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Convaincu d’être la réincarnation d’un soldat mort en Bosnie en 1983, Joachim décide de partir pour Sarajevo avec deux documentaristes pour filmer son voyage initiatique sur les traces de son passé. Entre mysticisme, réincarnation, amour et vie antérieure, Joachim part à la rencontre d’une autre histoire.
Sélectionné au Festival de Cannes en 2019 à la Semaine de la Critique, le premier long-métrage de la cinéaste et scénariste française Aude-Léa Rapin est un mockumentaire. Ouvrant son film in media res, elle nous place directement dans l’action et la panique — simulée ? — de Joachim. Sur fond de caméra portée, de témoignages et de confidences, nous suivons cette expédition qui semble un peu folle : Soral, un soldat serbe mort le 21 août 1983 se serait réincarné en Joachim, jeune français né le 21 août 1983. Si cette possibilité semble peu réaliste, la cinéaste questionne sans cesse notre rapport à l’image et à la vérité. Cette caméra-vérité développée par Jean Rouch — le côté documentaire donne à croire que tout est réel — souligne pourtant ici les doutes et les interrogations : et si tout cela était faux ? Quand le spectateur finit par se convaincre que tout est inventé, le film prend un véritable virage et nous annonce que peut-être tout est vrai. Serait-ce une crise de la trentaine que le personnage principal expérimente ? Ou une connexion mystique ? Arrivée à Sarajevo, l’équipe de tournage se heurte très vite à l’absence de pistes. Les rêves de Joachim semblent montés de toutes pièces : le nom du soldat — Zoran — est trop commun, les archives introuvables. En partant sur la trace d’un inconnu, n’est-ce pas lui-même qu’il cherche, embarquant avec lui dans cette folle histoire, une Alice un peu trop crédule — et amoureuse ? La réalisatrice a par ailleurs passé une dizaine d’années en Bosnie, le film lui permettant de renouer avec les souvenirs de son propre passé (elle avait déjà réalisé un portrait d’une des personnes interrogées dans le film).
Film sur le doute, le mensonge et la vérité, il propose une introspection très personnelle sur fond de guerre serbo-croate dont l’utilisation de found footage fait un bel hommage au cinéma documentaire. Mais derrière son intérêt historique et son synopsis aux allures absurdes — très belle idée que cette réincarnation —, le récit ne va ni du côté de l’humour, ni du fantastique, ni réellement de l’Histoire. Les héros ne meurent jamais — très joli titre — ne prend pas le temps de développer les autres personnages qui gravitent autour de Joachim (Jonathan Couzinié, également scénariste du film) et d’Alice (Adèle Haenel, qui fait encore une fois une très bonne prestation). Et c’est bien dommage : après tout, avec une comédie sur un sujet si peu traité, il y avait du potentiel. Lui préférant une ébauche de mélodrame amoureux — devenu ennuyeux du fait de longueurs, il semble chercher son sujet réel et passer à côté, laissant le spectateur sur sa faim. Le film fait des promesses qu’il ne tient pas. Le rêve d’éternité annoncé ne sera sûrement jamais confirmé.
Manon Koken et Marine Moutot
- Les héros ne meurent jamais
- Réalisé par Aude Léa Rapin
- Avec Adèle Haenel, Jonathan Couzinié, Antonia Buresi
- Drame, France, 1h25
- 30 septembre 2020
- Le Pacte