[CRITIQUE] Antigone

Temps de lecture :  2 minutes

Antigone est une jeune fille qui vit au Canada depuis une dizaine d’année. Alors qu’elle avait trois ans, elle, ses frères et sa sœur ainsi que sa grand-mère ont fui la Kabylie. Si ses frères ont mal tourné, elle est une élève studieuse promise à un grand avenir.

Antigone est le symbole de la droiture. Possédant une volonté de fer, que ce soit dans le mythe d’origine de Sophocle ou dans la vision contemporaine que propose la cinéaste canadienne Sophie Deraspe, ce personnage ne dévie jamais de ce qu’elle croit juste. Ici, Antigone ne doit plus enterrer son frère Polynice ou être emmurée vivante, mais doit choisir entre sa patrie d’adoption (le Canada) et sa famille. Dilemme draconien pour une jeune femme brillante dont l’intelligence et la douceur sont ses forces. Tout au long du récit, elle tente de répondre à comment vivre quand on ne suit pas ses principes les plus fondamentaux. Elle est prête à braver les interdits et à sacrifier sa réussite pour son frère — quand bien même il fait partie d’un gang local violent et destructeur. Elle est la voix de la sagesse qui ne fléchit pas. Dès la première séquence, dans ce repas familial, Antigone est chez elle parmi les siens. Dans la séquence suivante, elle expose de manière simple et directe son départ de Kabylie et la mort de ses parents. Cette entrée en matière dans la tragédie de cette famille est à la fois émouvante et avec une distance suffisante pour ne pas tomber dans le pathos. Au contraire, cela permet aux spectateur.trices de mieux comprendre les choix de l’héroïne. De comprendre que cette famille a traversé tellement d’épreuves et de souffrances, qu’elle doit rester souder. 

Pour son cinquième long-métrage, la réalisatrice décide de transposer la tragédie grecque à notre époque au Canada. Cela permet de traiter des problématiques actuelles comme le racisme, la violence policière ou encore l’immigration et offre un souffle de renouveau à des thématiques vieilles comme l’humanité : la famille, la patrie et l’amour. Les moments empruntés aux réseaux sociaux et à internet — qui s’apparentent au chœur de la tragédie — dénotent et en même temps ancrent profondément le récit dans notre actualité. Ils permettent à la fois de montrer la crédulité de la masse internet — à travers les changements incessants d’opinions et d’avis sur le sujet, sans finalement ne rien y connaître — mais également de faire d’Antigone le visage d’une révolution. Son visage devient une icône qu’on colle sur les murs et la phrase « mon cœur me dit » un hymne pour la libération des groupes ethniques encore trop souvent ostracisés dans nos sociétés occidentales. La jeune actrice qui prête ses traits à cette image est Nahéma Ricci. Impressionnante, elle fait couler des larmes en étant pourtant simple. Ses yeux bleus, qui pourraient être le symbole de la pureté, la montre forte et combative, même dans les moments les plus difficiles. La musique sourde de Jean Massicotte et Jad Orphée Chami renforce également le sentiment d’injustice et de grandeur de cette histoire et de ce personnage qui traversent les siècles. 

Après un passage au Toronto International Film Festival où il remporte le prix du meilleur long-métrage canadien, le film parcourt de nombreux festivals et reçoit beaucoup de récompenses. Antigone est un film fougueux, sincère et puissant sur le sacrifice d’une femme pour les siens.

Marine Moutot

Antigone Réalisé par Sophie Deraspe Avec Nahéma Ricci, Rachida Oussaada, Nour Belkhiria Drame, Canada, 1h49 2 septembre 2020 Les Alchimistes

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

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