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Le Festival Européen du Court-Métrage de Brest fêtait ses 35 ans cette année et cela promettait d’être une sacrée édition ! Alors que nous avions prévu de couvrir le festival à “Brest même”, nous réjouissant de retrouver l’ambiance de l’année précédente, nous avons pu, malgré ce second confinement, profiter de la sélection de l’équipe du festival. Avec rapidité et efficacité, ils ont su nous proposer du 10 au 15 novembre une sélection de qualité, en ligne : 39 programmes, près de 200 films, 50 heures de cinéma !
Après y avoir cru jusqu’à la dernière minute, l’équipe a dû se résoudre à une édition en ligne aux côtés des autres festivals d’automne depuis l’annonce du 28 octobre, que ce soit à Paris (Format Court, festival Jean Rouch, festival du cinéma israélien), à Nantes (festival des 3 continents), à Marseille (Films Femmes Méditerranée), à Belfort (Entrevues Belfort), à Evreux (festival du film d’éducation)… Même outre-atlantique, nos voisins ont dû opter pour le choix du numérique avec des Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal et un Cinémania (Montréal) en ligne. Paralysé par la pandémie, le secteur culturel et événementiel a dû se réinventer pour maintenir les éditions à flots, comme ça avait été le cas lors du premier confinement. Dans les semaines à venir, d’autres suivront : le Poitiers Film Festival du 27 novembre au 4 décembre, Tous courts ! (Aix-en-Provence) du 1 au 6 décembre, Les Arcs Film Festival du 12 au 19 décembre… Guettez les séances des salles de cinéma et festivals via Festival Scope ou La 25e heure. Soutenez les en participant à leur belle programmation, en faisant un don (ces éditions sont souvent gratuites et accessibles à tous) ou en leur envoyant un gentil message !
ÉDITO
Pour vous partager un peu de l’esprit du festival et de son équipe, voici son très bel édito, porteur de la préciosité de ce temps en salle de cinéma auprès des artistes, des passionnés et des amis, aujourd’hui impossible à réitérer en ce mois de novembre confiné.
En cette année si particulière, il était primordial, vital même, qu’ait lieu le 35e Festival Européen du Film Court de Brest “en vrai”. Suite aux nombreuses annulations, aux multiples reports et autres formules hybrides, nous espérions de toutes nos forces qu’à Brest ait lieu, en cette fin d’année 2020, un vrai temps de rencontres et d’échanges. Un temps dont nous mesurons, aujourd’hui plus que jamais, l’importance et la ô combien fragile préciosité. Un temps pour que les spectateurs, à commencer par les plus jeunes, de tous âges et de tous horizons, rencontrent les artistes. Un temps pour voir les films réalisés par les talents venus de toute l’Europe, entendre les histoires qu’ils nous content, découvrir leurs univers, leurs échos et retours sur le monde dans lequel ils vivent, agissent, créent. Un temps pour, grâce à leurs regards et leurs points de vue, devenir plus imaginatifs, plus inventifs, plus ouverts, en un mot plus intelligents. Un temps pour apprendre à être souples, à s’adapter, à rebondir, à penser autrement, différemment, dans le respect de tous et de chacun. Un temps surtout pour être ensemble. En mesurant à chaque instant notre immense chance de pouvoir le faire, librement. Un temps pour tous à préserver. Durablement.
Ensemble, profitons du temps exceptionnel, rare et unique, qu’est un festival.
Longue vie et joyeux 35 ans au Festival Européen du Film Court de Brest !
IMPRESSIONS
Pour cette édition en ligne, le festival de Brest a fait le choix d’une interface sobre et dénuée de toute information inutile. Pour trouver les différents synopsis, castings et autres données sur les courts-métrages, tout était sur le site web de l’association, Côte Ouest, à l’origine du festival. Pas forcément le plus pratique, mais il était évidemment aussi possible de les soutenir en commandant un bel objet : le catalogue papier. La billetterie était efficace et les programmes, une fois payés, étaient disponibles pendant une semaine, de quoi continuer à regarder les films même après le clap de fin.
En sus de cette interface créée spécialement pour l’édition en ligne et de la disponibilité des films sur UniversCiné, le festival a su se réinventer en partageant des contenus via les réseaux sociaux, en proposant des interviews et des séances-rencontres enregistrées en amont, en organisant des temps de rencontres pour les professionnels… Certaines séances scolaires furent maintenues en présentiel afin de permettre la rencontre des élèves avec des réalisateur.rice.s. L’une des expositions sur le travail de Kourtney Roy – artiste de talent qui a réalisé la très belle affiche de cette édition – avait heureusement commencé le 22 octobre et a pu accueillir quelques visiteurs aux Ateliers des Capucins. Pour les autres, nous verrons si elles seront maintenues, une fois le déconfinement entamé.
JURYS
Pour ces 4 compétitions, 14 prix ont été décernés et, derrière ces récompenses, de nombreux jurys et jurés à l’œuvre dont le Jury officiel et le Jury Jeune. Le Jury officiel rassemblait cette année le directeur de la photographie Rémy Chevrin, la réalisatrice Eléa Gobbé-Mévellec, la réalisatrice et présentatrice TV Dörthe Eickelberg, l’acteur et réalisateur Julien Gaspar-Oliveri et la journaliste Véronique Le Bris. Les élèves de Terminale spécialité cinéma du Lycée Saint-François Notre-Dame de Lesneven et les étudiants de première année parcours Cinéma de la Licence Art composaient le Jury Jeune de cette édition.
PALMARÈS & COMPÉTITIONS
Comme chaque année, de nombreux prix ont été décernés. L’interface en ligne du festival permettait de voter pour nos courts-métrages préférés des quatre compétitions afin de désigner le Prix du Public. La remise des prix a eu lieu le samedi 14 novembre à 18h via une réunion Zoom à laquelle étaient présents l’équipe, les jurys, les réalisateur.rice.s, certains membres des équipes techniques ainsi que les spectateurs assidus.
Pour retrouver l’intégralité des films proposés et des compétitions, vous pouvez faire un tour sur le catalogue.
Cette année, plusieurs thèmes ressortent fortement qu’il s’agisse d’animation ou de prise de vues réelles, de comédie ou de drame, de documentaire ou de fiction : la parole des femmes, l’amitié et l’amour ainsi que les difficultés de la vieillesse et de la solitude. Des films sociaux, en somme.
COMPÉTITION EUROPÉENNE
La compétition européenne – la plus conséquente des quatre – a fait voyager les spectateur.trice.s jusqu’aux Philippines grâce à ses sept programmes. Pour cette compétition, quatre jurys ont été créés pour récompenser ces nombreux courts-métrages. Le Jury Officiel a remis quatre prix : le Grand prix, le prix du Conseil régional de Bretagne, le prix du Conseil départemental du Finistère et le prix spécial du Jury. Chaque prix donnait le droit à une dotation (allant de 2 000 € jusqu’à 5 000 €). Le jury des Passeurs de courts, le jury Jeune et le public ont également remis un prix. Nous n’avons malheureusement pas pu voir tous les films primés : le Prix des Passeurs de courts décerné par Cinéphare (Männerabend, Ares Ceylan, 2020), le Prix spécial du Jury décerné par CINNTER (Mortenol, Julien Silloray, 2019), le Prix du Conseil départemental du Finistère (Red Ants bite, Elene Naveriani, 2019) et, à notre grand regret, le Grand Prix du film court de la ville de Brest (Banality, Balazs Simonyi, 2019).
Atkurimas (Dummy, Laurynas Bareisa, 2020), Prix du Conseil régional de Bretagne, est très intéressant par sa forme. Débutant in media res et filmé comme un documentaire avec un dispositif simple, la surprise est totale quand, au bout de quelques minutes, le spectateur commence à comprendre qu’il s’agit d’une reconstitution d’agression par le criminel, surveillé par des policiers. La scène semble tellement absurde et hors de tout contexte, qu’il aurait pu s’agir d’une pièce de théâtre. La violence n’en est que plus forte lorsque le dernier plan – une baignade rassemblant policiers et criminels – rassemble impunité criminelle et sexisme flagrant. Le Prix du Jury Jeune (Trecea un print calare, Cristina Grosan, 2019) surprend aussi en évoquant consentement, adolescence et tromperie, dans une adéquation parfaite avec son personnage, un jeune homme témoin silencieux de son propre mal-être, lors d’un séjour dans un camp de vacances. Un prince à cheval passait… Un choix qui fait sens.
Parmi les œuvres découvertes, certaines nous ont touchées sans pour autant gagner entièrement notre adhésion. Nous pouvons mentionner Love Hurts de Elsa Rysto (2019) avec l’excellente actrice Noée Abita, sur la violence chez les jeunes et l’amour qui se crée entre deux marginaux qui se lient et apprennent à s’aimer grâce à cette violence. Les Enfers (Adèle Beaulieu, 2019) était, lui, particulièrement touchant avec son noir et blanc glacés, signe de l’absence prégnante du chien du protagoniste, joué par un merveilleux Jean-François Stévenin, accompagné par sa petite fille, refusant d’abandonner les recherches dans son village enneigé. Pour finir, Marée (Manon Coubia, 2019) nous parle aussi de montagnes, celles d’une station de ski où l’on observe les humains comme des fourmis, en prenant le temps. Visuellement magnifique, il n’est pas sans rappeler le très beau Slalom (Charlène Favier, 2020) que nous espérons bientôt sur nos écrans. La beauté culmine par ce plan long des chasse-neiges s’éloignant dans l’infinie immensité sombre, minuscule tache lumineuse dans la nuit. Le bleu de la nuit transforme les collines enneigées en vagues océaniques figées dans leur mouvement. La dernière scène, onirique, semble inscrire le monde dans cette machine, possible dernier bastion de l’humanité où se rencontrent Adam et Ève.
❤ Nos petits coups de cœur ❤
Posjeta (The Visit), Dorde Vojvodic, 2019 – Prix du Public
Stefan, un jeune étudiant berlinois, accueille ses parents pour un repas. Il n’est pas au bout de ses surprises…
Prix du Public, Posjeta (The Visit, Dorde Vojvodic, 2019) est une comédie grinçante, à la fois drôle, triste et gênante, qui réussit avec brio à nous faire nous identifier au personnage qui, tout en cachant son homosexualité à ses parents, doit faire face à une monstrueuse invasion de son chez-soi. D’abord les parents qui jugent, qui mettent leur nez absolument partout, qui le culpabilisent. Puis débarque une jeune femme, ancienne connaissance invitée par ces derniers pour devenir sa nouvelle colocataire – et accessoirement copine ? Et la famille de la demoiselle. Et les meubles. Tel un défilé infernal, le débarquement se poursuit sous le regard impuissant et déstabilisé de Stefan – et du spectateur. Le poids de la famille, la manipulation, ça parle à tout le monde, il y a de quoi devenir fou.
Home Sweet Home, Agata Puszcz, 2019
Olaf a dix ans et rêve de se faire louer par le service Rent A Life. Il est prêt à tout pour réussir l’audition.
Un monde où l’on pourrait louer des personnes pour remplacer un membre de notre famille, c’est possible. Avec Home Sweet Home, la cinéaste polonaise Agata Puszcz montre les excès du capitalisme et de sa devise : l’argent peut tout acheter. Dans ce monde-là, le jeune Olaf est un naïf qui pense que sa mère n’est que sa mère. Dans la logique de Rent A Life, tout le monde peut être loué, mais peu peuvent louer. Il s’agit d’une élite qui possède le monopole du capital. De manière très simple, ce court-métrage dénonce une histoire assez inquiétante qui pourrait un jour devenir réalité.
Onolulo, Iacopo Zanon, 2020
Carla est serveuse dans un restaurant. Un soir, alors qu’elle ferme, elle voit un homme et son patron l’attendre à la sortie. Prise de peur, elle appelle Giulia pour venir la chercher.
Ce court-métrage italien du cinéaste Iacopo Zanon traite de la sexualité en Italie. Ses deux personnages principaux sont des jeunes femmes dont la sexualité n’est pas reconnue. Les hommes, s’ils existent uniquement dans le récit comme menace ou entrave, objectifient Carla et Giulia. Avec un dispositif simple, le cinéaste redonne la parole à ces femmes qui luttent au quotidien pour se faire une place. Elles parlent de leur désir, de leur envie et de leur besoin de voyager et de rêver. Un panneau publicitaire montre un ailleurs paradisiaque où il est possible de tout avoir : Honolulu è tutti. Carla sait reconnaître la menace des deux hommes qui l’attendent et Giulia pense que son écran la protège des dangers extérieurs. Elle propose son corps dans des vidéos pornographiques. Un homme la drague en lui disant qu’il veut la baiser en vrai et qu’il est prêt à payer. Elle ne voit pas que cela la réduit un peu plus chaque jour à un objet. Il n’y a pas de menace directe sur son corps, mais pourtant elle est rabaissée en tant qu’être humain. Cette nuit, sans se connaître vraiment – Carla a appelé Giulia parce qu’elle a une voiture -, elles apprennent à s’émanciper. Un beau film qui vaut surtout par la parole de ses deux jeunes femmes.
COMPÉTITION FRANÇAISE
À travers trois programmes, le jury de la compétition française a remis trois prix : Le Prix des Anciens Lauréats (Valéry Carnoy, Geordy Couturiau et Léopold Legrand) – acheté par UniversCiné pour être diffusé sur la plateforme -, le Prix France 2 – lui aussi acheté par la chaîne pour une diffusion – et le Prix du Public. Le Prix des Anciens Lauréats a été décerné à À la retraite (Yann Ducreux & Laureline Maurer, 2020), la reconstitution drôle, mignonne et absurde de l’histoire d’amour des grands-parents du réalisateur. Les Prémices (Germain Le Carpentier, 2020) est le Prix du public cette année, lui aussi revient aux origines d’une rencontre amoureuse inspirée d’une histoire personnelle. Évoquant sa jeunesse dans une communauté dans son interview, le réalisateur avait éveillé notre curiosité mais cette dimension n’est que peu présente dans le film, préférant évoquer rapidement l’arrivée en Bourgogne pour se concentrer sur l’éveil à la foi de la femme et la réconciliation du couple par l’intermédiaire cathartique d’un cheval. La lumière rasante, bien que très belle, renforce la dimension cliché du court-métrage, couronnée par un baiser sous la pluie.
Parmi les œuvres qui nous ont touchées, le film Brûle d’Elvire Munoz était intéressant par la relation manipulatrice entre une employée (jouée par Lyna Khoudri) et sa patronne (Adeline D’Hermy), mais ne développait pas assez – et pas assez tôt – l’ambiguïté de cette relation lesbienne.
❤ Notre coup de cœur ❤
Autoquartz, Nicolas Cambier, 2020 – Prix France 2
Auto et son père sont mineurs de quartz. Un jour, alors qu’ils travaillent ensemble, Auto n’arrive pas à sécuriser son père qui chute brutalement au fond d’une mine, entraînant Auto avec lui.
Presque sans parole, le film est nimbé d’un noir et blanc magnifique. La séquence d’ouverture montre les mineurs qui embrassent le Christ qui pointe le ciel avec son doigt, une scène qui semble presque documentaire par la véracité de la piété qu’elle dégage, métaphore de ce que devra traverser le jeune Auto pour sauver son père d’une mort certaine : un acte miraculeux. Le court-métrage accumule les images divines et accentue le silence et les bruits ambiants. Chaque plan est plus stupéfiant que le précédent pour le.a spectateur.rice, plongé.e dans ce noir lumineux, comme les deux protagonistes. À la remontée, le souffle se coupe, suspendu comme le corps au bout de la corde, le temps semble s’arrêter pour contempler la beauté du moment. Un film mystique et magnifique.
COMPÉTITION OVNI
La compétition OVNI, bien qu’elle ne présente qu’un unique programme, regorge toujours de films étonnants et inventifs et surtout, souvent, de coups de cœur. Cette année ne fait pas exception : avec ses 9 courts-métrages, ces aliens du court ont su pour la plupart nous séduire et l’un d’eux fut même récompensé du Prix Shorts TV : Boys don’t cry de Bobbie Faren Müller (2019). Muistatko (a method) (Ioana Roisin, 2019) aborde avec un dispositif simple la question de la compréhension d’une émotion à travers des paroles dont on ne maîtrise pas la langue. Carton noir, célèbre chanson finlandaise en fond sonore, la voix off tente de réfléchir à ce que lui transmet son ressenti. Le résultat est intéressant et assez drôle. 33 motive für einen cinemascope-film (Erberhard Nuffer, 2019) rend hommage au format Cinémascope, revenant sur ses origines et les doutes de l’époque pour ensuite énumérer l’infinité des possibles en l’adaptant au quotidien du réalisateur, inscrit dans le territoire allemand : un banc, un immeuble, un cours d’eau… Toujours en Cinémascope. Drôle et original, c’est une très belle idée de cinéma ! Pour finir, Sauvons la Lune ! (Nicolas Ubelmann, 2020) fait lui aussi preuve d’une belle inventivité et d’une bonne dose d’humour. Alerte : la Lune rétrécit ! Ce faux documentaire télévisé retrace la montée en puissance de cette information à grand renfort de questions rhétoriques et de voix off commentant chaque instant sur un ton inquiet et plein de suspens. “En plein épisode de coronavirus, les commerçants n’avaient pas besoin de cette nouvelle.” Le micro-trottoir est tout bonnement hilarant. La véritable question reste : les interrogés sont-ils de mèche ou réellement crédules ? Le doute plane. La théorie du complot surgit par l’évocation des habitations sur la Lune, des mutations animales et une drogue nouvelle : les cristaux de Lune. À l’heure des fake news et du complotisme, l’œuvre fait sourire et même rire par son absurdité beaucoup trop réaliste – malgré quelques longueurs.
❤ Nos petits coups de cœur ❤
Boys don’t cry, Bobbie Faren Müller, 2019 – Prix Shorts TV
Les garçons ne pleurent pas. C’est un fait. Pas de quoi sourciller, non ?
Grâce à une mise en scène simple – décor festif et rassurant et interview en sous-vêtement -, Boys don’t cry met le doigt là où ça fait mal, à la manière d’un ostéopathe des émotions. Pourquoi les hommes doivent-ils cacher leurs faiblesses ? Pourquoi ne peuvent-ils pas être complimentés ? Et surtout pourquoi ils ne peuvent pas pleurer ? La réalisatrice Bobbie Faren Müller les interroge à l’écran, à la manière d’une thérapeute mais tout de même en tant qu’amie, pour mieux comprendre cette difficulté à exprimer leurs émotions. Doutes, émotions et larmes ne tardent pas à apparaître. Et c’est là qu’est la force de ce court-métrage : la sincérité de cette intimité. À absolument compléter de quelques épisodes des podcasts Les Couilles sur la table et Mansplaining.
Tweetators, Jonas Meier & Mike Raths, 2020
Des tweets de Trump, Bolsonaro et Duterte illustrés par des vidéos Tik Tok.
Vous voulez savoir la recette miracle de l’humour ? Un format téléphonique vertical – pas le plus cinématographique -, de courtes vidéos absurdes en direct de Tik Tok et des tweets de trois des plus connectés présidents – pour ne pas dire autre chose. Trio gagnant, non ? Une voix off les lit en anglais. C’est simple et suffisant. Avec cette très bonne idée, le duo de réalisateurs en a pour des heures à nous faire rire (comme on dit “mieux vaut en rire que…”) et d’ailleurs vous pouvez tester ça sur leur site. Dernier plan fulgurant d’une banane sur un essuie-glace, le message est clair : “Cessez de rendre les gens bêtes célèbres”.
Freeze Frame, Soetkin Verstegen, 2019
Arrêt sur image, défilement visuel, blocs glacés, animaux immobilisés : geler le cadre.
Également présenté et récompensé par le Prix spécial du Jury au Festival international du court-métrage de Clermont Ferrand 2020 et une Mention du Jury au Festival international du film d’animation d’Annecy 2020, Freeze Frame est toujours aussi impressionnant, même au troisième visionnage. Hommage évident à la chronophotographie développée par Eadweard Muybridge en 1878, il fonctionne tel un ballet mécanique. Presque scientifique, avec la démultiplication des surcadrages cellulaires – est-on dans le viseur d’un microscope ou d’une caméra ? –, dans la manière dont les corps glacés d’insectes ou de lapins en mouvement sont exposés, l’esthétique est tout bonnement sublime. Mystérieux et sombre, le court-métrage étonne et questionne le spectateur en à peine 5 minutes. Un OVNI.
COMPÉTITION MADE IN BREIZH
Deux programmes forts pour la compétition Bretagne qui met à l’honneur les beaux paysages de la région, mais surtout les talents bretons. Trois prix ont été remis : le Prix du Public, le Prix de la meilleure musique originale et le Prix Manifest. La Tourbière (Brieuc Schieb, 2019) a reçu le Prix du Public. Ce film repose sur les mythes et légendes urbaines de la ville de Douarnenez. Dans un style brouillon, caméra à l’épaule, nous suivons trois jeunes qui ne savent pas quoi faire. Sans réellement explication, alternant entre discussion sur des forums, des images de la fête foraine et ces garçons qui ne savent pas s’occuper, le spectateur erre avec eux se demandant l’intérêt d’un tel procédé. Ni scénaristiquement, ni visuellement intéressant, ce prix du public ennuie.
Parmi les œuvres touchantes de cette compétition, nous pouvons également mentionner Que Règne le silence de Lucas Trochet (2020) qui raconte comment un jeune homme tente de gagner l’amour et la reconnaissance de son père face à un frère absent et donc idéalisé. Le film s’inscrit dans le paysage breton en mettant en scène une très belle procession de la Vierge. Le thème de la famille est repris également dans l’émouvant Kaolin (Corentin Lemetayer Le Brize, 2019) où nous suivons une enfant paraplégique qui désire faire de la moto. Ici pas de rivalité, mais de l’entraide fraternelle pour qu’elle réussisse à faire ses preuves et croire en elle. Une histoire mignonne et pleine de belles émotions. Dans Mab An Tarz : Fils de l’écume (Théo Jourdain, 2020), Thomas, marin-pêcheur du Guilvinec tente de se sevrer de ses addictions en mer mais rien ne se passe comme prévu et ses anciens démons lui reviennent, plus violemment à chaque fois. Récit déchirant de la descente aux enfers d’un homme, le film est porté avec brio par Alexis Manenti (Les Misérables) et avec grâce par l’esthétique grandiose sublimant le chalutier sous vents et marées.
❤ Nos petits coups de cœur ❤
Les Deux couillons, Thibault Segouin, 2020 – Meilleure musique originale – disponible sur myCanal et AppleTV
Un Parisien qui revient dans sa Bretagne natale après trois ans d’absence et son frère, Rennais pure souche, se retrouvent pour rendre visite à leur père à l’île de Batz.
Classique film de retrouvailles entre frères, Les Deux couillons brille par son duo de choc formé par les comédiens Sébastien Chassagne et Olivier Chantreau. L’alchimie entre les deux opposés, l’un râleur et travailleur, l’autre fêtard et feignant – une sorte de cigale et la fourmi -, fonctionne à merveille et illumine ce petit bout de grisaille que nous propose de voir le cinéaste Thibault Segouin. Avec efficacité, le récit est touchant par cet amour fraternel déçu : l’un admirant l’autre qui l’ignore. Ce jeu de chat et la souris est doublé d’un discours sur la paternité. Père absent, père embêtant, père détesté. C’est lui qui a divisé cette petite famille si désunie et qui, dans un dernier coup d’éclat, la contraint à se rassembler à nouveau. Drôle et touchant, ce court-métrage saura vous réjouir.
Dieu n’est plus médecin, Marion Le Corroller, 2020 – Prix Manifest
Margaux est fatiguée et n’en peut plus de ses journées et soirées sans fin aux urgences de l’hôpital. Surchargée de travail, un soir, elle oublie une patiente qui décède. Elle commence alors à avoir d’étranges crises d’hémophilie.
Dès la séquence d’ouverture, le film installe son ambiance inquiétante et oppressante. Margaux (interprétée par Judith Zins) est noyée sous le flot incessant de gens. Une femme l’aggripe, la menace. La violence est physique en plus d’être mentale. Et puis la découverte du corps sans vie. Le lendemain, sa supérieure la rassure – c’est arrivé à tout le monde, elle est interne, elle s’y fera – et la menace – que cela ne se reproduise pas, elle n’a peut-être pas les épaules pour ça. Efficace et malaisant, le film montre à merveille la dislocation du corps condamné qui se décompose petit à petit. L’hôpital n’est plus un lieu de travail, mais un tombeau. Si le propos peut paraître un peu simple, il est efficace et surtout nécessaire. Véritable dénonciation des conditions de travail insupportables auxquelles les infirmier.e.s, médecins, internes sont soumis. En utilisant le genre de l’horreur – dans la même veine que Grave de Julia Ducournau -, la jeune cinéaste Marion Le Corroller offre un récit d’actualité. Car si l’héroïne suinte du sang par la peau, se transforme peu à peu en momie et doit faire des choix extrêmes pour survivre, c’est le quotidien métaphorique de personnes travaillant en milieu hospitalier qu’on épuise physiquement et mentalement.
La Maison (pas très loin du Donegal), Claude Le Pape, 2019
À la mort de son ami Jean-Pierre, un vieil homme qui occupait l’une des chambres de sa maison est bien dans la panade : le 9 bis, vieille route de Landerneau, en haut du Donegal, est mis en vente par les héritiers.
Récit à l’humour noir acéré porté par l’excellent Jackie Berroyer, ce court-métrage est une perle rare. Extrêmement bien écrit par le talentueux scénariste, ici réalisateur, Claude Le Pape (Petit Paysan, Hippocrate, Les Combattants), il prend le chemin de l’humour, grâce à des visites immobilières hilarantes menées par le protagoniste qui fait tout pour éviter que le bien soit vendu, pour soudainement abattre la décision : il doit définitivement quitter les lieux. Particulièrement touchant, Berroyer est son personnage et notre tristesse tout aussi immense que la sienne à l’annonce de la sentence.
HORS COMPÉTITION
Programmes Off
9 programmes, 7 thématiques très différentes (féminisme, horreur, absurde, animation, solidarité, jeunesse et nouvelles œuvres des cinéastes passés par le festival), la programmation Off était bien chargée. N’ayant pas pu voir les deux séances du Court d’après, nous n’en dirons mot. Les ateliers de programmation ont permis à plusieurs adultes et adolescents de découvrir ce travail et de développer leur cinéphilie, donnant lieu à deux programmations spéciales : #C’estmoncourt et Courts solidaires. Pour #C’estmoncourt, une dizaine de jeunes ont visionné de nombreux courts-métrages pendant 2 mois afin de vous offrir leurs coups de cœur. Le projet de Courts solidaires a vu le jour avec une dizaine de personnes accompagnées par le CCAS et des structures du RésO Isolement Précarité de la Ville de Brest afin de créer un programme sur le thème de la solidarité. Les visionnages et débats ont duré un mois pour un beau résultat !
HÉROÏNES
Héroïnes était un joli programme dédié aux personnages féminins en cinq films : Virago (Kerli Kirch Schneider, 2019), un conte où l’incompétence des hommes (avec un petit h) les mène à leur fin, Porachunki (Zuzanna Grajcewicz, 2019), les galères d’une petite vieille polonaise sortant de prison, XY (Anna Karin Larusdottir, 2019), le mal-être d’une adolescente née XY, et Particules (David Brunet, 2020), récit du quotidien d’un couple alors que le monde sombre dans une lente apocalypse.
❤ Notre coup de cœur ❤
Un jour bien ordinaire, Ovidie & Corentin Coëplet, 2019
Le premier jour de Romain, jeune acteur, sur le tournage d’un film pornographique.
Grand coup de cœur de ce festival, Un jour bien ordinaire n’aura malheureusement pas reçu de prix car il n’était pas en compétition. Il l’aurait pourtant mérité. Inversant avec finesse et intelligence le sexisme et le harcèlement sexuel dans le milieu du porno, il traite la question avec sérieux, là où on aurait pu croire que la comédie s’y serait prêté. Arrivée d’un jeune acteur, rencontre avec les équipes et la réalisatrice puis tournage, tout est transposable au féminin. Et c’est écoeurant. Seuls les hommes doivent être maquillés. Sa collègue se met nue devant lui, sans plus de cérémonie. Les remarques déplacées fusent. Les critiques sur son physique aussi. Oppressé, reluqué et harcelé dans un milieu totalement féminin, le malaise monte à mesure que l’on suit Romain dans cette journée bien malaisante. La vérité est bien trop criante (et à raison) derrière cette fiction pas si dystopique.
MONSTRUEUSES RENCONTRES
Comme chaque année, la nuit du vendredi – vendredi 13, cette année – est toujours très attendue par les amateurs d’horreur et de sensations fortes. À défaut de pouvoir la vivre tous ensemble dans la grande et belle salle du Quartz, nous nous sommes plongées dans le noir, roulées sous notre couette et avons lancé la séance. Résultats plutôt inquiétants (et dégoûtants). Pari réussi pour Odotusaika (Juho Fossi, 2020), l’enfer fantastique d’un futur père ayant acheté un étrange babyphone, Bruits blancs (Thomas Soulignac, 2020), une séance de spiritisme qui tourne en eau de boudin, et Hungry Joe (Paul Holbrooke & Sam Dawe, 2019), la répugnante enfance d’un jeune garçon insatiable (et encore une fois la torture mentale d’un parent). Il est intéressant d’observer d’ailleurs la place du son dans ces trois films.
❤ Notre coup de cœur ❤
Les mots bleus, Julien Lahmi, 2020 – disponible ICI
Naissance d’un virus extraterrestre en chanson. “Je lui dirai les mots bleus, les mots qu’on dit avec les yeux… J’aime le silence immobile d’une rencontre, d’une rencontre…”
La magie du mashup a encore opéré avec ce drôle de court-métrage sur fond de comédie musicale. Comment ne pas être séduite par les talents de montage convoqués par le mashup ? Quand les images dialoguent, on ne peut être que convaincue ! Jonglant entre différentes figures monstrueuses des univers de Princesse Mononoke, Godzilla, La Planète des Singes et Predator, ce film de confinement traite de l’actualité pandémique et écologique avec beaucoup d’humour (pangolin en ouverture et alien maladif au rendez-vous) et aussi d’absurdité. Le beau travail de bruitage se marie à merveille avec les paroles des Mots bleus de Christophe, bientôt entonnées dans une atmosphère plus pop par Julien Doré. Il faut dire que le “réalisateur-tisseur” (il se définit ainsi), Julien Lahmi, a le sens du rythme (et aussi de l’humour). Avec son mode de narration novateur, il veut “être punk et pop à la fois” et réinvente ainsi le cinema povera (peu de financements, beaucoup de temps de création) – l’adaptant même à l’interview (et c’est très chouette !).
PARTENAIRES PARTICULIERS
La sélection Partenaires particuliers aura sûrement été la plus drôle et absurde de ce festival, notamment avec trois courts-métrages. Le film belge Lapin perdu (Bertrand Lissoir, 2020), n’est pas sans évoquer la série After Life (Ricky Gervais, 2019) avec le quotidien déprimé d’un veuf qui se voit confier la garde d’un lapin-bélier par sa nièce. Après tout, ce n’est que l’histoire d’une journée. Et pourtant il peut s’en passer des choses en une journée ! Jean-François n’a pas fini d’en baver, à la recherche de compagnons à longues oreilles. Plot (Sébastien Auger, 2019) fut aussi une belle surprise ! Après avoir renversé un plot de signalisation en voiture, Michel, dépressif chronique, veut à tout prix retrouver son propriétaire. L’aventure n’est pas de tout repos et se transforme progressivement en comédie musicale.
❤ Notre coup de cœur ❤
Réplica, Santiago Daniel Capuz Lamboglia, 2019
Edu est très amoureux de sa femme, Carmen. Carmen est un mannequin en plastique.
“L’amour rend aveugle”, dit-on. Eh bien, Edu aime une poupée en plastique et ça lui va très bien. Nous observons leur quotidien dans ce faux-reportage un peu voyeuriste à la Tellement vrai, dans la veine de Striptease : à la maison, en ville, en forêt…, entre interviews et captations sur le vif. Ravi que les gens s’intéressent à leur couple et à leur famille (ils ont un fils, en plastique lui aussi), il s’émerveille de leur bienveillance, alors que les spectateur.rice.s les voient sourire et observent eux-mêmes en souriant l’homme galérer dans Madrid avec ses deux mannequins sous le bras. Le reporter semble tout aussi perplexe. « Avec Carmen on s’entend très bien. On a des goûts et des intérêts communs. » Silence. Hilarant. Et puis Edu quitte le plan et il ne reste que Carmen, en tête à tête avec le journaliste. Révélations.
PANORAMA ANIMATION
Objectif complété : 1 sur 2 programmes. Un premier Panorama interdit aux moins de 16 ans qui joue sur la diversité, entre comédie absurde et sombre drame. Average Happiness (Maja Gehrig, 2019) est un diaporama d’infographies sur le bonheur se muant progressivement en abstraction géométrique soulignant l’absurdité de vouloir tout quantifier. Sh_t happens (Michaela Mihalyi & David Stumpf, 2019), sélectionné à la Mostra 2020, est sous-titré à la manière d’un conte : « Le gardien, sa femme et le cerf ». Sous ses abords innocents d’animation 2D avec des animaux colorés à la Happy Tree Friends (Ken Navarro, Aubrey Ankrum, Rhode Montijo, 1999-2006), il évoque adultère et frustration sexuelle sans aucun tabou. Vieille peau (Julie Rembauville & Nicolas Bianco-Levrin, 2020) dénote dans cette sélection en adoptant une animation 2D en noir et blanc puis rouge et noir. Un homme se rend au fin fond du bayou de Louisiane pour trouver une solution à un gros problème : il ne supporte plus sa belle-mère. Méfait accompli une fois la rencontre avec le sorcier terminée. Mais l’ironie du sort frappe toujours ceux qui s’y attendent le moins !
❤ Notre coup de cœur ❤
Toomas beneath the valley of the wild wolves, Chintis Lundgren, 2019 – disponible ICI
Tout le monde fantasme sur le grand loup Toomas. Alors qu’il vient de perdre son travail pour avoir refusé les avances de sa patronne, une nouvelle opportunité se présente : devenir gigolo.
Découvert dans la sélection 2019 du festival international du film d’Annecy, Toomas fonctionne toujours aussi bien et, tout en évoquant le poids du travail, le harcèlement sexuel, l’absentéisme paternel et la domesticité des femmes, est avant tout rempli d’humour. Comme Sh_t happens, il joue sur des dehors animés innocents pour développer des situations absurdes en n’hésitant pas à aller du côté du porno et du BDSM. Un film d’animation réjouissant qui devrait bien vous faire rire !
Programmes Événements
La soirée d’ouverture fut consacrée à la comédie musicale avec un programme – en deux parties – chantant et dansant aux couleurs lumineuses proches de la photographie de Kourtney Roy, à l’honneur cette année – le film d’ouverture, Beautiful (2018), était d’ailleurs une réalisation de cette dernière. Une première partie de programme sous le signe de l’humour avec une sélection bien décalée, entre film irlandais hommage à Bollywood (Moore Street Masala, David O’Sullivan 2009), ouvrières chantant la disparition de leurs machines (Le silence des machines, Paul Calori & Kostia Testut, 2007), hilarant clip d’un show électro-pop inspiration IT crowd devant une famille islandaise un peu coincée (Think about things, Gudny Ross Porhallsdottir, 2020), dramatiques chiffres du bonheur chantés par le gouvernement hongrois (Remeny, Marton Szirmai, 2015) et un bingo espagnol qui dégénère (Yayoflautas, Jesus Martinez, 2018).
N’ayant malheureusement pas eu le temps de découvrir la sélection Francetv, nous ne pouvons que vous dire qu’il s’agissait d’une plongée en trois courts-métrages sur deux îles : Haïti et La Réunion.
En sus de ces deux événements, les deux programmes D’île en île ont sûrement plu aux Bretons présents derrière leurs ordinateurs. En tout cas, à nous, oui ! Des parcours centrés sur la relation au lieu mais aussi, et surtout, à l’Autre, entre couple en crise au crépuscule de l’Apocalypse (Postcards from the end of the world, Konstantinos Antonopoulus, 2019), drame guadeloupéen teinté de sorcellerie (Un toit pour mes vieux os, Julien Silloray, 2013), disputes en voiture (Katifora, Stelios Kammitsis, 2015) et demande en mariage ratée à la fois gênante et hilarante (Frieri (The proposal), Der Sporadiske Filmkollektivet, 2018). La comédie musicale y avait d’ailleurs parfois sa place (n’oublions pas le thème de la soirée d’ouverture !). 37°4 S (Adriano Valerio, 2013) est aussi un beau portrait de l’île et de la vie à Tristan Da Cunha, ancré dans son lieu, sur fond de touchante séparation amoureuse. Ayant décroché une mention spéciale du Jury court-métrage de Cannes, la poésie de ce film la rend amplement méritée.
❤ Notre coup de cœur ❤
To plant a flag, Bobbie Peers, 2018
1969. Deux astronautes de la NASA se préparent à l’alunissage, mais pas tout à fait sur la Lune…
Grand Prix du film court de la ville de Brest 2019 et sélectionné au TIFF en 2019, nous retrouvons dans ce savoureux court métrage les très drôles Jason Schwartzman, acteur fétiche de Wes Anderson (Rushmore, A bord du Darjeeling Limited, Moonrise Kingdom) et Jake Johnson, le pantouflard Nick Miller de New Girl. Le contexte burlesque d’un entraînement d’astronautes au milieu des moutons islandais et les conversations décalées des deux compères ne pourront que vous faire mourir de rire (même après plusieurs visionnages !).
Séances-rencontres
N’ayant malheureusement pas eu le temps d’assister aux séances-rencontres, nous ne pourrons pas vous en faire un résumé détaillé. Au programme, 7 sélections : Un court, un parcours en 5 programmes centrés sur différent.e.s réalisateur.rice.s (entre autre Kourtney Roy, Elsa Dahmani et Caroline Attia), Questions de jeunesse, courts-métrages à destination des adolescents, et Les compositeurs à l’honneur pour rendre hommage à quatre compositeur.rice.s (Emmanuel Lévy, Valentin Portron, I.N.C.H et Alexandre Arrault, Jo Goes Hunting).
Programmes jeune public
Comme toujours, la programmation jeune public du festival a été particulièrement riche et adaptée à plusieurs catégories d’âge (2, 3, 4, 8 et 13 ans). Au lieu des habituelles séances des mercredis et dimanches, les programmes étaient accessibles tout au long de l’édition avec le Pass Famille et le Pass Festivalier, avec deux éléments en commun avec la programmation précédente, deux séances-rencontres : Un court, un parcours 3 et Questions de jeunesse. Au vu de la densité, nous avons préféré découvrir quelques bribes de chacun des programmes. Vanille (Guillaume Lorin, 2020) a éveillé notre curiosité en abordant la culture guadeloupéenne et les croyances spirituelles à travers le parcours d’une ado parisienne au sacré caractère. Malgré le discours intéressant sur l’importance de l’identité portée par la coupe afro, le court-métrage se clôt par un affrontement digne des Pokémons qui est loin de convaincre. Le programme En musique et en chanson (3+) marque par son humour à travers deux films courts. Donald (Daniel Acht, 2012) est une inventive fresque pop-up retraçant le parcours d’un Écossais en kilt, tout de papier découpé, chantant à tue-tête à son mouton “Donald, where’s your trousers ?”. Symphonie en bêêê (majeur) (Hadrien Vezinet, 2019) semble lui faire écho avec son berger bien en peine de retrouver son troupeau ovin, caché dans la neige. S’ensuivent des négociations sans fin avec son chien, très chorégraphiées et teintées d’accents rigolos. Pour les pitchounes (4+), le joli Lupin (Hélène Ducrocq, 2020) évoque la peur du loup en suivant le parcours d’un louveteau en papier découpé chez les humains. Le programme Mines de rien (13+) était particulièrement intéressant, tourné vers l’enfance. S’ouvrant et se fermant sur deux destins de femmes (l’astronaute Mae Jemison et l’athlète Cheryl Bridges) avec des adaptations de la bande-dessinées Culottées (Mai Nguyen & Charlotte Cambon, 2020) de Pénélope Bagieu, c’est le féminin qui est au premier plan. Solaire, Jeûne d’été (Aedenoure Ziane, 2020) fait sourire en dépeignant la jolie histoire de deux gamins dont l’un doit faire le Ramadan. Son copain décide de faire de même mais, quand le ventre crie famine, l’amitié a ses limites.
❤ Nos coups de cœur ❤
Bach-Hông, Elsa Duhamel, 2019
Jeanne vit avec sa famille, particulièrement aisée, à Saïgon. Protégée de la guerre divisant le pays, son enfance est paisible et heureuse entre découvertes quotidiennes et folles cavalcades sur sa jolie jument Bach-Hông. Le 30 avril 1975, les communistes envahissent la capitale.
L’animation 2D de ce court-métrage dépeint à merveille le passé tandis que la voix off d’aujourd’hui raconte le quotidien de son enfance. Voyage animé au cœur des traditions, c’est surtout la rupture d’une vision idyllique que dépeint Bach-Hông, la fin de l’enfance de la manière la plus violente qui soit : l’irruption de la guerre. L’inconscience de l’enfant est extrêmement bien racontée et la fin de cet âge d’or est d’autant plus cruel.
On est pas près d’être des super-héros, Lia Bertels, 2019
Des questionnements enfantins sur la vie. Tout en poésie.
On est pas près d’être des super-héros est sûrement le plus beau film de cette programmation jeune public. Interviewés par la réalisatrice Lia Bertels, réalisatrice de Nuit chérie (2018) des enfants se questionnent sur leur vie tandis qu’à l’image, le bleu, le noir, la mer, le ciel étoilé se développent poétiquement. Évoquant tantôt Princes et princesses par ses teintes et une chanson, tantôt les peintures rupestres de Lascaux, ce court-métrage parle de l’humanité avec poésie et onirisme. Et surtout avec beaucoup d’humour car les déclarations enfantines sont souvent criantes de vérité mais aussi hilarantes entre le “je sais pas vraiment si on doit grandir”, le monde “complètement timbré” et le “un jour, il faudra passer l’âge d’être enfant”. Retour en enfance.
BILAN
Impossible de visionner la totalité de la programmation (et ce n’est pas faute d’avoir essayé en se faisant des journées entières de courts-métrages) mais nous avons bien profité de cette édition, heureuses de découvrir que malgré le contexte perturbé, le millésime créatif 2020 était au rendez-vous (et de qualité) ! Malgré la tristesse de ne pas être en salle avec les ami.e.s, de ne pas s’immerger pleinement dans l’ambiance si caractéristique de ce beau festival, de ne pas partager nos découvertes avec des inconnu.e.s rencontré.e.s dans le hall du Quartz, scène nationale brestoise où se tient habituellement en grande partie le festival, l’édition 2020 fut une belle réussite comme en témoignent ces chiffres :
Un bon anniversaire au Festival Européen du Film Court de Brest, un grand bravo aux équipes et vivement le retour en salles et l’édition 2021 !
Manon Koken et Marine Moutot
8 commentaires sur « Le Festival Européen du Film Court de Brest 2020 »