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Liz débute à peine sa carrière dans le ski et déjà elle brille par sa détermination et son talent. Malgré l’absence de sa mère – qui travaille loin – et la solitude, elle tient bon et se consacre corps et âme à sa passion dans le but d’accomplir son rêve : aller aux Jeux Olympiques. Son entraîneur, Fred, bien que particulièrement dur et cassant avec ses élèves, voit son potentiel et la pousse à donner le meilleur. C’est ainsi que commence l’emprise.
Premier film de Charlène Favier, réalisatrice formée à la Femis, Slalom est l’une des claques découvertes au festival Lumière, sélectionné par le Festival de Cannes 2020. Il traite avec beaucoup de justesse le sujet — peu exposé au cinéma, bien que malheureusement régulièrement évoqué ces dernières années — des violences sexuelles dans le sport.
La cinéaste l’aborde par le biais de ce qu’elle connaît — ayant grandi à la montagne : les sports de glisse, et plus particulièrement le ski. Nous sentons cette maîtrise à travers la mise en scène des compétitions et des entraînements. Les pistes sont impressionnantes, le rythme intense. Les spectateur.trice.s sont, à la fois, subjugué.e.s, stressé.e.s, excité.e.s, plongé.e.s au cœur de la course, comme Liz, l’héroïne. L’actrice Noée Abita, brute et spontanée, est impressionnante par la sensibilité et la force qu’elle donne à son personnage. Malgré son jeune âge et les difficultés, Liz tente toujours de maintenir les apparences pour être indépendante. Les non-dits sont puissants et pesants, mais Noée Abita, par sa réserve, est extrêmement touchante dans son jeu : son dernier sourire triste à son amie Justine, après la victoire, transmet une communication implicite, un échange muet entre elles, mais aussi avec les spectateur.trice.s. C’était donc un très bon choix de confier le rôle à Abita, tellement motivée par cette seconde collaboration (après le court-métrage Odol Gorri) qu’elle ira jusqu’à mentir concernant ses capacités de skieuse qui lui valurent un mois de coaching à Bourg-Saint-Maurice, en Savoie – lieu où se déroule les Arcs Films Festival où le film est mis à l’honneur.
Jérémie Renier est terrifiant et extrêmement convaincant dans son rôle de coach. La réalisatrice définit Fred comme un « homme comme tout le monde qui dérape » et cela fait sens. Elle ajoute le remords et la culpabilité, après la scène de viol, à travers un geste discret de la part de Fred. En évitant la caricature, elle donne la possibilité de nous questionner réellement sur nos propres comportements. Ce n’est pas un monstre qui profite d’une jeune femme, c’est une personne lambda. L’emprise est insidieuse, l’enfermement total, ils sont symbolisés par la dévoration du corps lors du viol. Il culmine dans une magnifique scène baignée d’une lumière rouge — celle de la très belle affiche —, symbolisant le morcellement de l’esprit de Liz dominée par Fred. Cette lumière, tout comme la musique, accompagne et sous-tend l’émotion du personnage. Le montage, intense et très juste, sublime le tout. « On voulait faire un film expressionniste, que ce soit un voyage cinématographique », explique Charlène Favier. L’équipe avait d’ailleurs même pensé, pendant un temps, faire une adaptation du Petit Chaperon rouge. Film communicatif, fruit d’un beau travail d’équipe, Slalom offre un discours universel sur la résilience, la réappropriation du corps et la confiance en soi, extrêmement juste et puissant.
Afin de poursuivre la séance et surtout la réflexion, nous vous recommandons l’écoute du très bon podcast féministe YESSS et de son épisode bonus avec le témoignage d’Élise sur les violences sexuelles dans le sport.
Manon Koken et Marine Moutot
Slalom Réalisé par Charlène Favier Avec Noée Abita, Jérémie Renier, Marie Denardaud Drame, France, Belgique, 1h32 Début 2021 Jour2Fête
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