Mulan est-elle vraiment féministe ?

Les adaptations d’une légende chinoise

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Héroïne populaire, Mulan a dépassé les frontières de son pays d’origine, la Chine. Figure de l’empowerment et de l’émancipation féminins, la guerrière chinoise a été découverte par l’Occident en 1998, grâce à Disney et au film d’animation de Tony Bancroft et Barry Cook. Notre génération (nées dans les années 1990) a alors découvert une jeune fille courageuse, un peu rebelle et gauche. Toutefois, la maladresse et la rébellion qui font son charme n’apparaissent pas dans l’œuvre originale. La légende est finalement peu connue en France : si les États-Unis se sont lancés dans son adaptation, la plupart des films et séries viennent de Chine, Taïwan ou Hong Kong, et très peu sont disponibles en français. Le public français a accès aux deux productions Disney, Mulan (1998, Tony Bancroft et Barry Cook) et Mulan 2 : la mission de l’empereur (Mulan II – 2004, Darrell Rooney, Lynne Southerland), à l’adaptation chinoise de 1939, Mulan rejoint l’armée (木兰从军, Bu Wancang — accessible en streaming), à celle de 2009, Mulan, la guerrière légendaire (花木兰, Jingle Ma et Wei Dong — en VOD), ainsi qu’à une série chinoise de 2017, Oh my General (将军在上en streaming). Il faut en revanche maîtriser le mandarin et le cantonais pour profiter d’un plus large choix : la chaîne asiatique TVB a mis en ligne la série hongkongaise de 1998 (Hua Mulan,  花木蘭), la série taïwanaise Hua Mu Lan (花木蘭) de 1999 est disponible sur la chaîne Youtube Caravan中文剧场, la série Héroïnes de 2013 (巾幗大將軍) sur le site de streaming légal Tencent et La Légende de Hua Mulan (花木兰传奇, 2013), sur le site de la chaîne chinoise CCTV. Si elle fut un temps distribuée en VHS sur le territoire français, la production de 1964 des Shaw Brothers, Lady General Hua Mulan (花木蘭, Yueh Feng), n’est actuellement plus disponible en français. Il faut chiner ou se tourner vers la distribution américaine pour se la procurer légalement. Nous avons également trouvé mention d’une version de 1928, mais n’avons pu nous procurer une copie — qui n’existe peut-être plus.

L’histoire de Mulan provient d’une ballade datant du Ve siècle environ — d’autres versions plus anciennes existent et la plus connue est postérieure à cette période. Selon la légende, Mulan souhaite prendre la place de son père à la guerre. Il est en effet trop vieux et son frère trop petit pour combattre. Ses parents autorisent Mulan à revêtir des habits d’homme et à partir affronter l’ennemi. Absente pendant douze ans, elle s’illustre par son intelligence et réussit à se faire accepter en tant qu’homme. À la fin de la ballade (et de la guerre), elle révèle son identité et refuse les honneurs pour retourner s’occuper de ses parents. Ses compagnons ne sont pas choqués et acceptent le fait qu’elle soit une femme. Contrairement aux adaptations contemporaines, il n’est question ni d’amour ni de mariage, ni d’aucune interdiction pour elle de partir faire la guerre. La famille tient une place importante : il est fait mention de son père, bien évidemment, de sa mère, de sa sœur et de son petit frère. Elle retourne à leurs côtés dès que les combats ont cessé. Le court poème s’attache à montrer autant les exploits de Mulan que son sacrifice pour sa famille. L’histoire met ainsi en avant un modèle pour des générations de petites filles, mais également de petits garçons.

Mulan est décrite comme honorable, juste et droite. Elle porte en elle des valeurs de courage et, pour le public asiatique, de loyauté. Pour cette raison, nous avons décidé de ne pas analyser le nouveau Disney, réalisé par la cinéaste néo zélandaise Niki Caro. Alors que nous attendions sa sortie au cinéma pour publier ce dossier, la nouvelle du changement de stratégie de Disney — se passer des salles pour diffuser directement sur leur plateforme — nous a mises face à un dilemme. En effet, traiter du long-métrage nous paraissait important — surtout 22 ans après le dessin animé — pour étudier l’évolution du personnage dans le monde occidental. Mais en cette période de crise, le choix d’un acteur aussi puissant que Disney de ne pas soutenir les salles de cinéma nous a semblé trop loin de la symbolique que porte le personnage de Mulan. Aujourd’hui, après une nouvelle annonce — une sortie tardive en France, sur plateforme, mais sans surcoût —, la stratégie du studio est incertaine et incompréhensible. La déception est double, car il s’agit également de la première version réalisée par une femme. Il aurait été intéressant de découvrir la vision d’une cinéaste de cette légende — malgré la grosse machine cinématographique qui tire les ficelles de la production. Ainsi nous avons décidé de nous consacrer à dix œuvres sérielles et cinématographiques sorties entre 1939 et 2017 qui traitent de l’héroïne chinoise.

Si Mulan nous semble si féministe en Occident, qu’en est-il réellement ? Avons-nous une lecture biaisée du mythe ? Aussi, y a-t-il eu un changement dans les productions, quand en 1998, Disney a proposé une version occidentale de la légende ? Cela a-t-il influencé les adaptations suivantes ?

I – Un personnage féministe

Partir à la guerre, habillée en homme, pour défendre son pays et sa famille. Voilà un destin bien inhabituel pour une femme quand celle-ci doit trouver un mari pour honorer sa famille et la société. Mulan a pris sa vie en main pour faire ce qui lui semblait le plus juste, malgré les lois et les interdits. À nos yeux d’occidentaux, cette libération du poids des traditions fait de Mulan un personnage féministe et universel.

1 – Un véritable rôle modèle : une femme forte, intelligente et compétente
Compétence

Les premières adaptations mettent en scène une jeune femme qui, dès le début, avant même de s’enrôler dans l’Armée, maîtrise les compétences guerrières et surpasse les hommes. La première scène du film chinois de 1939, de Bu Wancang, Mulan rejoint l’armée, ainsi que du film hongkongais de Yueh Feng de 1964, Lady General Hua Mu-lan introduit le personnage d’abord comme une habile chasseuse. Dans les deux longs-métrages, Mulan apparaît en tenue de chasse, abattant un oiseau avec son arc dans le premier, ramenant une prise dans le second. Dans la série hongkongaise de 1998, Hua Mu-Lan, comme dans le film de Yueh Feng (1964), Mulan est également rompue au kung-fu. Dans les deux œuvres, elle affronte son père, qu’elle bat et qui concède, chez Yueh Feng : « Tu es meilleure que moi ». C’est non seulement son père qui le reconnait, mais aussi les autres soldats. Dans la série, lors des tests d’entrée à l’armée, elle réussit toutes les épreuves. Dans le film, elle bat un homme n’ayant perdu aucun combat puis tous les adversaires suivants. C’est donc rapidement que la jeune femme gravit les échelons, sans que les adaptations ne s’attardent sur sa montée en grade. On retrouve une héroïne similaire en 2009, dans Mulan, la guerrière légendaire de Jingle Ma et Wei Dong, coproduction américaine, hongkongaise et chinoise : compétente, elle bat tous ses adversaires puis devient rapidement générale.

MulanCHASSE_KUNGFU

Intelligence

En outre, Mulan brille par son intelligence. Déjà, en 1939, la première scène du film de Bu Wancang mettait sa ruse en valeur. Alors que, la chasse terminée, elle se dirige vers le village, plusieurs hommes sortent d’un buisson et tentent de s’attribuer la prise. Les villageois ont beau être plusieurs, à l’image, Mulan est en position de supériorité : à cheval alors qu’ils sont à pied, elle les surplombe. Elle se joue d’eux en leur proposant un cours de tir à l’arc avec une main dans le dos. Les hommes baissent la garde, lui permettant de s’enfuir joyeusement. C’est également une Mulan vive et ingénieuse que met en scène le film d’animation de Disney, sorti en 1998. Dans la première séquence, elle nourrit les poules en attachant un sac percé à son chien, qui s’élance en avant, appâté par un os suspendu devant son museau. Puis, alors qu’elle passe à côté de deux joueurs de dames en pleine réflexion, un seul regard lui suffit pour proposer un coup gagnant. Au combat, elle multiplie les trouvailles : transformer des poids en prises pour saisir une flèche plantée au sommet d’un mât, provoquer une avalanche pour ensevelir l’armée ennemie, désarmer son adversaire avec un éventail… Ces initiatives mettent d’autant plus son intelligence en avant qu’elle ne maîtrise ni les activités féminines ni les arts martiaux — du moins au début — : ces succès lui permettent de vaincre tous les obstacles, l’adversaire le plus redoutable et de sauver son pays. Dans Mulan, la guerrière légendaire (2009), ce qui se joue entre Mulan et son père alors qu’elle lui sert le thé relève de la stratégie. Refusant de boire le remède que Mulan lui prépare, Hua Hu exige la deuxième tasse. Mais la jeune femme a un coup d’avance : le récipient contient le médicament auquel le père tentait de se soustraire. Hilares, les villageois remarquent : « Mulan sait utiliser les stratégies que lui a enseignées son père ». Ces stratégies et la pertinence de ses déductions, si elles ne sont pas immédiatement prises au sérieux par les officiers, lui permettent de monter en grade et devenir général en 1964 ainsi que dans la série chinoise de 2013, La Légende de Hua Mulan.

MulanVILLAGEOIS1939En 1939, la jeune femme regarde de haut les hommes qui la dénigrent

MulanASTUCEDisneyNourrir les poules, jouer, tuer l’ennemi, Mulan brille dans la version de Disney par son intelligence

Persévérance

De surcroît, la jeune femme fait preuve d’une volonté hors du commun. Deux œuvres soulignent sa persévérance, voire sa pugnacité, qui compense son absence d’expérience martiale. Chez Disney, une ellipse suggère une nuit complète passée à tenter d’atteindre une flèche plantée au sommet d’un long mât : au soir, après que le général Shang a affirmé — en chanson — « vous ne serez jamais vaillant et fort comme des hommes, rentrez chez vous », Mulan regarde la flèche puis serre les sangles des poids autour de ses poignets (le gros plan sur ce geste à lui seul suggère la volonté) ; au petit matin, Mulan est toujours en train de grimper, utilisant les sangles pour s’agripper, et parvient enfin au sommet. Assise, un sourire aux lèvres, elle jette la flèche aux pieds du général, comme preuve de sa valeur. C’est cette force de caractère qui lui permet de devenir « un homme », comme suggéré par la chanson qui rythme la séquence : son exploit entraîne les succès suivants et les plans de Mulan réussissant tous les exercices et surpassant ses camarades ainsi que son officier se succèdent. La même idée se trouve dans La Légende de Hua Mulan (2013). Dans l’épisode 24, la jeune femme échoue aux exercices militaires — qui rappellent Disney jusque dans les notes de musique qui accompagnent la séquence. Cependant, au contraire du film d’animation, où s’enchaînent les échecs, l’exercice de course se poursuit jusqu’à ce que Mulan parvienne à la ligne d’arrivée : le spectateur la voit ainsi se relever et persévérer à chaque chute, y compris lorsqu’un camarade lui intime de s’arrêter. La musique devient épique, les vents transformant l’échec en exploit. Plus tard, même si le commandant l’a enjointe à travailler aux cuisines, Mulan se présente à l’entraînement et demande une dernière chance. Au constat qu’elle « ne peu[t] même pas tenir une épée correctement », elle répond en attachant ses armes à ses mains. Celles-ci finiront en sang, mais la jeune femme aura gagné son combat — utilisant là encore son intelligence, désarçonnant son adversaire en projetant du sable dans sa direction — et le droit de rejoindre l’escouade d’élite de l’armée Wei.

EchecMulanDisney

Photogrammes x9(9)Malgré ses échecs, dans le film d’animation de Disney et dans la série La Légende de Hua Mulan …

RéussiteMulanDisney

Photogrammes x9(10)… Mulan triomphe grâce à la force de sa volonté, à sa persévérance.

Un véritable rôle modèle

Combative, intelligente et courageuse, Mulan est un personnage auquel on a envie de ressembler, un modèle fort pour un studio comme Disney, qui a pu être accusé, avant les années 90, de ne proposer que des héroïnes passives (les « princesses »). Alors que dans les productions Disney précédentes les personnages féminins éponymes se trouvaient toujours dans une position d’attente ou de demoiselle en détresse — Blanche-Neige et Aurore endormies, attendant le baiser du prince charmant, Cendrillon ne pouvant quitter sa marâtre que par le mariage, Arielle, plus combative, mais que le Prince Éric doit sauver des griffes d’Ursula — les rôles sont inversés dans Mulan et Shang est en position de faiblesse : le général a échoué face à l’ennemi, Shan Yu, et il se retrouve blessé et inconscient. Avant que Shan Yu ne porte le coup de grâce, Mulan détourne son attention et sauve ainsi Shang évanoui. En outre, il n’est plus question dans ce sauvetage de dynamique amoureuse, mais de quelque chose de plus héroïque, de moins attendu pour une héroïne Disney : sauver son pays, la Chine.

Photogrammes x4

Blanche-Neige, Cendrillon, Aurore (La Belle au Bois Dormant), Arielle (La Petite Sirène) : avant Mulan, les héroïnes Disney se retrouvent toujours en position d’attente ou de demoiselle en détresse

MulanSAUVEShangDisneyMulan n’est pas en position de faiblesse ou d’attente, c’est elle qui sauve l’homme et est moteur de l’action

En Chine, le personnage se désigne lui-même comme rôle modèle dès 1939. Parmi les arguments pour s’enrôler à la place de son père, Mulan déclare : « Si je reviens, les gens sauront qu’une fille aussi peut apporter honneur à sa maison ». Dans La Légende de Hua Mulan, plusieurs personnes la désignent comme exemple. Pour le père, « [son] geste filial est une leçon pour le monde » (épisode 48). Un ami de la guerrière rapporte à Nainai, la grand-mère du village, que la jeune femme a tué beaucoup d’ennemis, été courageuse et est devenue un modèle. Nainai, émue, déclare : « tu as fait ce que je n’ai pu faire étant jeune, tu es incroyable », avant de s’incliner (épisode 48). Même l’empereur utilise l’exemple de Mulan pour galvaniser ses troupes : alors que l’armée se prépare à une dernière bataille, il dévoile l’identité du grand général Hua (épisode 47). La guerrière devient le modèle d’autres personnages, qu’ils soient féminins — des petites filles à qui elle apprend à combattre dans Mulan 2 : la mission de l’empereur (Mulan 2, Darrell Rooney et Lynne Southerland, 2004) — ou masculins. Dans la version de 2009, quand elle se met à boire, les soldats sous ses ordres ne font plus rien, même si certains tentent de les motiver à s’entraîner. C’est quand Mulan se ressaisit que, tous ensemble, ils deviennent l’un des meilleurs bataillons de l’armée. Chez Disney, c’est également après qu’elle a réussi à atteindre la flèche au sommet du mât que ses camarades deviennent de bons combattants.

Photogrammes x6(3)Dans La Légende de Hua Mulan, le fait qu’elle soit une femme sert à galvaniser les troupes

Mulan2-Mulan2009ModeleElle est un modèle à suivre dans La Mission de L’empereur (2004) et Mulan : une légende guerrière (2009)

2 – Des récits d’émancipations

Mulan est d’autant plus exemplaire qu’elle évolue dans un milieu où préjugés et restrictions pèsent sur les femmes et qu’elle parvient à s’émanciper de ces contraintes pour s’y faire une place.

Dénigrement

Déjà, en 1939, l’adaptation chinoise relevait les idées reçues dont la jeune femme était victime, de la part de sa famille autant que de ses antagonistes. Pour sa famille, comme pour le groupe d’hommes qui tentent de lui voler sa prise au début, une fille est incapable de chasser. Les malfrats l’accusent de les regarder de haut, d’avoir volé le gibier puis lui demandent si elle a besoin d’un homme. Lorsqu’elle rentre au foyer familial, son père ne croit pas que c’est elle qui a chassé tout le gibier qu’elle rapporte. De même, selon un personnage de Oh My General, série chinoise de 2017, qui imagine la suite de la légende avec une héroïne prénommée Ye Zhao mais clairement inspirée de Mulan, « une personne aussi brillante et douée pour se battre, comment pourrait-il s’agir d’une femme ? ». Cela va parfois jusqu’à la misogynie : en 1939, le soldat Hua Hu — Mulan sous sa fausse identité — se déguise en femme pour pénétrer le camp ennemi, ce qui lui vaut des brimades — on lui conseille de faire de l’opéra, car, à l’époque, les rôles de femmes étaient joués par des hommes — et des reproches. Même si elle n’est pas une « vraie femme » aux yeux de ses camarades, qui ignorent son identité, le simple fait de s’être travestie la rabaisse. En 1964, le rite d’intégration veut que Hua Hu boive et trinque avec ses camarades, car « si un homme ne sait pas boire, il devrait être dans l’armée des femmes ». C’est également en 1964 qu’un groupe de soldat chante sa haine des femmes, qui, selon eux, « créent des problèmes », sont « séductrices » et « paresseuses ». Au sein de l’armée, toute féminité est dénigrée.

Division genrée des rôles

En outre, les femmes sont exclues de certaines activités et ceci est au cœur de l’intrigue de Mulan : si elle se travestit, c’est parce que les femmes ne peuvent être soldats. Les différentes adaptations précisent bien, avec plus ou moins d’insistance, que le châtiment encouru pour une femme-soldat est la mort. Les intentions de Mulan ont beau être honorables — protéger son père —, c’est la loi. Cette interdiction s’étend à toutes les activités liées aux armes et au combat, même civiles. Ainsi, la chasse, nous l’avons évoqué, n’est pas une activité qui sied au sexe féminin. En 1939, lorsqu’elle rentre de la chasse, Mulan est accueillie par les réprimandes maternelles : « Regarde-toi, est-ce que tu ressembles à une fille ? ». En 2009, c’est après s’être battue pour protéger son cousin que la jeune fille, alors enfant, est punie. La raison est claire : « si tu veux te battre, dans ta prochaine vie, incarne-toi en homme ». Une femme trop pugnace, trop combative, trop énergique met en danger la division genrée des rôles sociaux. Son devoir est de se marier. Cela est bien mis en avant dans les adaptations des studios Disney. Dans le premier film (1998) et son numéro musical « Honneur à tous », les villageoises chantent : « nous devons servir l’empereur qui nous garde des Huns, les hommes en se battant, les femmes en enfantant ». Mulan et les autres filles du village sont apprêtées pour être présentées à la marieuse. Le parallèle avec l’école — les antisèches que Mulan prépare, le cri qu’elle lâche à l’appel de son nom : « présente ! » — suggère que l’apprentissage des jeunes filles est entièrement consacré au mariage. Dans le deuxième film de Disney, Mulan 2 : la mission de l’empereur, ainsi que dans Héroïnes, il est même question de mariage arrangé : dans le premier, Mulan escorte des princesses promises aux princes voisins, tandis que dans le second Hua Ruo Lan fuit un mariage arrangé autant qu’elle protège son père. En outre, filles et épouses doivent servir les hommes et non penser ou s’exprimer. C’est à nouveau Disney, avec humour, qui évoque ces restrictions. Dans le numéro musical « Une belle fille à aimer », les soldats décrivent la femme idéale : belle, elle admire la force de son amant et fait bien la cuisine. Lorsque Mulan suggère une fille clairvoyante, qui pense, — elle-même — l’idée est immédiatement rejetée par ses camarades, d’un « Nah » méprisant. De même qu’à la fin du film, personne ne l’écoute — car elle est de nouveau une fille, comme lui rappelle gentiment Mushu.

Une jeune fille qui ne correspond pas aux canons de la féminité

Or, si, en 1939 et en 1964, Mulan osait déjà s’adonner à des activités viriles, à partir de 1998 apparaît une héroïne qui, en plus, ne correspond pas aux canons de la féminité. Le maquillage se fait plus ou moins discret et l’attitude de la jeune femme vient contraster avec celle de ses paires. Ainsi, en 1998, dans la série hongkongaise Hua Mu Lan, Mulan est devant un étal de soieries, mangeant avec appétit, criant pour attirer les clients, aux côtés d’une autre jeune fille, qui minaude et qui, elle, ne parvient pas à crier. Le même procédé est utilisé dans Héroïnes, en 2013, dans lequel Ruo Lan apparaît flânant au marché, aux côtés de sa sœur. Chez Disney, au contraire des autres jeunes filles, qui sont qualifiées de « poupées de Chine » dans la chanson « Honneur à tous » et dont les traits évoquent les peintures traditionnelles, Mulan ne possède pas les qualités féminines attendues. Quand elle tente de les calquer, lorsqu’elle se rend chez la marieuse, elle retrouve bien vite des traits et une attitude distincts. La seule exception est l’héroïne de La Légende de Hua Mulan. C’est à la fois une manière d’ancrer la jeune fille dans une certaine vision de la femme — nous y reviendrons — et un geste fort après tant de Mulan qui se détachent de la féminité classique : c’est montrer que les valeurs et les attributs habituellement associés à la masculinité n’excluent en réalité pas la féminité.

Photogrammes x8Mulan avant de prendre la place de son père, de 1939 à 2013

MulanIMITATIONMarieuseDisneyMême en calquant les autres jeunes femmes, Mulan n’arrive pas à les imiter

Critique de la féminité traditionnelle et de la division genrée des rôles

Chez Disney et dans Oh my General, la féminité traditionnelle relève même de la torture. En 1998, dans le numéro musical « Honneur à tous », un groupe de femmes prépare la jeune fille à rencontrer la marieuse. Tout en chantant gaiement, elles la soumettent à une succession de souffrances — soulignées par les mimiques de Mulan – : le bain est glacé, les cheveux frictionnés sans douceur, puis tirés davantage que coiffés, la taille comprimée pour être soulignée. En 2017, dans l’épisode 2 de Oh my General, Ye Zhao (1) revêt pour la première fois des vêtements féminins — elle n’était alors apparue qu’en uniforme — pour apprendre à marcher comme une femme doit le faire. Encore une fois, cette démarche n’a rien de naturel et la séquence souligne bien la contrainte qui est imposée au corps féminin. Alors que, naturellement, la jeune femme marche la tête haute et d’une démarche assurée, elle doit maintenant marcher à petits pas, les yeux rivés au sol, des livres sur les épaules et la tête et les pieds liés. Tout comme Mulan chez Disney, Ye Zhao ne parvient pas à adopter ces contraintes, ce qui est visuellement signifié non seulement par ses regards boudeurs et exaspérés, mais surtout par les liens qui se cassent quand elle essaie de rattraper le livre tombé de sa tête.

MulanPREPARATIONMarieuseDisneyPréparation dans le Disney pour aller rencontrer la marieuse : ressemble plus à de la torture qu’à une partie de plaisir

Photogrammes x9(11)Leçon de démarche féminine et échec de Ye Zhao dans Oh my General

Impertinente, la jeune femme se plie à l’exercice, mais indique son désaccord. À sa belle-sœur qui lui explique la composition florale comme « accomplir quelque chose de grand dans un petit espace, exactement comme des filles apprenant à devenir des épouses » puis l’enjoint à être une femme docile, loyale et serviable, Ye Zhao répond en nommant sa composition « impossible de s’échapper ». Le désaccord est plus frontal dans la scène suivante, dans laquelle elle doit apprendre le code de conduite de l’épouse, qui se divise en quatre vertus. Elle affirme alors que « ces quatre vertus sont des menottes », des « bêtises pour tourmenter les femmes ». Non seulement Mulan n’adhère pas aux contraintes de la féminité, mais, à partir de 1998 et de Disney, elle s’en émancipe en bravant les interdits. Pour la première fois, elle ne demande pas l’autorisation à ses parents de partir à la guerre. La scène de son départ aura une grande influence sur les œuvres suivantes, qui reprennent l’idée de la fuite nocturne, parfois après avoir demandé l’autorisation et essuyé un refus (l’interdit étant ainsi redoublé). Toutefois, si le geste de défi ne fait pas de doute, nous pouvons nous interroger sur la dimension subversive de cette fuite, qui réaffirme les contraintes et les règles en les mettant en scène. N’est-il pas plus fort que le travestissement et le départ de Mulan soient acceptés, comme en 1939 et en 1964, où l’égalité est affirmée comme allant de soi, par le père : « Quand une personne sait se battre, peu importe son genre » ? D’ailleurs, dans la majorité des œuvres, lorsque l’identité de la jeune femme est dévoilée, la nouvelle est bien acceptée (cela en devient presque cocasse dans La Légende de Hua Mulan, dans lequel cinq personnages, y compris un général et un prince ennemi, connaissent et taisent son identité). Dans la version de 1964, les soldats s’excusent même des paroles irrespectueuses qu’ils ont eu à l’égard des femmes au début du film. À son contact, l’évolution des points de vue des femmes et des hommes changent envers le statut et les capacités des femmes. En 2017, dans Oh My General, son côté masculin la rend plus attirante aux yeux de son mari, qui avait pourtant d’abord refusé de l’épouser, et lui fait également se rendre compte que sa femme est la meilleure. Son évolution est marquée avec humour dans un échange : après qu’il se soit vanté de « bien contrôler les femmes », Ye Zhao lui lance un regard appuyé. Il corrige : non, il « sert bien les femmes », soulignant ainsi sa complicité et son respect pour sa femme.

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Photogrammes x4(3)               Mulan                      Héroïnes          La légende de Hua Mulan    Mulan : la guerrière légendaire
Mulan n’a plus l’autorisation parentale et s’enfuit de la maison

3 – Brouillage des genres
Homoérotisme …

Une femme forte et intelligente, travestie en homme et qui se bat modifie la dynamique entre personnages féminins et personnages masculins. Elle suscite le désir de se surpasser, de lui ressembler, mais également l’attirance sexuelle. C’est alors que les œuvres frôlent vraiment avec la subversion : des hommes attirés par un camarade qu’ils croient être un homme figurent le désir homosexuel, tabou dans le cinéma de genre et dans le cinéma asiatique, malgré une évolution notable. En 1939, un homme déclare que le physique de Hua Hu (l’identité masculine de Mulan) est de la beauté gâchée, alors qu’en femme… Il est gêné quand il réalise le désir que dévoile cette remarque. La relation entre Mulan et le personnage masculin principal, un camarade de camp revêt une dimension romantique avant même que l’identité de la jeune femme soit dévoilée. En 1939, une gêne mêlée de plaisir s’affiche sur le visage de Mulan, alors travestie en femme (mais toujours identifiée comme un homme), lorsque son acolyte use de taquineries et remarque qu’ils ressemblent à un couple marié. En 1964, les duos musicaux entre Mulan et le général Li, empruntent les codes de la romance, en particulier dans un numéro qui n’est pas sans rappeler le « J’en ai rêvé » de La Belle au Bois Dormant (Sleeping Beauty, Clyde Geronimi, 1959), où la jeune femme est surprise par l’homme dont elle chantait les louanges, qui joint sa voix à la sienne alors qu’elle se croyait seule, transformant ainsi son solo en duo romantique. En 1999 et surtout en 2013, la proximité physique entre les deux êtres, cours de tir à l’arc et embrassades, est sans équivoque. De même, les demoiselles en pâmoison devant son talent dès 1939 n’est pas sans évoquer l’homosexualité féminine. Sous couvert du travestissement, le désir lesbien est ainsi effleuré dans plusieurs œuvres. En 1964, à l’encontre des attentes, Mulan déclare à Li : « Vous pourriez devenir ma femme si vous étiez une femme ». C’est également dans cette adaptation qu’un officier propose la main de sa fille au général Hua. Mulan étant une femme, le couple qu’elle formerait avec l’un ou l’autre serait alors un couple lesbien. En 1998, un personnage féminin, rivale en amour de Mulan, tombe amoureuse de celle-ci, qu’elle prend pour un homme. En 2013, Ruo Lan provoque un quiproquo : le palais pense qu’elle est attirée par une concubine alors que celle-ci, en plus d’être une femme, s’avère être sa sœur.

MulanFEMMEInterresee1939Après avoir battu deux hommes sans sortir son épée, Mulan attire les faveurs d’une jeune femme (1939)

Photogrammes x6(6)Lady General Hua Mulan reprend les codes de la romance : tel le prince Philip à la princesse Aurore dans La Belle au Bois Dormant, le général Li joint sa voix à celle de son subordonné, qui chantait sa tristesse et son amour

MulanBEMYWIFE1964Après une proposition de marier la fille du chef de l’armée, Mulan explique au Général Li ce qu’elle attend d’une relation et lui propose d’être sa femme (Lady General Hua Mu-Lan, 1964)

Photogrammes x3(7)Hua Mu Lan (1998) : après qu’elle l’ait sauvée, une jeune femme s’entiche de Mulan

Photogrammes x2(8)Une scène surprenante dans Hua Mu Lan (1999) qui tient plus de l’agression et dont l’effet est désamorcé car Mulan est sous l’emprise d’un sort

Photogrammes x3(8)Proximité ambigüe entre Ruo Lan et le prince Yang Zhu dans Héroïnes (2013)

… rapidement désamorcé

Au final, ces couples ne sont pas homosexuels et, s’ils jouent d’un certain homoérotisme, tout danger de subversion est écarté par la connaissance que le spectateur a de la véritable identité de Mulan. En outre, la plupart des œuvres, frileuses, désamorcent toute ambiguïté : le personnage masculin découvre rapidement que son camarade est une femme, par exemple dès les vingt premières minutes dans Mulan : la guerrière légendaire (2009). Quand le personnage masculin ignore le travestissement, comme chez Disney, alors il ne montre aucune attirance physique pour Mulan. Ainsi, Shang est indifférent à Ping (l’identité masculine de Mulan) et n’est intéressé par elle qu’après avoir découvert sa véritable identité. Si Mulan peut être attirée par le général et « lui fai[re] les yeux doux », c’est parce que les spectateurs savent qu’elle est une femme. Ceci explique également le peu d’allusions à l’homosexualité féminine : si Mulan peut désirer un homme, c’est parce qu’elle sait bien qu’elle est une femme et qu’ils formeront un couple hétérosexuel.

MulanINDIFFERENCEShangDisneyShang ne voit en Mulan qu’un soldat incompétent, puis un soldat sympathique, mais ne lie aucun lien avec elle tant qu’elle est Ping (Mulan, 1998)

Seule exception : désir bisexuel et lesbien dans Oh my General

Parmi toutes les adaptations, seule la dernière, Oh my General (2017), assume le désir homosexuel. Et pas n’importe lequel : le désir lesbien. Ye Zhao suggère sa bisexualité en évoquant ses flirts passés et son attirance pour de potentielles concubines — « même moi j’étais tentée » —, ce qui fait s’exclamer sa belle-mère : « choisis-tu des concubines pour ton mari ou pour toi-même ?! » En outre, toutes les jeunes femmes tombent amoureuses de la guerrière et le restent une fois son identité révélée. Ainsi, la princesse xia lui fait parvenir un gage d’amour, sa cousine vit un véritable chagrin, jusqu’à tenter de se suicider, et les trois concubines de son mari s’accordent sur leur désir : « Si la générale était un homme, [elles] l’épouserai[ent] et deviendrai[ent ses] concubine[s] ».

I-3-gLes personnages féminins de Oh my General sont tous sous le charme de Ye Zhao, qu’elles savent être une femme

Évolution des rapports entre femmes : de rivales à alliées

L’évolution des représentations du désir s’accompagne d’une évolution des rapports entre les personnages féminins. Dans les premières adaptations, Mulan est une femme exceptionnelle — « On ne rencontre pas une fille comme ça à chaque dynastie », affirme l’empereur chez Disney — et la seule femme à obtenir le statut de personnage, en dehors des membres de sa famille. D’autres personnages féminins apparaissent à partir de 1998, mais sont de véritables contre-modèles : dans la série de 1999, que ce soit sa mère, sa belle-mère ou sa belle-sœur pendant toute la première partie, les femmes sont les antagonistes de Mulan. Tel un « boss final », la jeune femme séductrice et manipulatrice, secrètement envoyée par un vil comploteur pour séduire le mari de Mulan, vient clore le défilé de personnages féminins négatifs. On retrouve, dans une certaine mesure, un procédé similaire dans Oh my General — et ceci vient illustrer l’ambivalence de cette série qui, en dépit de passages progressistes, use de nombreux tropes problématiques —, lorsque la cousine amoureuse de Ye Zhao tente de séparer le couple qu’elle forme avec son mari ou quand une concubine jalouse empoisonne sa maîtresse. Comme un signe du système hétérosexuel dans lequel elle évolue, point de répit pour Mulan en dehors du rapport femme-homme. Toutefois, à partir de 2013, une dynamique différente est instaurée entre les personnages féminins, et, qui plus est, des personnages féminins variés ! Déjà, en 2009, Mulan : la guerrière légendaire propose une princesse ennemie qui, tel un miroir avec Mulan, souhaite la paix plus que tout, mais se retrouve à devoir marier son frère violent. C’est grâce à son aide que Mulan, introduite dans le camp ennemi et déguisée en servante, parvient à tuer cet homme. En 2013, Mulan n’est plus la seule femme à l’affiche : s’il a pu être traduit différemment, le titre original de 巾帼大将军 signifie « Héroïnes » : l’œuvre conte autant le parcours de Hua Ruo Lan que de sa sœur Hua Yu He et de l’impératrice douairière. Chacune est un personnage fort et différent. Ambitieuse, Hua Yu He quitte le foyer familial pour entrer au palais. Digne, la princesse navigue au milieu des intrigues de cours de ceux qui ont détrôné son fils, trop jeune pour régner. Le trio côtoie Pan Qing, une jeune fille douce, qui prend la place de Ruo Lan en son absence, la princesse du peuple ennemi, les rourans, et l’impératrice Dugu, un antagoniste complexe, une femme crainte et puissante, bien loin du trope de la séductrice. La même année sort une autre série chinoise, La Légende de Hua Mulan, qui met en scène plusieurs personnages féminins. Mulan partage l’affiche avec Fu Ling, une brodeuse de son village et une amie d’enfance, He Hong, fille du conseiller rouran, et Mu Yun une servante rouran. Mulan et Fu Ling sont très féminines, ne maîtrisant aucune compétence guerrière, mais habiles brodeuses. Mulan est combative et pugnace, tandis que Fu Ling est douce et réservée. He Yong est une jeune fille impétueuse, qui aime les armes et les chevaux et qui n’a aucun talent pour les activités féminines. Mu Yun est, quant à elle, discrète et dévouée. C’est l’association de ces personnages que tout oppose, y compris la guerre et les amours — trois d’entre elles partagent une attirance pour le même homme —, qui permet de mettre fin à la guerre. Cette entraide marque le point culminant de l’évolution des personnages. Mulan est devenu le général que l’on sait. Fu Ling, couronnée princesse pour ses talents de broderie et mariée au Khan, se retrouve au cœur des intrigues de cours et, contre toute attente, y trouve sa place. Le Grand Khan s’étonne et la complimente : « Avant, je pensais que tu étais juste une brodeuse fragile, je ne m’étais pas rendu compte que tu étais si forte et inflexible ». Alors qu’elle était d’abord apparue comme une jeune fille capricieuse, He Hong se révèle une femme juste et courageuse, prête à trahir son père, après que celui-ci a tué le Khan et usurpé le trône. Mu Yun, quant à elle, se sacrifie pour sauver sa maîtresse, Fu Ling. Oh my General reproduit une dynamique similaire — quoique moins aboutie —, avec l’association de Mulan, de sa très féminine cousine Yixin, qui a épousé un prince du peuple ennemi, les xias, et de la princesse xia. Ce qui se joue là dépasse le test de Bechdel, que ces dernières œuvres passent avec succès. La réussite n’est plus contingentée au masculin ni exceptionnelle. Les personnages féminins qui se révèlent et s’émancipent dans l’adversité, à la fois forts et complexes, qui s’entraident plutôt que d’entrer en compétition, sont multiples et variés. Quand on sait l’importance des rôles modèles féminins (2) dans la représentation des genres et dans le développement des petites filles, on ne peut que s’en réjouir.

MulanPRINCESSE2009Mulan menace la princesse ennemie qui accepte de l’aider pour arrêter son frère et ainsi la guerre (Mulan : une légende guerrière, 2009)

Photogrammes x3(6)Héroïnes (2013) : L’impératrice douairière et Hua Yua He ; L’impératrice Dugu ; Pan Qing

Photogrammes x3(5)La Légende de Hua Mulan (2013)
Mulan et He Hong s’associent
He Hong rapporte le plan de Mulan à Fu Ling et Mu Yun
Mulan s’apprête à prendre l’identité de Fu Ling pour tuer l’usurpateur

Photogrammes x2(9)Oh my General (2017) : la princesse xia aide Ye Zhao à s’introduire dans le camp pour sauver Yixin, puis l’aide à affronter le prince des xias, son frère

II – L’étendard de valeurs nationales

Pourtant, si Mulan nous semble féministe, la jeune femme ne déborde jamais du cadre que la société a mis en place.

1 – Retour à la norme
Tout est bien qui finit bien : Mulan rentre chez elle et se marie

Si en se travestissant et en partant à la guerre, Mulan brave ce que la société — qu’elle soit occidentale ou chinoise — attend d’une femme, à la fin de toutes les adaptations, comme de la ballade, l’héroïne rentre chez elle. Elle refuse les honneurs de l’empereur (chez Disney, dans la version de 1939 et dans la série La légende de Hua Mulan) ou de ses chefs de guerre (1964 et 2009) et demande simplement à retourner chez elle pour s’occuper de ses parents. Le côté subversif du personnage est effacé par un retour à la norme. Si Mulan a évolué dans l’armée, elle n’a pas pour but de modifier sa propre position sociale ou celle des femmes. De plus, dans toutes les versions, la présence d’une histoire d’amour est ajoutée à l’œuvre originale et vient accentuer ce retour à la norme. Dans le film Mulan rejoint l’armée (1939), elle tombe sous le charme d’un soldat sous ses ordres. Elle refuse le poste de l’Empereur et demande de rentrer vers ses parents. Arrivée chez elle, sa mère montre à Mulan les nombreuses demandes en mariage qu’elle a reçues pendant son absence. Mulan, alors habillée en femme, lui dit qu’elle a « trouvé le bon » — Yandu, un soldat avec qui elle a une relation complice. Ils se marient et le film finit sur l’image du couple heureux et proche. Dans le film de 1964, elle reste chez elle pendant que l’homme de son cœur repart en mission. Elle est donc dans une position d’attente, une position dont la passivité est accentuée par la présence dans le plan d’hommes qui vont combattre. Par ailleurs, au moment de la découverte par Li, son futur époux, que Mulan est en fait une femme, il mentionne La Romance de Liang Shanbo et Zhu Yingtai, ou Les amants papillons (梁山伯与祝英台). Cette célèbre histoire chinoise inscrit là encore le destin de Mulan dans la romance et la tradition chinoise : l’amour, rendu impossible par le travestissement, devient tragique. Afin de pouvoir étudier, la jeune fille Zhu Yingtai se travestit en homme. Sur les bancs de l’école, elle rencontre Liang Shanbo et tous deux tombent amoureux. Toutefois, lorsqu’après plusieurs années — où il était d’abord dans l’ignorance de la véritable identité de son amie —, Liang demande la main de Zhu, il apprend que celle-ci est promise à un autre homme. Le jeune homme meurt de chagrin, bientôt rejoint par son amante. Dans la version de 2009, plus sombre, le parallèle avec Les amants papillons peut être fait, car le couple est séparé — même s’ils ne se suicident pas. Mulan tombe amoureuse du 7e fils de l’Empereur qui l’aime aussi. Mais pour sauver son pays, Wentai doit épouser la princesse ennemie : avec cet accord, la paix est possible entre les deux royaumes. C’est la seule fin où Mulan ne finit pas avec l’homme qu’elle aime. Dans Héroïnes, en 2013, on retrouve un sacrifice similaire : le troisième fils de l’empereur est amoureux de Ruo Lan mais doit épouser la princesse ennemie. Toutefois, le triangle amoureux permet à la jeune femme de reprendre sa place de femme : fille et épouse. Dans le Mulan de Disney, alors qu’aucun regard ou moment complices n’avait été échangé pendant la guerre, le général Shang vient retrouver la guerrière chez elle, à la fin. Cela aboutit dans le second film, La Mission de l’Empereur, à une demande en mariage, que Mulan — et sa grand-mère — acceptent joyeusement. L’union sera prononcée après maintes péripéties, une dénonciation virulente du mariage arrangé et la proclamation solennelle que le mariage rend heureux quand les deux personnes — hétérosexuelles — s’aiment.

MulanFIN1939Mulan rejoint l’armée (1934), une fin qui finit “bien” : un mariage d’amour, mais un mariage quand même

MulanFIN1964Mulan accepte d’attendre à la fin de Lady General Hua Mu-Lan (1964)

Vie conjugale et maternité

À partir de 1999, des séries mettent en scène la vie conjugale de Mulan. Dans Hua Mulan (1999) l’intrigue se divise en deux parties : Mulan à la guerre, puis, à partir de l’épisode 25, Mulan en épouse. Le mariage est le cœur même de l’intrigue de Oh my General (2017), qui semble en partie inspirée de la série de 1999. Le caractère subversif de la virilité, de l’impertinence et des attirances bisexuelles de Ye Zhao (Oh my General) est adouci par ses envies de mariage — hétérosexuel —, qui semblent donner raison à l’impératrice, qui déclare : « Peu importe la force d’une femme, elle est toujours en train d’attendre l’apparition d’un homme ». En outre, les deux œuvres sont les seules dans lesquelles l’héroïne reste officier une fois le mariage déclaré : c’est comme s’il fallait insister sur sa vie d’épouse pour compenser cette évolution. Si la maternité est rarement abordée dans les différentes adaptations — chez Disney, il est fait mention que Mulan ne sera jamais bonne à enfanter des garçons (« Not good for bearing sons ») à cause de ses hanches trop étroites —, elle est enceinte dans Oh my général et un enfant est visible à la fin d’Héroïnes (2013). Cette scène finale, où Ruo Lan, ses parents, son compagnon Zhao Lu et l’enfant apparaissent dans un endroit paradisiaque, sourire aux lèvres, tout en relevant du happy end, montre que l’héroïne a retrouvé sa place et accompli son triple devoir : s’occuper de ses parents, être une épouse et une mère.

Photogrammes x6(4)Héroïnes (2013) : tout le monde est heureux ; de retour auprès de ses parents, mère et épouse, Mulan a retrouvé sa place

Piété filiale et confucianisme

Ce devoir s’inscrit dans la piété filiale que défend le confucianisme (3). C’est à partir du XIVe siècle que la légende de Mulan empreinte à cette philosophie. En effet, le court poème narrant les aventures de Mulan est mis sous forme théâtrale par Xu Wei (1521 – 1593) sous la dynastie Ming alors profondément confucéenne. L’auteur ajoute ainsi la partie sur le mariage — Mulan doit prouver qu’elle est toujours vierge pour se marier avec l’homme qu’a choisi son père (si cet aspect disparaît de la plupart des adaptations, un mariage est malgré tout annoncé) et elle doit obéissance et protection à son père. La faiblesse du père, qu’en bonne fille Mulan doit protéger, est mise en scène dans la quasi-totalité des œuvres. En 1964, 1998 (chez Disney), 1999 et 2009, le père doit boire des remèdes, il est malade. À partir de Disney, dont certaines séquences se prolongent dans les œuvres suivantes, son impossibilité à se battre est mise en scène lors d’une séance d’entraînement. Boiteux, sans doute blessé lors d’une précédente guerre, il est montré comme vaillant, mais trop faible pour combattre et servir son pays. Il chute, se blesse, tremble en tenant son épée devant lui, dans le film d’animation ainsi que dans Hua Mulan (1999) et dans Héroïnes (2013). Dans la plupart des adaptations, le choix de Mulan ne vient donc pas d’un désir de se découvrir et de s’affranchir, mais bien au contraire de sauver son père. Le confucianisme veut également que les enfants obéissent et honorent leurs aînés. L’accord des parents, en 1939 et en 1964, s’inscrit dans cette tradition : le geste de Mulan est d’autant plus filial qu’elle ne désobéit pas en prenant la place paternelle. En accord avec la philosophie chinoise, il s’agit non seulement de soutenir son aîné mais également de de ne pas se rebeller. Chez Disney et dans les œuvres suivantes, le comportement inconvenant de l’héroïne, qui agit sans l’accord de ses parents ou même, dans La Légende de Hua Mulan, qui désobéit sciemment à ses aînés, est toutefois pardonnable, car adopté par piété filiale : l’héroïne démontre ainsi son amour pour son père et le protège et, de surcroît, l’honore en lui apportant un bon nom à l’extérieur de la maison. Chez Disney, où la jeune femme brûle de l’encens devant l’autel de ses ancêtres, et en 2013 (dans Héroïnes comme dans La Légende de Hua Mulan), où elle s’agenouille et s’incline devant la maison avant son départ, Mulan lie clairement son geste au respect filial. Dans toutes les versions, la place des ancêtres est essentielle. La famille n’est pas restreinte aux vivants, mais comprend aussi aux morts, qu’il faut honorer et prier, et aux futures générations. Ainsi, en 1939, s’il est bien question de prouver la valeur féminine, celle-ci reste rattachée à la piété : « Si je reviens, les gens sauront qu’une fille peut apporter honneur à sa maison aussi », argue-t-elle. Ceci est également clairement verbalisé par son père à son retour, dans La Légende de Hua Mulan, où il en fait un exemple de piété filiale : « ce geste filial est une leçon pour le monde ». En outre, elle refuse un poste offert par l’empereur et l’armée — dans la plupart des adaptations comme dans la ballade originelle —, pour retrouver ses parents : son rôle, une fois la guerre finie, est de retourner auprès de ses aînés, à la fois pour s’occuper d’eux et parce que c’est sa position de fille d’être sous leur autorité et leur protection. Ainsi, dans La Légende de Hua Mulan, Mulan explique qu’elle veut juste redevenir une simple brodeuse, non pas dans l’espoir d’épouser l’homme qu’elle aime, mais pour faire preuve de piété filiale, envers son père, mais aussi envers les familles qui ont perdu des membres à la guerre. La présence d’une histoire d’amour s’inscrit aussi dans cette vision confucéenne du personnage : le devoir d’une fille étant également d’apporter un bon nom à ses parents et leur assurer des héritiers mâles, un mari est nécessaire pour en faire un personnage vraiment exemplaire selon Confucius.

Photogrammes x6(7)Le père, malade ou trop faible pour combattre dans Mulan rejoint l’Armée (1939), Lady General Hua Mulan (1964), Mulan (Disney, 1998), Mulan : la guerrière légendaire (2009), Hua Mu Lan (1999) et Héroïnes (2013).

MulanENCENSMulan prie les ancêtres et honore sa famille avant de partir à la guerre (Mulan (1998), Héroïnes (2013) et La Légende de Hua Mulan (2013))

Son exemplarité est mise en contraste avec les préoccupations futiles d’autres jeunes filles, évoquées à travers le personnage de la sœur en 1964, qui ne comprend pas que Mulan s’inquiète pour son père et interprète ses soupirs comme un tourment amoureux, et surtout en 2013, dans Héroïnes. La série suit autant le parcours de Hua Ruo Lan que de Hua Yu He. Celle-ci fuit également la maison, mais par ambition, pour rentrer au palais et s’y faire une place. Si elle finit par revenir vers ses parents et se sacrifier — elle refuse de les empoisonner —, la voie qu’elle a choisie, mêlée aux intrigues de cours, n’est pas honorable et elle en est symboliquement punie par la folie qui la frappe. Davantage qu’un plaidoyer pour l’émancipation, l’histoire de Mulan est un modèle de piété filiale : s’il est question d’égalité, celle-ci s’inscrit dans le respect des aînés.

Seule l’adaptation américaine se distancie de la vision confucianiste du devoir filial

Seul Disney, studio américain, se distancie de ces valeurs traditionnelles, bien que la piété filiale y soit toujours moteur de l’action. Dans le numéro musical « Honneur à tous », les traits des jeunes filles, qui reproduisent les représentations traditionnelles — visage d’un blanc profond, lèvres rouges —, relèvent de l’exotisme (4). Or, comme le souligne le géographe Jean-François Staszak (5), ce terme est porteur d’un point de vue, ici occidental, et désigne ce qu’il représente comme étranger. Le point de vue critique de Disney est indiqué par le décalage entre les réactions de Mulan — qui semble souffrir de la préparation et surprise de l’abnégation de ses paires —, et la joie que semble procurer l’idée de l’honneur aux autres personnages. C’est là l’ambivalence de l’adaptation américaine, qui met en avant l’honneur et la piété, pour respecter l’œuvre originale et ne pas s’aliéner le public chinois (6), tout en le critiquant. Il s’agit, d’ailleurs, de la seule adaptation à mettre en doute l’idée d’honneur — « Tu mourrais pour l’honneur ?! » — ainsi que la motivation originelle de son héroïne, qui avoue : « Peut-être ne suis-je pas partie pour mon père, mais pour prouver que je peux faire quelque chose de bien et que, lorsque je regarde dans un miroir, je puisse y voir quelque chose qui vaille la peine ». Dans la séquence des jeunes filles à marier, l’impertinence de la jeune femme est valorisée lorsqu’elle intervient dans une partie de dames. Alors que les villageoises chantonnent qu’en « trouvant un bon parti, [une fille] gagne la partie », c’est une partie tout autre que gagne Mulan. L’humour qui parsème ainsi le film peut être compris, selon le point de vue, comme de l’autodérision bon enfant ou une raillerie paternaliste de l’occident. De même dans le deuxième épisode des aventures de Mulan par Disney, l’héroïne est choquée que l’Empereur — pourtant juste et droit — sacrifie ses filles à un mariage arrangé. C’est une chose qu’elle n’arrive pas à comprendre. Là aussi, Disney critique — de manière plus ouverte, comme le film n’est pas destiné à un large marché — des mœurs qui lui semblent incongrues : le mariage arrangé. Pratique courante et en adéquation avec le confucianisme, il est intéressant de rappeler qu’elle avait également lieu dans nos pays pendant très longtemps. Les femmes étaient vues comme une monnaie d’échange pour conclure une affaire. Ici l’Empereur sacrifie le bonheur — vain, car peu important dans la société — de ses filles dans un but plus grand. Ce film s’éloigne ainsi considérablement de l’idée d’origine de la ballade et des interprétations asiatiques. En 2009, le mariage arrangé est un mal nécessaire pour sauvegarder la paix et arrêter de nombreuses tueries. Il est montré comme un acte honorable : se sacrifier pour son pays. En 2013, dans La Légende de Hua Mulan, quand, par un concours de circonstances, les fiançailles de Fu Ling et du prince rouran dont Mulan est amoureuse sont prononcées par l’empereur, l’héroïne enjoint son amie à l’ « accepte[r] calmement », car elle « ne l’épouse pas pour elle-même », mais « pour l’amitié entre les Weis et les Rourans pour les générations à venir ». Dans Héroïnes, le mariage arrangé n’est pas un sacrifice : si Hua Ruo Lan refusait d’épouser Zhao Yu, elle apprend à le connaître à l’armée et finit par l’aimer.

2 – L’héritière des philosophies chinoises

Le confucianisme n’est qu’un des trois piliers de la philosophie chinoise avec le taoïsme et le bouddhisme. Le personnage de Mulan s’inscrit dans un état d’esprit qui emprunte à ces trois courants de pensée.

Taoïsme

Les représentations de la féminité et de la virilité dans les différentes adaptations sont beaucoup influencées par le taoïsme. Dans cette philosophie, il est question d’équilibre. Le yin et le yang sont deux notions abstraites, duales et opposées, présentes en chacun de nous — et dans la nature —, qui ne peuvent être séparés. Exemple du parfait équilibre entre masculin et féminin, Mulan maîtrise à la fois les arts martiaux et le tissage, activité traditionnellement féminine. Disney est le seul studio à proposer une héroïne qui ne maîtrise ni compétences masculines ni compétences féminines. À la suite de l’échec chez la marieuse, le père vient rejoindre Mulan au pied d’un cerisier. Pour la rassurer, il lui montre un bourgeon qui n’a pas encore éclos et la compare à cette fleur à venir — Hua Mulan (花木兰) veut dire “fleur parfumée”. Elle a seulement besoin de plus de temps pour s’épanouir. Cette idée est essentielle dans le taoïsme qui affirme que pour trouver la paix intérieure, les humains doivent suivre le cours de la nature, qui passe lentement. À la fin, Mulan retrouve son père au pied de l’arbre et la dernière fleur est maintenant éclose : Mulan a trouvé l’équilibre nécessaire pour être une meilleure personne. La Légende de Hua Mulan (2013) met en valeur cette association parfaite à travers l’évolution de son personnage. Brodeuse exceptionnelle, elle ne maîtrise aucunement les compétences guerrières : non seulement elle ne se bat ni ne pratique le kung-fu mais elle ne sait même pas monter à cheval. Malgré sa pugnacité, une scène entière la dépeint incapable de tenir sur un cheval. Pourtant, ses talents virils sont contenus dans son expertise féminine : ce sont les compétences acquises en confectionnant le lé de mariage qui lui permettront d’intégrer l’équipe d’élite de l’armée Wei, éclairant d’un jour nouveau le compliment qui lui était ainsi adressé : « Tu peux coudre, broder et teindre la soie, que ne peux-tu faire ? ».

Photogrammes x4(5)La Légende de Hua Mulan (2013)
Avant : Mulan, incapable de tenir sur un cheval (activité masculine) mais si habile avec une aiguille (activité féminine) qu’elle peut viser la flamme d’une bougie
Après : Mulan, guerrière émérite, révélant les talents virils contenus dans son expertise féminine

Chez les personnages masculins, l’équilibre est différent : il s’agit davantage de trouver un juste milieu entre violence et luxure. Tout comme on y trouve les contre-modèles de féminité que nous avons évoqués — séductrice, ambitieuse —, certaines adaptations mettent en scène des contre-exemples de masculinité : la jeunesse insouciante et débridée, qui fréquente les maisons de plaisir, en 1999, 2013 (Héroïnes) et 2016 — contre-exemple teinté de confucianisme — et les officiers sanguinaires en 2009 et 2013 (Héroïnes). Qu’il soit guerrier ou érudit, l’homme dont Mulan tombe amoureuse est toujours un exemple de ce parfait mélange. Si Ruo Lan découvre son fiancé ivre à la sortie d’une maison de plaisir, le spectateur sait bien qu’il y a quiproquo, qu’il y a été conduit malgré lui et que, plutôt que de s’adonner aux plaisirs de la chair, il a passé la soirée à réciter des textes confucéens. En outre, il se distingue du deuxième prince, qui, quelques scènes plus loin, joue à colin-maillard avec les jeunes filles du palais. La présentation de l’homme idéal repose grandement sur cette mise en opposition et le troisième prince, amoureux de Ruo Lan, apparaît comme raisonnable et sensible en comparaison de ses frères. Dans une scène qui réunit les membres de la famille royale, tandis que l’un est hypnotisé par la danse d’une concubine — la sœur de Ruo Lan —, l’autre prend soin de l’enfant fatigué — l’ancien empereur, destitué. De même, en 2009, Wentai est l’opposé de l’héritier du Danyu (équivalent du Khan ou de Shanyu dans Disney — qui n’est qu’une prononciation différente de ce même titre) : sage, il apprend à Mulan à ne pas être gouvernée par ses émotions, tandis que Danyu est un homme violent et sanguinaire qui se laisse totalement envahir par ses pulsions meurtrières. Ou encore dans La Légende de Hua Mulan, où le filial Duo Lun est l’exact opposé de son ambitieux frère.

Cette complémentarité du féminin et du masculin apparaît au sein du couple de Oh my General, où les deux personnages s’influencent mutuellement pour créer l’équilibre. La remarque de l’impératrice douairière, « Sa personnalité et ses actions seront sûrement corrigées », peut s’appliquer autant au mari qu’à la femme. Elle n’a connu que la guerre et appartient au monde masculin. Elle s’identifie d’ailleurs comme un homme — « Je suis un homme. Où trouverais-je la patience de choisir des objets pour une femme ? » — et est vue comme telle par son entourage — son grand-père, par exemple, l’appelle « mon petit-fils ». Lui, à l’opposé de l’amant habituellement alloué à Mulan, est boudeur et capricieux et fréquente les maisons de plaisir. Il est l’élément féminin du couple : la « femme [du] petit fils », pour le grand-père, qui lui demande de mettre au monde des garçons, il danse et se retrouve dans les bras de Mulan — une inversion des rôles attribués dans les comédies romantiques — et se retrouve à lire le code de conduite des femmes. Au contact de son mari, Ye Zhao se féminise : elle finit par porter un enfant et à être acceptée par sa belle-mère — ce qu’attendent les confucéens d’une bonne femme. Au contact de sa femme, Zhao Yu Jin devient vaillant et courageux et la rejoint sur le champ de bataille.

Photogrammes x4(4)À gauche, Oh my General – À droite, My Secret Romance et Sa vie privée :
La série reprend un trope des séries romantiques asiatiques pour inverser les rôles

Photogrammes x16(1)Enceinte, la guerrière Ye Zhao est affaiblie. Lui n’a aucune expérience des champs de bataille. Après avoir créé l’équilibre chez l’autre, ils trouvent l’équilibre dans leur couple. C’est en s’associant qu’ils vainquent l’ennemi.

Photogrammes x3(10)Le générique de Oh my General illustre la dynamique taoïste du couple : le bleu — le masculin — et le rose — le féminin — se mêlent pour former le symbole du yin et du yang et même créer de nouvelles couleurs.  

Orient et Occident se retrouvent sur l’importance d’une masculinité équilibrée. Le capitaine — puis général — Shang est le pendant américain des militaires chinois. Il se distingue de ses hommes par sa mesure comme le général Li se distinguait des siens en 1964. Celui-ci s’excusait auprès de Mulan de l’avoir poussée à boire, alors qu’il avait tenté d’arrêter les hommes qui souhaitaient trinquer avec elle. Toutefois, les traits repoussoirs de l’Occident se distinguent de ceux de l’Asie. Les contre-modèles de l’homme idéal sont ici le fantassin crasseux et impudique, qui crache, se cure les ongles, touche ses camarades — leur cogne l’épaule, leur tape les fesses —, et l’intellectuel efféminé. Loin de questionner la virilité, le film d’animation valorise un certain type de masculinité,  ainsi que laisse entendre le titre « Comme un homme ». Les paroles sont claires, pour devenir un homme, un « vrai », il s’agit d’être « vaillant et fort ». Comme dans le taoïsme, il s’agit de trouver l’équilibre : « En trouvant l’équilibre, vous serez vainqueur ». Toutefois, Disney est ambivalent. Il semble s’agir d’un taoïsme bâtard, où la féminité doit être éliminée du masculin. Ainsi, Shang se désole : « vous n’êtes qu’une bande de femmelettes ». Comme le fait remarquer Julie G. dans son article « Mulan (1998) : féminisme et patriarcat chez Disney », « l’apprentissage de la masculinité n’est pas aussi critiqué que celui de la féminité, s’il est long et difficile (Mulan est tous ses camarades sont absolument nuls au début…) il finit par être payant (Mulan et ses camarades deviennent des pros), mais surtout valorisant et gratifiant (ils sont tous fiers d’être devenus des hommes). » En outre, le personnage repoussoir du conseiller Shi Fu dévoile un fond de misogynie et d’anti-intellectualisme que nous n’avons pas décelé dans les autres adaptations : peu caractérisé, son travail consiste à rédiger des rapports et il « crie comme une fille ». Pourtant, il semble que ce soit l’équilibre du féminin et du masculin que le sauvetage de l’empereur valorise : « Comme un homme » retentit à nouveau, mais cette fois les guerriers sont travestis en femme. L’homme « parfait » échoue contre Shanyu, et c’est Mulan qui le sauve. Pourtant là encore, le film répugne à aller au bout de l’idée : alors que les soldats revêtent les atours féminins, le général Shang se joint à eux sans se démunir de son armure.

Photogrammes x9(16)
Entre luxure et violence ou entre féminin et masculin, l’homme parfait de Mulan (Héroïnes, (2013) ; Mulan, (1998))

Photogrammes x3(11)Alors que Danyu est cupide et violent, Wentai est sage et ne révèle qu’il est fils de l’Empereur que pour sauver Mulan (Mulan : une légende guerrière, (2009))

Photogrammes x3(12)L’ambivalence de Disney : la masculin est valorisé dans la première occurrence de “Comme un homme”. Toutefois, le parangon de masculinité échoue et l’équilibre entre le masculin et le féminin est valorisé par le travestissement. Mais le studio ne va pas au bout de son idée : Shang, face à ses adjudants, n’est pas travesti.

Bouddhisme

En sus du confucianisme et du taoïsme, le bouddhisme irrigue la légende. Mulan réussit à dépasser son statut de femme pour protéger son pays et son père. Dans de nombreuses adaptations, elle est également la raison de la victoire : c’est elle qui sauve le pays. Cet exploit, elle le doit à son intelligence. Mulan arrive à évoluer grâce à son entraînement ou à ses années de guerre. Le bouddhisme chán — inspiré du taoïsme — met en avant l’expérience personnelle — et la méditation — comme apprentissage ultime pour atteindre l’éveil. L’éveil est l’abandon de l’ego, du soi, et la réussite à se libérer des émotions et des passions. Mulan, en partant à la guerre, se met de côté, elle n’écoute que son devoir. Elle franchit une première étape du bouddhisme. Son père est par ailleurs son premier maître. C’est lui qui lui apprend le kung-fu et plus tard la juge apte à partir à la guerre. En allant combattre seule, Mulan se sépare de son maître. Le bouddhisme insiste sur le fait que l’élève doit apprendre à penser par lui-même. Chez Disney, c’est quand elle ne suit plus les directives de Shang et qu’elle prend l’initiative de sangler les poids à ses poignets qu’elle réussit la première étape vers sa transformation en guerrière. En 2013, dans Héroïnes et dans La Légende de Hua Mulan, la mort du mentor participe également de l’évolution du personnage. Dans le film de 2009, Wentai — dont Mulan est amoureuse — lui explique que les émotions sont le lieu des problèmes et des défaites. À la suite d’un piège de l’ennemi — Mulan part protéger Wentai qu’elle pense victime d’une embuscade et abandonne les vivres avec trop peu de soldats —, plusieurs camarades meurent. Si Mulan avait écouté son devoir au lieu de son cœur, tous ces hommes seraient encore vivants. C’est pour cette raison que, plus tard, Wentai simule sa mort. Mulan doit alors dépasser ses émotions et sa souffrance pour accéder à un nouvel état et inspirer ses soldats au combat. Mais c’est réellement à la fin qu’elle atteint l’éveil quand elle refuse de partir avec Wentai — promis à un mariage arrangé avec la princesse ennemie pour instaurer la paix — et reste aux côtés de son père. Cette décision tient au fait qu’elle accepte de ne plus se soumettre à ses sentiments pour Wentai (bouddhisme), mais également au confucianisme qui veut que la fille reste sous l’obéissance du père. Le même dilemme se pose dans La Légende de Hua Mulan, dans lequel les deux amants appartiennent aux camps opposés. Alors qu’ils sont tous deux tiraillés, seule Mulan parvient à mettre ses émotions de côté pour servir son pays. Duo Lun, lui, tergiverse et refuse d’attaquer, de peur de blesser la jeune femme, au risque de paraître déloyal à son père et traître à son peuple.

Par ailleurs, si une femme guerrière est quelque chose d’assez peu habituel dans les œuvres occidentales — jusqu’à encore récemment où les superhéroïnes Marvel et DC Comics sont en petit nombre — Mulan n’est pourtant pas une exception dans les productions chinoises. Le genre du wu xia pian (film de capes et d’épées chinois) possède de nombreuses héroïnes qui se sont battues contre et aux côtés d’hommes pendant des décennies. Impossible de dire si les longs-métrages — en grande partie produits à Hong Kong et un peu à Taïwan, avant d’être repris au début du XXIe siècle par la Chine — puisent leur origine dans la ballade de Hua Mulan ou s’en inspirent. Ce sous-genre des films de kung-fu (ou arts martiaux chinois) est au départ un genre littéraire très populaire mettant en scène des chevaliers errants. Fortement empreint de taoïsme et de bouddhisme, les thèmes récurrents de ces histoires sont l’opposition entre le bien et le mal, le devoir et le désir. Le genre prend son essor dès les années 1920, alors que la Chine est en pleine guerre civile. Dès le début, des films mettent en avant des personnages de guerrière : Li Feifei : une chevalière errante (1925) et L’Incendie du monastère du Lotus rouge (火燒紅蓮寺, Zhang Shichuan, 1928) qui connaît dix-sept suites. Le premier Mulan — Mulan rejoint l’armée (木兰从军) — sort la même année. C’est dans les années 1960 que le genre prend un tournant et où de nombreuses héroïnes apparaissent. Des cinéastes comme Chang Cheh et King Hu mettent souvent en scène des chevalières errantes. L’hirondelle d’or (大醉俠, King Hu, 1966) est une combattante redoutable et crainte qui part à la recherche de son frère kidnappé par des bandits. Dans A Touch of Zen (俠女, King Hu, 1971) — le zen est le pendant japonais du chán, et comme en occident nous avons tendance à tout mettre dans le même sac, le zen du titre est bien le bouddhisme chán —, le film met en avant un couple directement inspiré de la tradition bouddhiste et taoïste : un homme érudit et une femme qui se bat pour le protéger — et qui se sacrifie pour sauver leur enfant. Le genre perdure aujourd’hui avec des films comme La Mariée aux cheveux blancs (白髮魔女傳, Roony Yu, 1993), Tigre et dragon (臥虎藏龍, Ang Lee, 2000), Hero (英雄, Zhang Yimou, 2002), Le Secret des poignards volants (十面埋伏, Zhang Yimou, 2004), The Grandmaster (一代宗师, Wong Kar-wai, 2013) ou encore The Assassin (刺客聶隱娘, Hou Hsiao-Hsien, 2015). Tous ces films mettent en scène des personnages de femmes qui se battent à l’égale des hommes, parfois même en étant supérieure.

Le taoïsme et le bouddhisme se complètent et semblent, dans le cas de Mulan, entrer en contradiction avec le confucianisme. Pourtant, ces trois philosophies expliquent le comportement de la guerrière et son acceptation en tant qu’héroïne nationale à une époque où les femmes étaient dénigrées et sous les ordres des hommes. Mulan reste toujours dans le cadre instauré par ces trois courants de pensée. Elle ne dépasse jamais les limites et, au contraire, les défend, comme elle défend par tous les moyens son pays et à travers cela ses valeurs.

3 – Derrière le personnage de Mulan, une géopolitique complexe
Pour le pays et l’empereur

Comme le fit Jeanne d’Arc pour la France, Mulan défend son pays et ses traditions. Porteuses de valeurs nationales qu’elles protègent par la guerre, les deux femmes sont vues par leur pays respectif avant tout comme des figures nationalistes. Dans la quasi-totalité des adaptations, le village apparaît — souvent dès la première scène, dans laquelle Mulan se mêle à la foule — et tient une place importante : l’héroïne n’apparaît pas comme un individu, détachée du reste du pays, mais comme une citoyenne. C’est d’ailleurs ainsi qu’elle se désigne dans La Légende de Hua Mulan. L’effort de guerre commence avant et concerne autant les femmes que les hommes, puisque celles-ci doivent confectionner, au risque de leur vie — des tueurs sont envoyés pour stopper leur travail —, un lé exceptionnel pour le mariage entre les familles royales wei et rouran. L’égalité, verbalisée, encore une fois, est circonscrite au devoir, quand Mulan déclare : « être un homme ou une femme ne fait aucune différence quand il s’agit de servir son pays ». Dans le film de 1964, Mulan essaye de convaincre son père qu’elle peut partir à la guerre. Déguisée en homme, elle combat avec lui et arrive à lui faire dire : « Si quelqu’un sait se battre, peu importe son genre. S’il peut aider son pays, peu importe qu’il se travestisse ». Ici, l’égalité des femmes et des hommes est davantage un modèle de loyauté envers sa famille et l’empire qu’un plaidoyer pour l’égalité des sexes dans la société.

Photogrammes x8(2)Les villages au début des différentes adaptations

Selon les version, Mulan vit entre le IVe et le VIIe siècle. La Chine est alors un Empire et la piété filiale s’accompagne d’une piété envers l’Empereur, qu’il faut protéger. Les deux fusionnent chez Disney, où l’empereur s’apparente à un grand-père, par son âge mais également par sa relation avec les personnages principaux : lorsqu’il lui permet de rentrer chez elle, Mulan lui saute au cou et lorsque Shang la laisse partir sans effusions, il le réprimande gentiment. Son grand âge s’accompagne également de sagesse, qu’il communique par aphorismes (un condensé de ce que Disney retient des philosophies chinoises). Dans la plupart des versions, chinoises comme américaines, il est montré comme bon et juste, voire amical. Soucieux de son peuple, s’il pouvait, il conclurait la paix. Sa légitimité n’est pas remise en question, y compris quand, dans La Légende de Hua Mulan, son frère condamné à mort tente de prendre sa place. Si Héroïnes semble nuancer cette vision idyllique du souverain en mettant en scène sa violence — il tue un émissaire — et les excès de sa famille, il est présenté dès la première séquence comme un usurpateur. Le souverain légitime ne peut qu’être bon et sage. Le véritable empereur est donc le jeune enfant destitué et, par extension, sa mère, l’impératrice douairière.

L’Art de la guerre : un art noble, au service de la paix

Dans L’Art de la Guerre (孙子兵法, 1078), écrit par Sun Zi (ou Sun Tzu), la guerre est considérée comme un art noble, important et nécessaire pour l’unification et la préservation du pays, mais également pour la paix. Ce court traité sur la stratégie militaire met en avant les qualités nécessaires pour exceller à la guerre. Un commandant ou chef des armées est un homme vertueux et juste qui révèle le courage et l’intelligence, ainsi que la rigueur chez ses adjudants. Cette rigueur est très présente dans le personnage de Shang, chez Disney. C’est pour cette raison qu’il congédie l’héroïne chez elle : elle sème — sans le vouloir — la zizanie dans le camp et les entraînements. De plus, trop faible, elle n’arrive pas à suivre le rythme imposé. C’est seulement quand elle a elle-même expérimenté cette rigueur nécessaire — en plus de faire preuve d’intelligence — avec l’épreuve du mât, que Mulan devient un soldat méritant. Dans l’Article 1 de l’Art de la Guerre, il est dit : « Admirateurs de vos vertus et de vos capacités, les officiers généraux placés sous votre autorité vous serviront autant par plaisir que par devoir. Ils entreront dans toutes vos vues, et leur exemple entraînera infailliblement celui des subalternes, et les simples soldats concourront eux-mêmes de toutes leurs forces à vous assurer les plus glorieux succès. » L’ouvrage insiste ainsi sur l’importance du chef et des bonnes directives qu’il doit donner. Dans la version de 2009, les soldats étant livrés à eux-mêmes sans un leader fort, Mulan doit apprendre à devenir droite et juste pour que son bataillon devienne le meilleur de l’armée chinoise. Dans la version de 1939, alors que des hommes l’attaquent, car elle a la peau douce et blanche — caractéristique des femmes —, plutôt que de sortir son épée, elle préfère leur faire une prise de kung-fu et utiliser de petits projectiles qui les mettent à terre. Elle refuse d’utiliser une arme létale contre des soldats de son propre pays. Pour gagner la guerre, ce n’est pas la force, mais la ruse qui est importante – encore une fois, l’importance du bouddhisme se fait ressentir. Mulan est un stratège, qui n’utilise pas la violence, mais son agilité et son intelligence. En 1939, déguisée en femme, elle séduit les soldats ennemis pour mieux les attaquer et pour infiltrer leur camp. Chez Disney, elle vise la montagne enneigée plutôt que tuer le chef des Huns. Cette manœuvre astucieuse permet d’éliminer une grande partie de l’armée au lieu d’un seul homme. Dans la Légende de Hua Mulan, la stratégie est au cœur de plusieurs séquences. Les deux amants (Mulan et Duo Lun, qui appartiennent aux camps opposés) se connaissent bien et devinent les réactions de l’autre. Une véritable partie d’échecs se jouent entre eux. Ainsi, pour pénétrer dans la forteresse que les Rourans occupent, tel un cheval de Troie, Mulan utilise les souvenirs heureux du couple — la faiblesse de Duo Lun, pour qui il est difficile de mettre les émotions de côté. Elle envoie aux portes de la ville un bataillon déguisé en vendeurs de tissus. Ces tissus proviennent du village natal de la jeune femme, où les deux amants sont tombés amoureux. Ému, l’homme laisse entrer les faux marchands.

Si la guerre est un art noble, elle doit être au service de la paix. Contrairement aux ennemis qui cherchent à l’envahir, la Chine envoie son armée pour se défendre. À aucun moment, ce n’est la Chine qui prend la décision d’attaquer. Au début de Mulan rejoint l’armée, les hommes sont paniqués à l’idée d’aller combattre, mais ils le font pour défendre leur pays. Dans La légende de Hua Mulan, alors qu’on lui demande si elle n’a pas peur de la guerre, Mulan répond : « Avant le lé de mariage, j’avais peur de la guerre aussi. Mais après avoir réalisé la pièce, je me suis rendue compte que, que ce soit la tapisserie ou la guerre, tant que c’est pour la paix, je n’ai plus peur. » La guerre est montrée comme un mal nécessaire. À l’exception de Mulan : la guerrière légendaire, qui s’apparente à un film de guerre et de La légende de Hua Mulan, les scènes de combat sont peu nombreuses. L’entraînement est valorisé pour montrer la force des hommes ou encore les scènes de stratégies, mais les batailles ne sont pas mises en valeur. Dans certaines versions, la guerre n’est même pas montrée, comme dans Hua Mu Lan (1998). Certains films, au contraire, évoquent l’horreur de la guerre. Si au début de Mulan (1998, Disney), l’entraînement est vu comme un jeu amusant, c’est pour contraster avec ce qui suit : un village entièrement détruit par les Huns. Bien que nous ne voyons pas de cadavres, les ruines sont en feu et l’ensemble est désolé et sinistre. Mulan trouve sur le sol une petite poupée. La métaphore de la petite fille morte est très forte. Les soldats deviennent tristes et déprimés. Une partie de l’armée chinoise a été massacrée, en plus d’innocents. Héroïnes (2013) et Hua Mu Lan (1999) montrent également un champ de bataille dévasté, où Mulan se tient, hagarde, au milieu de cadavres.

Copie de Photogrammes x9(1)La destruction causée par l’ennemi (Mulan de Disney, Héroïnes et Hua Mu Lan (1999))

À l’encontre de ce que nous apprend L’Art de la guerre — « Conserver les possessions et tous les droits du prince que vous servez, voilà quel doit être le premier de vos soins ; les agrandir en empiétant sur les ennemis, c’est ce que vous ne devez faire que lorsque vous y serez forcé. » (Article 3) —, l’ennemi est montré — quand il est présent — comme belliqueux et avide, guerroyant pour gagner de nouvelles terres. Dans Lady General Hua Mu-Lan (1964), sont évoqués les pillages orchestrés par les barbares, qui entraînent souffrances et exodes. Pour accentuer l’horreur, le film montre ces exactions. Mais c’est Disney qui, le premier, met en scène et personnifie l’ennemi. Le long-métrage s’ouvre sur les Huns franchissant la muraille de Chine. Bestialisés, ils sont cruels. Chan Yu ressemble à un ours avec ses cris rauques, ses peaux de bêtes et son physique (trop) musclé, tandis qu’un sous-officier ressemble à un aigle avec son nez crochu. Ils arrivent en Chine pour montrer leur puissance et semer la terreur et la destruction autour d’eux.

Évolution : des œuvres de plus en plus pacifistes

À partir de 2004, les œuvres sont de plus en plus pacifistes. La représentation de l’ennemi évolue pour le complexifier et l’humaniser. Si dans Mulan : une légende guerrière (2009), le prince est violent et assoiffé de sang et de gloire, son père — le roi — et sa sœur sont pour la paix et pour trouver une entente avec la Chine. Un trio similaire est proposé par La Légende de Hua Mulan avec le prince ambitieux, le pacifique héritier Duo Lun et le père un peu perdu entre eux. Nous avons par ailleurs déjà évoqué l’évolution des personnages féminins dans les dernières adaptations, dans lesquelles la princesse ennemie se révèle généralement un allié de confiance. Dans La Légende de Hua Mulan (2013), le père parle des Rourans comme leurs semblables: “S’il n’y avait pas eu cette guerre nous aurions pu être amis. Pendant que nous les regardions, ils nous regardaient et j’ai le sentiment qu’ils pensaient à la même chose que moi.” Dans Héroïnes, l’échange entre fantassins ennemis est montré à travers la rencontre avec un enfant du camp adverse. Alors que ses camarades veulent le tuer, Ruo Lan le protège. Sa pitié est reçue avec gratitude : le père épargne les soldats et offre même un peu de nourriture, illustrant ainsi les paroles du père de Mulan dans La Légende de Hua Mulan : “si tu traites une personne en ennemi alors c’est un ennemi”. Les ennemis n’étant plus seulement  vus comme des barbares assoiffés de violence, mais des humains avec qui des alliances sont possibles, d’autres moyens que la guerre sont proposés pour instaurer une paix durable. Dans La Mission de l’Empereur (2004), l’Empereur offre ses trois filles en mariages à des princes de contrées voisines pour instaurer une bonne entente et éviter la guerre. Dans Mulan : une légende guerrière (2009) et Héroïnes (2013), le mariage arrangé après la guerre et est un moyen de finir avec l’horreur et la souffrance — qui peut aussi être un mariage d’amour dans La légende de Hua Mulan (2013). Dès lors, l’ennemi n’est plus celui qu’on pense. Dans la série taïwanaise Hua Mulan (1999), un proche de l’Empereur conspire et manipule le souverain. En 2013 (La Légende de Hua Mulan), quelqu’un manœuvre le souverain (Khan et empereur) pour entraîner la guerre. Ces conspirateurs n’appartiennent à aucune nation et ne servent que leur propre cupidité.

L’évolution est nette, les dernières adaptations prennent de la distance avec la philosophie de Sun Tzu. La guerre n’est pas un mal nécessaire. Le pacifisme d’Héroïnes et de La Légende de Hua Mulan, tous deux diffusés en 2013, se fait plus véhément, voire critique. Si le premier reprend l’ouverture du film d’animation de Disney, avec des ennemis fantomatiques et bestiaux — leur arrivée s’accompagne de chants lupins, ils louchent et ont l’air patibulaires —, ceux-ci sont vus à travers le regard du père, alors soldat au front, c’est-à-dire du point de vue de la génération précédente. Ruo Lan, quant à elle, découvre des exactions violentes en tout point semblables des deux côtés. Les ennemis abattent le messager sui — le peuple auquel appartient Ruo Lan —, mais l’empereur avait auparavant tué un de leurs émissaires. Tout comme leurs ennemis, les officiers de l’armée sui utilisent la torture et abattent des soldats de leur propre camp. Le geste de la guerrière, qui, sur le champ de bataille, après un flash-back rappelant les morts dont elle fut témoin, renonce à tuer son adversaire et jette son épée dans le sable est symboliquement fort. La Légende de Hua Mulan débute également avec un montage parallèle évocateur : lorsque la guerre est déclarée, l’appel de chaque nom de conscrit est suivi du plan d’un soldat transpercé par une flèche. Le rejet de la guerre est ensuite exprimé à plusieurs reprises par Duo Lun et par le père, qui voient en elle un cercle vicieux.

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À droite, Héroïnes (2013) reprend la première scène de Mulan (Disney, (1998))

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Héroïnes (2013) : les exactions commises sont les mêmes dans les deux camps.
À gauche : les ennemis — À droite : les Sui
De haut en bas : messager tué par le camp ennemi, torture, l’Armée tue un de ses propres soldats

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La Légende de Hua Mulan (2013) : montage parallèle entre l’appel des conscrits et les morts au champ de bataille

Une évolution qui épouse celle des relations entre la Chine, Taïwan et Hong Kong

Cette évolution intervient alors que les relations se détendent entre la Chine, Taïwan et Hong Kong. Lorsque sortent les premières adaptations, la Chine est en plein conflit. En effet, en 1939, la Chine, qui comprend alors Taïwan, est en guerre avec le Japon. L’île est d’ailleurs occupée par l’ennemi, qui souhaite la « japoniser ». Avec la fin de la Seconde Guerre mondiale, le pays du soleil levant capitule. En 1949, les communistes proclament la République Populaire de Chine et Mao Zedong devient président. Les nationalistes fuient à Taïwan, qui fait sécession et devient la République de Chine. Dès lors, les relations entre les deux états deviennent tendues, chacun s’identifiant comme le régime légitime. En 1964, lorsque sort Lady General Hua Mulan, la République Populaire a annexé plusieurs îlots taïwanais et le conflit n’est toujours pas résolu. Trente-quatre ans s’écoulent avant l’adaptation suivante, et même quarante-cinq avant une production de Chine continentale. Entre temps, Hong Kong a été rétrocédé par la Grande-Bretagne à la Chine, sous le principe « un pays, deux systèmes », qui stipule que le territoire bénéficie d’un degré élevé d’autonomie et de son propre système judiciaire, législatif et exécutif. Du côté de Taïwan, après une alternance de concessions et de crispations, les relations semblent se détendre avec la Chine Continentale avec l’élection du président Ma Ying-jeou en 2008. Celui-ci s’était présenté comme le candidat de l’ouverture et des échanges avec la République Populaire, promettant paix et prospérité. Les adaptations les plus pacifistes, qui sortent après que Ma Ying-jeou a été réélu président, accompagnent cette évolution et affirme la volonté d’échanges pacifiques entre les deux états.

La Chine civilisatrice : des représentations qui restent colonialistes

Dès lors, la puissance de la Chine pour laquelle se bat Mulan se joue ailleurs. Si la représentation de l’ennemi devient plus nuancée et les relations que Mulan entretient avec ses ennemis plus amicale, ceux-ci restent des « barbares ». Il faut comprendre ce terme dans son acceptation colonialiste : à l’instar des grandes puissances européennes qui ont ainsi qualifié les peuples colonisés pour justifier leurs politiques « civilisatrices », la Chine se distingue des peuples nomades par le raffinement de sa civilisation. S’ils ne sont pas toujours mauvais — dans La Légende de Hua Mulan, Fu Ling, mariée de force au chef rouran, finit par apprécier son époux —, les Khans ne maîtrisent pas la bienséance, qui veut qu’ils se montrent mesurés : ils sont bruyants — ils rient à gorge déployée —, aiment l’alcool et les femmes. C’est d’ailleurs ce qui perd le chef des Xia dans Oh my General, qui est successivement séduit par ses deux belles-filles.

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Le Khan dans La Légende de Hua Mulan (2013), Héroïnes (2013) et Oh my General (2017)

Dans les versions plus récentes, la chasse, présente en 1939 et en 1964, n’est plus associée au personnage féminin, car elle caractérise les nomades et les distingue du peuple chinois. Dans La Légende de Hua Mulan, une scène de chasse distingue les deux princes rourans : Wu Ti, non influencé par les Wei, s’adonne à l’exercice avec joie, tandis que Duo Lun, qui a vécu parmi le village de tisserands, hésite au moment de tuer le gibier. Si cette scène est utilisée plus tard pour souligner sa bienveillance et son indécision, elle montre également qu’il a compris que la civilisation se jouait ailleurs, que les Rourans devaient adopter les arts wei. Art et artisanat traditionnels sont ainsi mis en valeur dans toutes les adaptations, plus ou moins subtilement : elles se concentrent davantage sur le tissage, qui devient symbole de la civilisation et du travail des femmes, que sur la chasse. Ainsi, Mulan apparaît devant un métier à tisser dans six adaptations sur les dix, et dans quatre adaptations chinoises sur les cinq, et elle est une tisseuse et brodeuse experte dans La Légende de Hua Mulan. La guerrière porte ainsi en elle la culture traditionnelle chinoise. Nous trouvons également mention des écrits philosophiques dans La Légende de Hua Mulan et dans Héroïnes, dans lesquels la jeune femme est accompagnée d’un étudiant — adepte de stratégie dans le premier, confucéen dans le second. Chez Disney, les images d’Épinal s’appuient sur les arts traditionnels chinois. Aphorisme, calligraphie, peinture, l’ouverture du film d’animation prend bien soin de les mettre en valeur. Cette image de la Chine civilisatrice est exaltée par Duo Lun dans La Légende de Hua Mulan, qui est une production de Chine continentale. Il explique ainsi que le pouvoir des Wei repose sur sa « Civilisation », c’est-à-dire sur la sédentarité et l’artisanat qu’elle rend possible, et que c’est ce dont manque le peuple Rouran pour devenir « réellement fort ». C’est d’ailleurs lui qui incite son père à créer une école de broderie, afin que les Rourans évoluent vers la sédentarité.

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De 1939 à 2013 : un personnage associé aux arts textiles traditionnels chinois

Mulan : un soldat du « Soft Power » chinois ?

Cette importance de la culture chinoise, particulièrement exaltée en 2013, fait écho à la stratégie adoptée par le régime de Pékin dans les années 2000. En effet, en 2007, le soft power est officiellement adopté par le gouvernement. Défini par le géopolitologue américain Joseph Nye, il se distingue du hard power, où la puissance repose sur la rivalité et la négociation, englobant guerre, diplomatie et commerce, et désigne plutôt « l’habileté à séduire et à attirer » (7). Les relations nouvelles entre Rourans et Weis épousent la volonté de la Chine de, ainsi que le formule Duo Lun, « conquérir les coeurs [des ennemis] ». Les adaptations récentes s’inscrivent dans ce cadre. Pour améliorer son image et « convaincre le monde [de ses] intentions pacifiques”» (8), le gouvernement a, entre autres, grandement investi dans les médias : la chaîne publique de télévision CCTV, qui a justement produit La Légende de Hua Mulan, a ainsi bénéficié de plusieurs milliers de dollars (9). Mulan, dont l’histoire a été réadaptée dans ce contexte, est un instrument d’influence culturelle non négligeable : ainsi que le montre la sortie en salle du film de Niki Caro cette année, la guerrière chinoise a déjà conquis les cœurs occidentaux. Toutefois, le peu de visibilité des autres adaptations, malgré le succès du personnage chez nous, montre également la difficulté de la Chine à conquérir les marchés occidentaux.

Mulan, féministe ou juste ancrée dans les valeurs chinoises ? Forte, intelligente, courageuse, elle offre une vision de la femme qui s’émancipe des carcans de son temps en transgressant les règles : en portant des vêtements d’homme, elle prend une place qui n’est pas la sienne et surtout elle l’assume avec fierté. De plus, elle invite à une réflexion sur le brouillage des genres et à une remise en question de ce qui paraît évident : qu’est-ce que le féminin ? Qu’est-ce que le masculin ? Pourtant, le retour à la maison renvoie au retour au patriarcat, et la défense de son pays et de sa famille est la raison de son insubordination — qui n’en est pas toujours une. Mulan participe à défendre une certaine idée de la Chine et de la société chinoise. En libérant son pays, elle ne libère ni son sort ni celui des femmes, elle accepte la piété familiale et le mariage. Toutefois, si Mulan n’est pas aussi subversive que nous le pensions, elle reste une figure importante de l’empowerment et de l’émancipation, pas seulement des femmes, mais des peuples. À la suite des déclarations de l’actrice Liu Yifei — qui incarne Mulan dans le film de Niki Caro — sur Weibo (pour rappel : « Je soutiens la police de Hong Kong. »), de nombreux internautes hongkongais ont appelé au boycott du long-métrage. Les tweets mettent en avant la figure de l’activiste Agnes Chow qui a été arrêtée plusieurs fois pendant les manifestations à Hong Kong. Sur certains messages, nous pouvons ainsi lire : « #AgnesChow is the real Mulan cos she is loyal, brave & true. She brings honor to us all #FreeAgnesChow ». D’autres posent la question ainsi : « Which is the real #mulan? A freedom fighter Agnes Chow or a authoritarian regime supporter #liuyifei ? » Ce qui est intéressant dans ce cas, rapporté au public francophone entre autres par Les Inrocks, est que la figure de Mulan peut avoir des lectures différentes en fonction d’où l’on vient et de l’idée que l’on défend. Dans le mythe d’origine, il est difficile de dire que l’héroïne a combattu pour la liberté, quand on sait qu’elle défendait une Chine patriarcale. Elle défendait bien le régime en place — comme peut le faire l’actrice Liu Yifei dans son message de soutien à la police hongkongaise et donc au régime chinois. Face à elle, la révolutionnaire Agnes Chow se bat pour que Hong Kong reste indépendante contre l’envahisseur chinois, comme Mulan. Tout est une question de point de vue et c’est ce qui fait la force de la légende de Mulan. Pour les enfants françaises que nous étions quand nous avons découvert la légende à travers la vision de Disney, sa désobéissance était la plus grande preuve de son émancipation et toutes les questions — en chanson — de trouver sa place renvoyaient à nos propres interrogations. C’est la version modifiée de la ballade offerte par Hollywood — alors accusée de ne pas avoir d’héroïnes assez féministes. C’est peut-être là l’essence du féminisme de Mulan : qu’elle s’émancipe ou qu’elle accomplisse des exploits honorables, qu’elle soit libre ou héroïque, elle offre aux spectatrices et aux spectateurs un modèle féminin positif et valorisé. Cela est d’autant plus vrai que les œuvres les plus récentes complètent le casting d’autres personnages féminins, parfois fort différents mais positifs. Mulan n’est plus une exception qu’on admire mais qu’on ne peut égaler mais un rôle modèle. Si Mulan mourrait demain, il y aurait d’autres femmes et hommes pour prendre sa place.

Johanna Benoist et Marine Moutot

1 – L’héroïne a beau ne pas être nommée Mulan, son statut de général, obtenu alors qu’on la prenait pour un homme, ainsi que le choix de l’actrice, qui ressemble à celle qui jouait Mulan dans la série de 1999, suggère clairement qu’il s’agit du même personnage

2 – https://www.bbcamerica.com/anglophenia/2018/10/bbc-america-and-womens-media-center-release-new-study-on-the-impact-of-representation-in-sci-fi-and-superhero-genre-on-girls

3 – « Confucius (551-479 av. J.C.) : l’instituteur de l’empire du milieu », Une vie, une oeuvre, 1994 – https://youtu.be/9aqnruZz5gM

4 – Nous reprenons ici une analyse de Julie G. : « Mulan (1998) : féminisme et patriarcat chez Disney », Le Cinéma est politique, 2012 – http://www.lecinemaestpolitique.fr/mulan-1998-feminisme-et-patriarcat-chez-disney/

5 – STASZAK, J.-F., « Qu’est-ce que l’exotisme ? », in Le Globe, no148, p.8, cité dans https://fr.wikipedia.org/wiki/Exotisme

6 – « Mulan : chinois mais pas trop », Trois couleurs, juillet 2020

7 – Nye, 1990 cité dans http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/la-chine/articles-scientifiques/forces-et-faiblesses-du-soft-power-chinois

8 – Barr, 2010, p.514 cité dans http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/la-chine/articles-scientifiques/forces-et-faiblesses-du-soft-power-chinois

9 – « Si aucun chiffre officiel n’a été communiqué par les autorités de Pékin, en 2010 la télévision CCTV, l’agence de presse Xinhua et le People’s Daily auraient à leur tour perçu plus de trois milliards de dollars pour accroître l’influence de la Chine dans le monde, ainsi que pour améliorer l’image de la Chine auprès des opinions publiques internationales », Jiao, 2010, cité dans http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/la-chine/articles-scientifiques/forces-et-faiblesses-du-soft-power-chinois


Mulan rejoint l’armée (木兰从军)
Réalisé par Bu Wancang
Avec Chen Yunshang, Mei Xi, Liu Jiqun
Guerre, Chine, 1h29, 1939
Disponible en streaming sur Virtual Shanghaï

Lady General Hua Mulan (花木蘭)
Réalisé par Yueh Feng
Avec Ivy Ling Po, Chin Han, Ching Miao
Comédie musicale, Hong Kong, 1h40, 1964

Hua Mulan / A Tough Side of a Lady (花木蘭)
Avec Mariane Chan, Wong Hei, Law Kar-ying
Comédie, Hong Kong, 1998, 20×45
Diffusée (en ligne) par TVB

Mulan
Réalisé par Tony Bancroft et Barry Cook
Animation, États-Unis, 1h28, 1998
The Walt Disney Company
En VOD sur Canal VOD et Orange

Hua Mu Lan (花木蘭)
Avec Anita Yuen, Vincent Zhao, Sun Xing
Comédie, Taïwan, 1999, 44×50
Diffusé (en ligne) par Caravan中文剧场

Mulan 2 : la mission de l’empereur (Mulan II)
Réalisé par Darrell Rooney et Lynne Southerland
Animation, États-Unis, 1h19, 2004
The Walt Disney Company
En VOD sur Orange

Mulan : la guerrière légendaire (花木兰)
Réalisé par Jingle Ma et Wei Dong
Avec Wei Zhao, Jaycee Chan, Jiao Xu
Guerre, Chine, Hong Kong, Etats-Unis, 1h50, 2009
Seven7
Disponible en VOD sur Canal VOD et Orange

Héroïnes / Mulan (巾帼大将军)
Avec Justin Yuan, Elanne Kong, Liu Zi Yan
Guerre, Chine, 2013, 40×45
Diffusée (en ligne) par Tencent

La Légende de Hua Mulan (花木兰传奇)
Avec Hou Meng Yao, He Jian Ze, Dylan Kuo
Guerre, Romance, Chine, 2013, 48×48
Diffusé (en ligne) par CCTV

Oh my General (将军在上)
Avec Sandra Ma, Peter Sheng, Ding Chuan
Comédie Romantique, Chine, 2017, 60×45
Viki

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

6 commentaires sur « Mulan est-elle vraiment féministe ? »

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