être El Club [2015] qui parlait déjà d’être torturés). Nous avions eu la chance de le découvrir lors d’une des premières mondiales à la 76e Mostra de Venise en septembre 2019. Petit retour sur un film tout feu tout flamme.
Dans Ema, il dresse le portrait d’un couple atypique et boiteux. Ema est de douze ans plus jeune que Gaston, stérile. Elle a toujours voulu un enfant et, quand le film s’ouvre, elle tente par tous les moyens de récupérer son fils adoptif, Polo, rendu quelque temps plus tôt à l’orphelinat. Brisée, elle n’arrive pas à s’en remettre, d’autant que Gaston a l’étrange manie de lui rappeler cet abandon. Et c’est là la force du film. Ce couple est profondément malsain et fonctionne à la perfection. Ils sont, tous deux, aussi perfides l’un que l’autre. Quand nous suivons Ema, elle nous semble être victime de son amour pour Gaston, mais nous réalisons au fur et à mesure du récit qu’elle est également torturée, sinon plus que lui. Femme et homme s’entrechoquent ici dans un ballet bien réel. La danse a une place importante et le reggaeton pulse le film avec magie. La mise en scène est magnifique avec des lumières audacieuses : du rouge, du bleu, du jaune. Mais certains éléments ne sont pas nécessaires et viennent alourdir un peu la dynamique du long-métrage. Le choix de faire d’Ema une pyromane est intéressant, mais va être l’outil d’une redondance esthétique pénible : de nombreuses scènes la montre en train de brûler différents objets en ville — une ou deux fois auraient suffi aux moments les plus utiles scénaristiquement. Le cinéaste semble utiliser ces embrasements comme un pansement pour masquer le manque d’inspiration. À cela s’ajoutent des personnages secondaires insuffisamment développés, presque totalement éclipsés par Ema et Gaston. Cela rend toutes les scènes sans le duo un peu vides. L’intérêt du film est bien ce couple oppressant qui transcende le récit de part en part, sublimé par l’esthétique, elle, franchement réussie. Gael Garcia Bernal — qui jouait déjà dans No, excellent long-métrage du même cinéaste — et Mariana Di Girolamo — actrice incandescente d’à peine 29 ans — sont, de plus, excellents.
Ema est donc un film en demi-teinte, entre ennui ponctuel, réels instants de beauté, orgies et relations sexuelles étranges. Un ovni quoi.
Manon Koken et Marine Moutot
Ema
Réalisé par Pablo Larraín
Avec Mariana Di Girólamo, Gael García Bernal, Paola Giannini
Drame, Chili, 1h42
2 septembre 2020
Potemkine Films
Un avis sur « [CRITIQUE] Ema »