[CRITIQUE] Le Diable, tout le temps

Temps de lecture :  2 minutes

Dans le sud rural de l’Amérique, les destins tourmentés de plusieurs personnages s’entrecroisent. Parmi eux : un couple de serial killers, un faux pasteur, un vétéran de la guerre du Pacifique et sa femme malade. Au centre de tout un orphelin, Arvin Russell, tente de faire son chemin, tiraillé entre le bien et le mal.

Le chemin des damnés 

En 2011 sortait Le Diable, tout le temps, premier roman de Donald Ray Pollock, ancien ouvrier et conducteur de poids lourd devenu écrivain à plus de cinquante ans. Dans ce portrait poisseux de l’Amérique où se côtoient les âmes les plus sombres, les lecteurs découvraient une fresque morbide, mais néanmoins fascinante, située au cœur de la Bible Belt des 50’s et des 60’s.

Dans l’Amérique profonde dépeinte par Pollock, à la fois dévorée par les croyances, la violence et le vice, tout n’est qu’un long chemin de croix. L’espoir n’existe pas : les hommes se consument dans le péché tandis que leurs épouses, mères et soeurs se retrouvent souvent les malheureuses dépositaires de leurs actions. Antonio Campos (réalisateur du remarqué Afterschool, sorti en 2008) reproduit ici fidèlement cet univers sinistre en allégeant néanmoins un peu la trame du roman d’origine pour la rendre plus linéaire. Néanmoins, malgré sa fidélité au déroulé du récit et son impressionnant casting (Robert Pattinson, Sebastian Stan, Tom Holland, Riley Keough, Haley Bennett…), son film peine à fasciner.

Ennuie morbide 

Peut-être est-ce l’époque (après tout, le climat global est déjà bien assez morose pour avoir envie de vivre ce genre d’expérience spectatorielle) ou la tendance qu’a le scénario à rester à la surface des choses mais la sauce ne prend ici pas tout à fait. Si la violence et les personnalités sociopathes font partie des thèmes de prédilection explorés par Campos au cours de sa filmographie, il oublie ici de distiller la subtilité que l’on pouvait observer dans ses oeuvres précédentes. À trop vouloir s’enfoncer dans le sinistre, le film oublie ainsi de se concentrer sur la psychologie de ses personnages, plus particulièrement celle de ses protagonistes féminins hélas relégués ici à des rôles à la limite de la figuration.

Résultat, et malgré quelques bonnes performances (notamment celle de Pattinson, excellent dans son rôle de pasteur corrompu), Le Diable, tout le temps ennuie profondément. Pire, il semble passer à côté de son propos, si tenté à vrai dire qu’il ait cherché à en construire un. Comparé à un film comme Killer Joe de Friedkin, qui malgré le rare niveau de malaise qu’il suscite peut parvenir à séduire par son côté farce macabre, le film de Campos loupe le coche en ne dégageant ici aucun sens. Dépossédé de l’aura mystique inhérente au livre d’origine, le film ne tire de surcroît aucune morale de la lente et indicible agonie vécue par ses personnages. Assez peu intéressant sur la durée, Le Diable, tout le temps rejoint hélas la longue liste des téléfilms de luxe estampillés Netflix, prometteurs sur le papier mais manquant cruellement de personnalité.

Marine Pallec

Le Diable, tout le temps Réalisé par Antonio Campos Avec Tom Holland, Robert Pattinson, Riley Keough Thriller, États-Unis, 2h18 16 septembre 2020 – Netflix

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

2 commentaires sur « [CRITIQUE] Le Diable, tout le temps »

  1. Une belle critique qui apporte un nouvel éclairage sur ce film dont j’entends beaucoup parler mais qui ne m’attire pas spécialement à la base – à raison, il faut le croire en lisant ces lignes. Je suis étonné tout de même de ce constat sur le manque d’approfondissement de la psychologie de ses personnages et de ses rôles féminins ; là où le dernier film de Campos, Christine, dépeignait avec une grande subtilité les afflictions personnelles de son personnage éponyme, joué par une Rebecca Hall tout en maîtrise.

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