Une femme s’évanouit de manière théâtrale, un objet roule doucement au sol en gros plan, des inconnus fomentent un plan machiavélique juste à côté des concernés… Le cinéma est rempli de motifs, parfois récurrents, qui intriguent et s’impriment dans nos esprits. Le deuxième mardi de chaque mois, nous vous proposons le défi “Un bon film avec…” : chaque rédactrice dénichera un film en lien avec un thème (plus ou moins) absurde mais qui vient naturellement à l’esprit. Pourquoi ces images s’imposent-elles ? Quel sens recouvrent-t-elles dans notre imaginaire ? Et dans l’œuvre ? Les retrouve-t-on dans un genre précis ? Comment deviennent-elles des clichés ?
/! Cet article peut contenir des spoilers. /!
Temps de lecture : 7 minutes
À l’origine, le terme “ladies” veut dire “maîtresse de maison” et “femme du seigneur”. Une lady est quelqu’un qui pourvoit au bon fonctionnement de la maison et à ce qu’il y ait toujours assez de nourriture sur la table. Aujourd’hui, le sens a évolué et peut faire référence à une dame bourgeoise ou, plus généralement, à une femme.
“Ladies” (“mesdames”) renvoie également au mot “girls” (“les filles”) qui, lui, est plus infantilisant qu’il s’agisse réellement de jeunes filles ou d’une personne considérée comme peu mature. Ces termes se retrouvent régulièrement dans les dialogues, aussi bien en anglais qu’en français. Pour quelle(s) raison(s) ces mots sont-ils utilisés à l’adresse de personnages ?
L’adresse “ladies” sert souvent à désigner un groupe, qu’il s’agisse de jeunes femmes, de dames de grande classe, de prostituées ou même d’hommes. Flatteur, le mot se veut galant ou poli, qu’il s’agisse de femmes dites respectables ou l’inverse. Dans Captain America : First Avenger (Joe Johnston, 2011), James Barnes (Sebastian Stan), l’ami et coéquipier du Captain (Chris Evans), invite des jeunes femmes à le suivre en les appelant “girls”. Ici, le terme se veut séducteur. Dans des films en costumes comme Autant en emporte le vent (Victor Fleming, 1939), le terme “ladies” sert à saluer les femmes rencontrées ou qui font leur entrée dans une pièce.
Dans Pique-nique à Hanging Rock (Picnic at Hanging Rock, Peter Weir, 1975), les filles de l’internat australien sont aussi appelées “girls” par leur supérieures féminines auxquelles elles doivent obéir et “ladies” par M. Hussey qui est au service de l’école. Il marque le respect qu’un homme doit à de (futures) femmes du monde. “Girls” renvoient à leur jeune âge et leur insouciance, sans pour autant les rabaisser. Associé à un déterminant possessif, “girls” devient “my girls” dans la bouche de Miss G (Eva Green) dans Cracks (Jordan Scott, 2009). En parlant ainsi de ses élèves, la professeure se les approprie. Elles sont sous son charme et l’écoutent avec passion. En leur donnant cette appellation affectueuse, elle les flatte tout en soulignant l’emprise qu’elle exerce sur elles. “Girls” est le révélateur d’un mécanisme toxique.
Le terme “ladies” a aussi une dimension sexiste. Il permet de rabaisser la personne ou le groupe désigné, tout particulièrement s’il s’agit d’hommes – et qu’ils roulent des mécaniques. Au début de Captain America : First Avenger, l’Agent Peggy Carter supervise l’entraînement des nouvelles recrues. À peine se présente-t-elle à eux, qu’ils lui manquent de respect alors même qu’elle est leur supérieure. Alors qu’ils font des pompes, elle s’exclame : “Faster ladies, come on” (“plus vite, mesdames, allez”). En rabaissant ainsi ces militaires qui se veulent virils, elle rappelle sa position de cheffe. Il est ainsi intéressant d’entendre ce terme dans la bouche d’un personnage féminin. Plus tard, un autre supérieur leur donne la même injonction.
À travers les trois extraits que nous allons traiter pour ce défi, l’appellation “ladies” va prendre trois chemins différents. Dans Usual Suspects, le terme a pour but de ridiculiser un peu deux opposants tout en les enjoignant à se calmer. Dans Sucker Punch, il est au contraire le révélateur de la libération de l’emprise des hommes et de leurs mondes.
Nous remercions par ailleurs le Monstrothécaire pour avoir relevé le défi de ce mois-ci avec une très intéressante analyse de Certains l’aiment chaud où le terme “ladies” valide le comportement et le travestissement de deux hommes qui tentent d’échapper à la pègre.
N’oubliez pas de voter à la fin de l’article pour le prochain défi ! Et à vos propositions !
Certains l’aiment chaud, Billy Wilder, 1959
Deux amis musiciens, recherchés par la mafia, se travestissent pour se cacher dans un orchestre de jazz féminin lors d’une représentation en Floride. Mais la jolie chanteuse ne les laisse pas indifférents et leur imposture devient vite embarrassante…
Cette comédie romantique a fait grand bruit, en l’an 1959 : six nominations aux Oscars, classée parmi les 25 films les plus importants du cinéma américain, et restée intemporelle encore de nos jours pour sa merveilleuse bande-son. Vous y verrez l’authentique, l’inimitable et ô combien imité « Pooh pooh be doo » de Marilyn Monroe. (La chanson I Wanna be loved by you n’est pourtant pas inédite dans l’univers des musiques de film, elle a déjà été interprétée à plusieurs reprises et notamment dans le formidable Trois petits mots de Richard Thorpe en 1950.)
Sous couvert de rires gras et de situations comico-grotesques, Certains l’aiment chaud aborde avec beaucoup de finesse (pour l’époque du code Hays, où la censure faisait encore frémir les réalisateurs…) la question de l’homosexualité et du travestissement. Nos deux héros/héroïnes (Tony Curtis et Jack Lemmon) vont devoir lutter contre leurs instincts de séducteurs face à la belle Sugar (Marilyn Monroe), que tous les hommes rêvent de croquer. Ils vont devoir également vivre dans la peau d’une femme, avec les inconvénients que cela comporte malheureusement : mains aux fesses, drague insistante, et une constante intrusion du sexe masculin dans leur vie.
Heureusement, Sugar et les filles de l’orchestre sont là pour les aider, sans discernement pour la supercherie. Discutant gaines, alcools forts et hommes, nos protagonistes vont perdre peu à peu le sens de la réalité face à l’intérêt que leur portent les deux sexes. Quiproquos et demandes en mariage sont à la clef.
Diffuser ce genre de film dans le contexte historique de l’année 1959 était un acte aussi militant que novateur. Il est sorti en salle sans avoir reçu l’approbation du Motion Picture Production Code, alors que la Ligue pour la Vertu s’amusait toujours à boycotter les productions jugées « immorales ». L’Amérique venait quant à elle tout juste d’admettre que l’homosexualité n’était pas la conséquence d’une maladie (The Adjustment of the Male Overt Homosexual, étude de Evelyn Hooker, 1957) même si, ce n’est qu’en 1973 où l’homosexualité a été définitivement retirée de la liste des troubles mentaux…
Les acteurs ont dû faire preuve de courage pour aller au-delà des règles imposées par l’époque. À titre d’exemple, Franck Sinatra, pourtant pressenti pour un des rôles principaux, a préféré décliner l’offre qui lui était faite, craignant manifestement les répercussions pour son image s’il s’affichait « déguisé » en femme. Pourtant, ici, le travestissement n’a rien de comique ou de dégradant. Ce sont les situations cocasses qui prêteront à l’humour.
Bien que remake de films plus anciens (Fanfare d’amour, film français de 1935 et Fanfaren der Liebe film allemand de 1951), Certains l’aiment chaud pose par son casting extrêmement populaire les jalons d’un genre nouveau, plus ouvert aux différentes communautés sexuelles que ne l’a jamais été le monde d’Hollywood. Ce film sera le précurseur de Tootsie de Sydney Pollack (1982) et bien plus tard, dans un registre plus sérieux et dramatique The Danish girl (2015).
Si certains se sont indignés, d’autres ont élu ce film « le plus drôle jamais réalisé ». L’ironie est partie prenante, les doubles sens sont légion et les dialogues savoureux ont été retravaillés en langue française par Raymond Queneau.
Pour ma part, je salue évidemment la présence à l’écran d’un monstre tourné en parodie, j’ai nommé la mafia italienne dans le vieux Chicago de la prohibition. La mafia, oui : celle avec des sulfateuses qui vibrent lors des descentes opérées dans les tripots, celles avec des cure-dents entre les lèvres et des pièces qu’on lance et qu’on rattrape à la Scarface d’Howard Hawks (1932). L’humour — toujours lui — nous autorise à rire de tout et de dédramatiser les tueries sur pellicule, qui font pourtant échos à des faits divers réels comme le massacre de la Saint-Valentin du 14 février 1929, commandité par Al Capone.
Et donc, dans ce film, quelqu’un dit « ladies ».
Ce terme est prononcé plus d’une fois, du fait de la présence de l’orchestre de filles. « Girls » est plus largement utilisé, dans la mesure où les niveaux de langage choisis permettent quelques familiarités.
En préambule, il est important de rappeler que le terme « lady / ladies » a été sujet à controverse dans les années 1960-1970. Représentatif d’une caste de femmes au foyer, cloisonnées dans leur bienséance et le plus souvent sous la gouverne de leurs époux, le mot « lady » a opéré un grand écart dans l’imaginaire dès lors que la musique pop et le rap s’en sont emparé. « Lady » est devenu soudainement vulgaire, insultant ou discriminant. Mais doucement, ce terme est revenu à la mode alors que « girls » se trouve à son tour peu à peu décrié. (Un article à ce sujet dans The New Republic, Ann Friedman, 27 janvier 2013 « Hey « Ladies » The unlikely revival of a fusty old label » et quelques statistiques en Angleterre sur l’usage du mot « girls »).
La première scène où le mot « ladies » fait sa véritable entrée dans Certains l’aiment chaud est celle de la gare. En français, ce mot est traduit par « femmes du monde ». Nous sommes à 25min59, depuis le début du film.
Nos héros Joe et Gerald avancent péniblement en robes et sur leurs hauts talons, se demandant comment il est possible de supporter une telle torture, quand surgit droit devant eux la magnifique Sugar (avec les cuivres qui accompagnent chacune de ses apparitions à l’écran). Personnification charnelle du désir, elle va montrer à nos deux acolytes comment être sensuel au moindre mouvement, et particulièrement lorsqu’un jet de vapeur taquin va venir soulever les plis de sa jupe. (Ce n’est pas sans remémorer la séquence bouche de métro de Sept ans de réflexion (The Seven Year Itch, Billy Wilder, 1955), Marilyn Monroe excellant dans le rôle de la pin-up maladroite.) Sugar est LA femme, dans toute sa superbe. Prenant exemple sur elle et surtout convaincus d’y voir une future conquête, celles qui seront appelées plus tard Joséphine et Daphné vont rejoindre le groupe de jeunes filles et se fondre parmi elles. Avant d’entrer dans le wagon, Joséphine et Daphné seront cependant interrogées par celle qui incarne l’autorité, directrice de la troupe et par le manager de l’orchestre. D’où venez-vous ? Quel est votre CV ? Où avez-vous déjà joué ? Sauvé(es), nos travestis passent sans encombre l’épreuve du feu. L’une d’entre elles trébuche néanmoins au moment de monter à bord, terminant à quatre pattes. Le manager tapote ses fesses offertes. « De belles petites joues ! » En se relevant, notre héros réplique : « Butor ! », suivi de la cinglante conclusion de l’individu viril : « On nous a envoyé de vraies femmes du monde… » (et en anglais, « Looks like Poliakoff sent a couple of real ladies ») Ça y est, nos demoiselles sont intégrées, accréditées dans leur transformation physique et déjà en proie des hommes… mails elles ne tarderont pas à se rebeller.
Les ladies, dans ce film, sont toutes des alliées. Les ladies sont celles qui se déhanchent, qui séduisent, mais qui la nuit se retrouvent pour vider en cachette des verres, pratique gravement interdite sous peine de renvoi immédiat. Elles s’éloignent évidemment des clichés de la femme noble et bien éduquée. Ces complices voient la bouteille toujours à moitié pleine. Elles luttent ensemble et se protègent mutuellement pour s’en sortir. (Ce n’est pas pour rien qu’elles ne veulent aucun homme, dans leur orchestre ! Ils sont source d’insécurité.) Elles entendent pour leur part manipuler les garçons et gagner leur indépendance… Faire un bon mariage est ici synonyme de fortune et donc d’émancipation. Marilyn Monroe, dont la vie personnelle et professionnelle a été très commentée, était parfois qualifiée de « protoféministe ». À l’écran, il en est de même : c’est une femme amoureuse mais insoumise.
Certains l’aiment chaud propose plusieurs lectures, car il cherche à contourner les censeurs tout en portant un message fort et profond. Les femmes sont — le temps de cette projection made in 1959 — l’indispensable solution aux problèmes de nos amis les hommes. C’est le début d’une longue quête égalitaire…
Le Monstrotécaire
Découvrir son site ici
Sources :
1 – Hey « Ladies » – The unlikely revival of a fusty old label d’Ann Friedman, 2013 : https://newrepublic.com/article/112188/how-word-lady-has-evolved#7ca88a439e96
2 – Is it acceptable to refer to women as “girls”? de Matthew Smith, 2019 : https://yougov.co.uk/topics/lifestyle/articles-reports/2019/06/24/it-acceptable-refer-women-girls
Certains l’aiment chaud (Some Like It Hot)
Réalisé par Billy Wilder
Avec Tony Curtis, Jack Lemmon, Marilyn Monroe
Comédie musicale, Romance, États-Unis, 2h01, 1959
Park Circus France
Disponible sur Orange, Canal VOD
Usual Suspect, Bryan Singer, 1995
Responsables de diverses frasques, cinq malfrats se retrouvent au poste de police. Suite à cette arrestation, ils sont engagés par un mystérieux commanditaire, Keyser Söze, pour un nouveau mauvais coup.
Alors qu’ils viennent de se rencontrer, les cinq hommes décident de s’associer pour récupérer des pierres précieuses auprès d’un trafiquant escorté par des policiers new-yorkais corrompus. Après la réussite de ce premier coup commun – et avoir ridiculisé la police américaine -, le groupe se retrouve dans un hangar pour examiner le butin. McManus (Stephen Baldwin) leur parle alors d’un receleur angelin, Redfoot, qui pourrait racheter les émeraudes. Lorsque McManus propose de se rendre en Californie avec Fenster, une dispute éclate avec Todd Hockney (Kevin Pollak) qui refuse d’être laissé sur le carreau, sous le regard désabusé de Dean Keaton (Gabriel Byrne).
Canettes de bière, mélodie douce à la guitare et postures détendues. Suite à la victoire magnifique du gang, les héros profitent d’un moment de détente tout en observant le fruit de leurs méfaits à la loupe.
Mais la déclaration de McManus sur son possible départ en duo sème le doute dans les esprits des autres membres. Serait-il un traître ? S’enfuirait-il avec leur fortune ? Isolés dans des plans fixes successifs, les regards convergent vers l’orateur et ils semblent avoir la puce à l’oreille.
Alors qu’aucun d’eux ne réagit, Hockney se fait entendre, s’opposant à sa proposition et traduisant la pensée de tout un chacun. Les deux hommes se rapprochent, se toisant, McManus dominant Hockney d’une tête : “C’est quoi ton problème, mon gars ?” (“What’s your fucking problem, man ?”). “Tu veux te battre ?” (“Wanna dance ?”), chuchote Hockney sur un ton de défi, le visage à deux centimètres de celui de son adverse. Ce moment de lutte virile est souligné par la tension, la proximité des corps et surtout l’emploi du terme “dance” dans la version originale qui renvoie à une invitation d’un cavalier à sa cavalière, pour rasseoir, ici, une position de supériorité d’un adversaire sur l’autre.
“Ladies” s’exclame Roger “Verbal” Klint (Kevin Spacey), brisant la tension de l’instant. Tout en liant, de manière assez sexiste, la querelle entre les deux hommes à une dispute un peu ridicules entre deux femmes, il coupe court au conflit par son intervention. Même s’il semble anodin à la première écoute, ce seul mot a une portée hautement symbolique, d’autant plus mis en parallèle du “man” employé au début de la dispute par McManus. Ils sont passés du statut de mâles belliqueux à simples fillettes en pleine chamaillerie. Évidemment, ce genre de discours convient parfaitement à des gangsters et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’emploi du terme “ladies” dans ces modalités revient aussi régulièrement dans des westerns, des policiers et des films de guerre.
La tension, sublimée par une lumière soudaine, persiste encore quelques secondes entre les deux hommes immobiles avant de disparaître. Le moment passé, la camaraderie revient : McManus se détourne de Hockney et propose un toast dans un ricanement – “à M. Verbal, l’homme qui avait un plan”.
Manon Koken
Usual Suspects
Réalisé par Bryan Singer
Avec Chazz Palminteri, Kevin Spacey, Gabriel Byrne
Thriller, Policier, États-Unis, 1h46, 1995
Disponible sur Orange, Canal VOD
Sucker Punch, Zack Snyder, 2008
Orpheline, Babydoll se retrouve dans un hôpital psychiatrique pour jeunes femmes. Mais ce n’est qu’une façade pour les exploiter en tant que danseuses de charme et prostituées. Babydoll, avec l’aide de quatre autres filles, tente de s’évader de l’établissement.
Seul film original de Zack Snyder (300, Watchmen ou encore Justice League), Sucker Punch est la parfaite vision de ce que Laura Mulvey appelle le male gaze. En posant son regard sur de jeunes femmes — Babydoll est censée avoir 20 ans pendant les faits — qu’il dénude et arme de gros calibre, le cinéaste renvoie à un fantasme de la poupée ultra sexualisée. Mais plutôt que de faire son procès — d’autres l’ont déjà fait —, je vais étudier l’utilisation du mot ladies qui entre en collision avec le mot girls durant tout le film.
Le concept du film est d’entrer dans la tête de Babydoll quand elle se met à danser : elle plonge dans un univers imaginaire — très proche du jeu vidéo — où, avec ses nouvelles amies, elles réussissent des challenges hauts en couleur : combattre dans une tranchée contre des nazis pour récupérer une carte, infiltrer un château assiégé et gardé par un dragon pour aller chercher du feu ou encore désamorcer une bombe dans un train grande vitesse. Dans ces scènes, les jeunes femmes prennent le pouvoir et se réapproprient l’action. Dans l’institut, elles sont en permanence infantilisées par Blue (joué par Oscar Isaac) qui gère d’une main de fer le cabaret. Quand Babydoll arrive à l’hôpital, des femmes sont en train de se battre et Blue crie « Girls » pour les calmer et leur demander de bien se tenir. De plus, leurs noms sont ceux de petites filles et non d’adultes : Babydoll (interprétée par Emily Browning), Sweet Pea (Abbie Cornish), Rocket (Jena Malone) ou encore Blondie (Vanessa Hudgens). Les costumes, l’environnement et les attitudes envers les protagonistes tendent à les rabaisser en permanence. Seule le docteure Vera Gorski les incite à se dépasser et à laisser leurs peurs de côté. C’est ce que fait Babydoll en plongeant dans un monde noir, violent, mais où elle a le contrôle et une mission. Après une première danse — et donc une plongée dans son subconscient — Babydoll met au point un plan pour s’échapper à l’aide du Sage (Scott Glenn). Aidée par Sweet Pea, Rocket, Blondie et Amber (Jamie Chung), elle se lance dans une quête : récupérer 3 objets — une carte, un briquet et une clé. Ces trois objets représentent trois missions, donc trois danses. Alors que Babydoll commence à se déhancher en porte-jarretelle et bustier, la voici armée et en tenue d’écolière pour affronter ses ennemis et récupérer les objets-talisman nécessaires pour son évasion.
Pour sa première mission avec les autres jeunes femmes, le Sage — qui leur énonce une maxime avant que ne commence réellement le « jeu » — les appelle pour la première fois « Ladies ». Alors qu’elles vont sortir de la tranchée pour rejoindre le champ de bataille et affronter des nazis zombies fous furieux, le Sage les arrête et leur dit : « Remember Ladies if you don’t stand for something you’ll fall for anything » (« rappelez-vous, mesdames — le mot est difficilement traductible en français — si vous ne vous battez pas pour quelques choses, vous tomberez pour n’importe quoi »). Si le mot ne semble pas avoir une grande importance, il revient une seconde fois au début de leur seconde mission. Alors qu’elles vont sauter d’un avion, Amber les encourage et leur annonce le moment propice pour débarquer de l’appareil avec « Here we go Ladies ».
À la fin de cette seconde danse, Babydoll et les autres sont excitées par leur réussite. Mais Blue, dont l’œil traîne et voit tout, a noté les différentes absences (carte et briquet) et vient alors les réprimander sévèrement. Il débarque ainsi dans le vestiaire en criant Girls plusieurs fois et en les menaçant. Suite à cette intervention, le plan semble tomber à l’eau. La décision de poursuivre est accentuée par l’utilisation à deux reprises dans cette troisième et dernière mission du mot Ladies. Au début par le Sage : « Ladies, this is what’s on our dance card for tonight. » Puis par Amber au moment d’arriver vers le train : « Weapons hot ladies ».
Si le film n’arrive pas à s’émanciper du regard masculin — qu’il dénonce à peine —, il parvient à montrer l’émancipation de quatre jeunes femmes du carcan que la société voudrait leur imposer : celui de petites filles au service d’hommes qui n’attendent que de profiter d’elles. Le mot Girls vient les remettre dans une position d’enfant où elles n’ont pas leur mot à dire. Ladies, au contraire, est utilisé dans l’imagination de Babydoll et vient du Sage qui la guide et qui l’aide. Ce mot possède donc une portée symbolique et singulière de la femme, adulte et responsable qu’elle voudrait et devrait être. L’emploi de « Ladies » est un beau contre-pied à l’utilisation plus négative de « maîtresse de maison » par celle de maîtresse de son destin.
Marine Moutot
Sucker Punch
Réalisé par Zack Snyder
Avec Emily Browning, Abbie Cornish, Jena Malone
Action, Fantastique, États-Unis, 1h50, 2008
Warner Bros. France
Disponible sur Netflix, FilmoTV, Orange, MyCanal, MyTF1 VOD
Retrouvez de nouvelles pépites le mardi 13 octobre 2020. Nous proposerons plusieurs bons films dans lesquels un train coupe ou arrête une course poursuite.
Vous aussi, mettez-nous au défi de dénicher des films en rapport avec votre thème, en votant pour le Défi #18 avant le 12 octobre 2020. Vous pouvez également proposer de nouveaux thèmes en commentaire ou sur les réseaux sociaux.
Je découvre le format (merci La Monstrothèque qui m’a ramené ici) et ma foi je ne suis pas déçu ! Voilà une façon originale et intéressante d’aborder les films 😀
Un bon film avec un train qui arrête une course poursuite pour la prochaine fois ? Je me demande si ça marche si c’est le train qui est arrêté par la course poursuite, comme dans l’inénarrable dernier acte du non moins inénarrable Intolérance de Griffith !
J’aimeAimé par 1 personne
Merci beaucoup pour votre commentaire qui nous touche beaucoup! 😃
Cela pourrait être intéressant à étudier! Si cela vous intéresse de participer c’est avec plaisir 😉
J’aimeAimé par 1 personne