[TOP] Top 2020 de l’équipe

64,9 millions d’entrées pour 2020, soit 70% de moins qu’en 2019. Du fait de la pandémie de COVID-19, les cinémas sont devenus des lieux à risque, considérés comme non essentiels, au même titre que les théâtres, opéras et autres salles de spectacle. Avec ces 6 mois de fermeture, le secteur a vécu son année la plus sombre en France et dans le monde. Malgré les belles sorties du cinéma indépendant, les spectateur.rice.s ne furent pas forcément au rendez-vous, refroidi.e.s par les interrogations sanitaires et une couverture médiatique focalisée sur l’absence des blockbusters estivaux. Pourtant, certains films plus confidentiels ont réalisé des entrées admirables et ont bénéficié d’une exposition assez rare. Condor Distribution a réalisé son plus beau score avec le magnifique L’Ombre de Staline d’Agnieszka Holland, sorti dès la réouverture des salles fin juin. De même que la comédie Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal totalise 747 942 entrées deux mois après sa sortie. En octobre, alors que les spectateur.rice.s commençaient à retrouver le chemin des salles grâce à des sorties particulièrement attendues (Adieu les cons qui comptabilise 300 000 entrées en une semaine, alors que le couvre-feu fait rage – preuve que les spectateur.trice.s sont heureux.ses de retrouver les cinémas -, Drunk, Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary, Petit Vampire) et festivals (Deauville, Lumière), le reconfinement du 30 octobre prononcé par le gouvernement sonne le glas d’une triste année. Le 24 novembre, le président Emmanuel Macron annonce que les lieux culturels pourront rouvrir à partir du 15 décembre avec un couvre-feu. Quelques semaines plus tard, la réouverture n’est toujours pas actée et nous en saurons normalement plus le 7 janvier 2021. Cette décision a été validée par le Conseil d’État le 22 décembre, malgré la mobilisation.

Heureusement, le secteur culturel est plein de ressources et se réinvente au quotidien pour faire face à la crise. Beaucoup de festivals ont développé des éditions en ligne : le Festival Européen du Film Court de Brest, le Champs-Elysées Film Festival, le Festival international du film d’animation d’Annecy, le festival Entrevues de Belfort, Format court, le Festival des 3 continents, Les Arcs Film Festival, et tant d’autres. Pour garder le contact avec leur public, certaines salles ont organisé des séances en ligne via des interfaces comme La Toile ou La 25e heure. Des initiatives en ligne se sont également développées : celle de Dulac Cinémas et son recueil Pourquoi les cinémas sont essentiels ou encore la proposition d’une filmographie quotidienne La Maison à l’écran par Le Grand Action.

Choisir notre top 7 annuel fut une expérience étrange car, bien que de très belles œuvres aient vu le jour sur grand écran, énormément de sorties très attendues ont été repoussées. Nous avons donc choisi d’inclure la VOD et les productions des plateformes.

Espérons que 2021 se déroule sous de meilleurs auspices…

Par Manon Koken, Marine Moutot, Johanna Benoist, Clémence Letort-Lipszyc, Marine Pallec et Lucie Dachary .


Manon Koken

Malgré les difficultés du secteur dues à la pandémie, l’année – ou plutôt les quelques mois d’ouverture des salles – fut riche en découvertes, notamment du côté de l’animation. Les salles ont vécu deux grosses périodes de belles sorties, l’une en janvier avant le premier confinement, l’autre en octobre juste avant le second. Ce top en est, en grande partie, le reflet. Cette année, nous avons aussi eu la chance d’écumer quelques festivals avec Marine Moutot, en live (Allers-Retours, Clermont, L’Étrange Film Festival, Lumière) et online (Champs-Elysées Film Festival, Annecy, Festival européen du film court de Brest, Les Arcs Film Festival), événements riches en pépites que nous gardons précieusement, du fait des reports, pour notre top 2021 (Nomadland, Slalom, Le Peuple loup). Pour conclure, pas de flop cette année, l’intérêt était moindre au vu de l’actualité, mais une énorme envie de reprendre le chemin des salles auxquelles chacune d’entre nous déclare son amour en 7 films et, évidemment, d’écrire. 

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  1. Swallow – Carlo Mirabella Davis

    Découvert lors d’une rencontre avec le réalisateur Carlo Mirabella Davis au UGC Les Halles, Swallow a été le premier coup de cœur de mon année. Extrêmement pertinent dans son propos – traiter de la souffrance et de la domesticité d’une femme – et impeccable dans son esthétique, ce premier film est impressionnant de justesse. L’osmose totale de la mise en scène avec le ressenti du personnage perce l’écran pour nous atteindre dès les premières minutes. Hâte de découvrir le prochain long-métrage du jeune cinéaste prometteur !

  2. Drunk – Thomas Vinterberg

    Avec Adieu les cons, Drunk était notre grande attente, avec Marine Moutot, parmi les avant-premières cannoises de la programmation du Festival Lumière. Et nous n’avons pas été déçues du résultat. Encore un pitch original interprété avec justesse par le quatuor d’amis incarné par Mads Mikkelsen, Thomas Bo Larsen, Magnus Millang et Lars Ranthe. Et puis cette BO, impossible de s’en lasser ! Une très belle réalisation pour Thomas Vinterberg après l’assez décevant La Communauté (2016).

  3. Jojo Rabbit – Taika Waititi

    Grande fan du travail Taika Waititi (Vampires en toute intimité, Boy), j’attendais cette sortie avec impatience. Qui mieux que le réalisateur néo-zélandais pouvait adapter un pitch aussi étonnant à l’écran ? Débordant d’inventivité et d’humour, il aborde avec audace le nazisme et la Seconde Guerre mondiale et réussit à faire rire – et aussi pleurer -, là où nous pensions que cela n’était pas possible. Avec son casting aux petits oignons rassemblant notamment Sam Rockwell, Scarlett Johansson et Rebel Wilson, Jojo Rabbit est un incontournable de 2020. Et puis Taika Waititi joue Adolf Hitler, tout de même !

  4. Kajillionaire – Miranda July

    Kajillionaire a été pour moi la belle surprise de L’Étrange Film Festival. Derrière ce synopsis très alléchant, je connaissais mal le travail de la réalisatrice et ne savais donc pas à quoi m’attendre. Très bien m’en a pris ! La découverte n’en fut que plus jubilatoire. Burlesque à souhait, ce troisième long-métrage plonge dans le quotidien absurde d’une famille totalement dysfonctionnelle. L’intrigue se noue autour d’Old Dolio, la fille, incarnée par une très convaincante Evan Rachel Wood, à laquelle nous nous retrouvons irrémédiablement lié.e.s, espérant que, pour elle, tout s’arrange.

  5. L’extraordinaire voyage de Marona – Anca Damian

    Comme je le disais plus tôt, 2020 promettait d’être une année animée – au niveau cinématographique -, tout comme l’avait été 2016 avec ses très beaux La Tortue rouge (Martin Dudok de Wit), Ma Vie de Courgette (Claude Barras), La jeune fille sans mains (Sébastien Laudenbach) et Dans un recoin de ce monde (Sunao Katabuchi). Quatre ans ayant passé, le nouveau Tomm Moore se dessinait à l’horizon (Le Peuple loup), tout comme la production Disney de fin d’année (Raya et le dernier dragon, Don Hall & Carlos Lopez). Finalement, Pixar aura réussi à sortir son dernier-né, Soul (Pete Docter & Kemp Powers), à Noël, non pas en salles mais sur la plateforme Disney +. En ce début d’année 2020, nous étions loin de nous douter que les belles sorties tant attendues seraient reportées indéfiniment et nous découvrions, émerveillé.e.s, L’extraordinaire voyage de Marona, qui réussit à raconter à merveille le ressenti canin et l’expérience de la vie, grâce aux magnifiques dessins de Brecht Evens. Son univers riche et l’inventivité de son scénario lui ont fait rater de peu un Cristal du long-métrage, remis à Calamity

  6. Adieu les cons – Albert Dupontel

    Le nouveau Dupontel est à la hauteur des espérances ! Avec son trio magnifiquement burlesque formé par Virginie Efira, Albert Dupontel et Nicolas Marié, le film nous entraîne dans une fantastique course-poursuite qui jamais ne s’essouffle. Ces perdants magnifiques tentent le tout pour le tout afin d’offrir une vie meilleure à celui qui n’a jamais connu sa mère. Le tout, incognito. Comme toujours, l’univers est décalé et la verve piquante. Et nous nous y replongeons avec joie. Alors que les lumières se rallument, nous aimerions tellement rester à leurs côtés pour que jamais l’histoire ne finisse. 

  7. Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary – Rémi Chayé

    Depuis son premier long-métrage très réussi, Tout en haut du monde (2015), nous attendions avec impatience le nouveau Rémi Chayé. Après Sasha la jeune aristocrate russe partant à l’aventure, c’est au tour de Calamity Jane de briser ses chaînes. L’idée merveilleuse de lui inventer une enfance – dont nous ne savons historiquement que très peu – a germé et donné un film intelligent, haletant et féministe. Au rythme de chevauchées effrénées, nous découvrons les plaines infinies et colorées du Grand Ouest. Le sentiment de liberté nous emporte aux côtés de Calamity !


Marine Moutot

2020 a commencé en beauté, en trois mois je découvrais Swallow, sortie le 15 janvier, puis Séjour dans les monts Fuchun et La Communion. Une semaine après le premier confinement (vraie massue qu’on n’attendait pas) devait sortir L’Ombre de Staline que j’avais eu la chance de voir en projection presse. Et 2020 est devenue une année cauchemardesque sur le plan des sorties repoussées à l’infini (grosse attente pour le James Bond entre autres), de films passés directement sur plateformes (qu’on oubliera malgré la qualité de certains comme le Pinocchio de Matteo Garrone). Et puis il y a eu les festivals annulés, les réunions entre nous, les moments de partage cinéphile. Le petit écran a remplacé le grand, pendant quelques instants. Mais dès que les salles ont rouvert, il a fallu rattraper le temps perdu. Puis à nouveau la fermeture alors que des films forts et porteurs étaient à l’affiche, comme les excellents Drunk de Thomas Vinterberg et Adieu les cons d’Albert Dupontel. Impossible de ne pas mentionner les magnifiques Slalom de Charlène Favier découvert au Festival Lumière en octobre dernier – que nous avons eu la chance de couvrir avec Manon – qui devait sortir le 16 décembre ainsi que Nomadland de Chloé Zhao (prévu le 30 décembre). Ces chefs-d’œuvres auraient dû être en deuxième et troisième places de mon top 2020. Ils le seront sans doute en 2021. Et alors que l’ouverture des salles est encore dans l’incertitude, revenir sur nos coups de cœur fait quand même du bien. Des films forts et puissants qui font que 2020 n’était pas si mal, malgré tout (ou aurait pu être pire).

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  1. Swallow – Carlo Mirabella Davis

    Toucher du doigt à une bille, sentir sur la langue une punaise, avaler une pile électrique. Ce que le jeune cinéaste américain Carlo Mirabella Davis réussit le mieux, c’est de nous mettre à la place d’Hunter. Atteinte du syndrome de Pica (qui consiste à ingurgiter des objets en tout genre), Hunter est emprisonnée dans une grande et belle maison en verre. Dans un rôle qui ne lui convient pas, elle trouve la libération et la réappropriation de son corps à travers ce syndrome. Magistralement filmé, délicat et universel, ce long-métrage est le véritable coup de cœur de cette année.

  2. L’Ombre de Staline – Agnieszka Holland

    La cinéaste polonaise réalise avec L’Ombre de Staline un grand film sur une des catastrophes majeures du XXe siècle, dont peu ont entendu parlé : l’Holodomor (qui désigne la grande famine, causée par L’URSS, en Ukraine et dans le Kouban de l’été 1931 à l’été 1933). À travers le portrait de l’idéaliste journaliste Gareth Jones et grâce à un parallèle judicieux avec La Ferme des animaux de George Orwell, qui s’inspire de cette période, le film retrace avec effroi les machinations pour briser un peuple en l’affamant. Vif et inventif dans la mise en scène, L’Ombre de Staline est un film nécessaire.

  3. Never Rarely Sometimes Always – Eliza Hittman

    Ours d’argent à la Berlinale en 2020, le troisième film de la cinéaste et scénariste américaine Eliza Hittman, Never Rarely Sometimes Always aborde la question controversée de l’avortement aux États-Unis. En restant toujours aux côtés de son personnage principal, il s’agit d’un film puissant dont le titre tire sa source d’une scène centrale et bouleversante. La charge émotionnelle du récit est concentrée dans cette séquence au centre d’avortement de New York. Âpre, dur et douloureux, ce voyage est soutenu par la mise en scène sobre de la réalisatrice.

  4. A Dark-Dark Man – Adilkhan Yerzhanov

    Le deuxième film du cinéaste kazhak Adilkhan Yerzhanov, après le très beau Toute l’indifférence du monde (2018), est un film noir poétique. Alors que le film s’ouvre sur la beauté des paysages du Kazakhstan et sur l’horreur humaine – le cadavre d’un jeune garçon, un pot-de-vin et un policier qui mange un plat de nouilles instantanées au-dessus du corps -, le récit est perturbé par la présence d’une femme. Investigatrice, elle est le grain de sable qui brise la machine. Elle est également celle qui ajoute de la magie. Véritable ode à l’innocence et à la liberté, ce film est surprenant et brutal. Une excellente surprise.

  5. La Communion – Jan Komasa

    Qui sont les vrais imposteurs ? Le récit de Jan Komasa est un éloge à la sincérité et à la vérité, mais pas à celles que l’on pense. Nous suivons le jeune Daniel qui, à cause de son passé, ne peut pas faire des études de séminariste pour devenir religieux. Quand il arrive dans un petit village pour devenir menuisier, il se fait passer pour un prêtre. Commence alors pour lui une vie de respect et d’intégrité. Non plus regardé comme un paria, il tente de faire le bien dans cette communauté qu’un drame sépare. Humaniste, ce film nous en dit beaucoup sur la nature humaine.

  6. Séjour dans les monts Fuchun – Gu Xiaogang

    En racontant l’histoire d’une famille prise entre les monts Fuchun, le jeune cinéaste chinois Gu Xiaogang, qui réalise ici son premier film, offre un grand long-métrage sur l’essence humaine. Avec un regard critique tout en étant à bonne distance des personnages, il dessine la Chine boursouflée entre l’argent et les villes qui doivent toujours plus s’agrandir. Le rythme lent du fleuve rythme ce film au scénario ingénieux et à la mise en scène majestueuse.

  7. La Folle ingénue (ressortie) – Ernst Lubitsch

    La folle ingénue du titre c’est Cluny Brown. Interprétée par l’excellente et trop rare Jennifer Jones, cette jeune femme est intelligente et naive ne sait pas où est sa place. Alors qu’elle devient servante dans une grande demeure anglaise, son chemin recroise l’écrivain exilé Adam Belinski (joué par l’acteur français Charles Boyer). Ces deux naufragés dans la bourgeoisie de la campagne anglaise forment un couple savoureux. Entre quiproquos, jeux de mot et nombreuses allusions sexuelles à peine voilées – à coup de plomberie -, cette comédie d’Ernst Lubitsch est divine. Incisive sur la question de la société de classe et sur la condition féminine, cette découverte datant de 1946 a été possible cette année grâce au distributeur Ciné Sorbonne. 


Johanna Benoist

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  1. Light of my Life – Casey Affleck

    S’appuyant d’abord sur l’imaginaire du spectateur, Light of my Life livre une nouvelle variation, fine et personnelle, de l’errance post-apocalyptique : davantage qu’un survival, il s’agit du portrait d’une relation père-fille et d’une réflexion sur la possibilité d’un Après.

  2. Swallow – Carlo Mirabella-Davis

    La forme épouse le fond dans cette parabole de l’enfermement domestique. Ce qui aurait pu être un nouveau The Hours (Stephen Daldry, 2002) s’avère un récit d’émancipation intemporel et singulier.

  3. Le Gang Kelly – Justin Kurtzel

    La mise en scène de Justin Kurtzel porte le scénario scolaire de ce film directement sorti en VOD : duelle, comme le personnage principal campé par George Mackay, elle oscille entre poésie et fulgurance.

  4. The King of Staten Island – Judd Apatow
    Sous ses abords classiques, The King of Staten Island est comme son personnage, toujours en équilibre. Entre drame et comédie, loin du potache et de la caricature, c’est un film drôle et touchant. L’acteur Pete Davidson est brillant – la part autobiographique du récit n’y est sans doute pas pour rien.
  5. La CommunionJan Komasa

    À la fois emprunt de spiritualité, profond et ambivalent, La Communion dévoile au fil de son récit les secrets et les divisions des habitants d’un petit village polonais marqué par le deuil. Les faux-semblants ne sont pas ceux que l’on croit et la tentation du manichéisme, plus forte que le pardon, entache les cœurs et les relations.

  6. L’Adieu – Lulu Wang

    Malgré quelques longueurs, ce nouveau film sino-américain sur la famille interroge le mensonge et la fatalité sans tomber dans le pathos. La résistance du personnage principal – mais non son refus – confère au film sa charge émotionnelle.

  7. Jojo Rabbit – Taika Waititi & Le Cri du Faucon –  Tyler Nilson et Mike Schwartz

    En 2020, nous avions grand besoin de feel good movies et, pourtant, ils sont peu nombreux à avoir marqué l’année. Si le pari osé de Jojo Rabbit éclipse Le Cri du Faucon, les deux sont réjouissants et bon enfant.


Clémence Letort-Lipszyc

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  1. Ema – Pablo Larrain

    La passion et la perdition d’une mère à la recherche de son fils sont au cœur de ce portrait de femme. Toute la souffrance d’Ema est habilement retranscrite visuellement par de longs instants de danse et une ambiance nocturne. Une sorte de chute dans les ténèbres pour une femme animée d’une force et d’une rage sans égales. La dernière œuvre de Pablo Larrain est une performance cinématographique éblouissante accompagnée d’une partition de Nicolas Jaar. 

  2. Akira (ressortie) – Katsuhiro Ōtomo

    Conte cyberpunk, Akira explore brutalement le mythe de l’Homme amélioré au sein de la recherche militaire. Ses expériences dérangeantes et son ambiance post-apocalyptique déconstruisent l’idéalisation de la science. Si l’œuvre a été visionnaire et fondatrice de l’univers de l’animé lors de sa sortie en 1988, elle demeure aujourd’hui un voyage hors-du-temps dans les abysses tokyoïtes. Pour tous les amateurs du genre, le film est une parenthèse rétro comme on les aime.

  3. La Communion – Jan Komasa

    La communion est la rencontre inattendue d’un jeune délinquant se tournant vers la profession de prêtre en guise de rédemption, et celle d’un village en quête d’un nouveau guide spirituel. Le non-conventionnel affronte la tradition dans une Pologne rurale dans laquelle le héros tente de construire son nouveau foyer. Choc des procédés mais unis dans une même ambition, villageois et prêtre n’aspirent qu’au droit à une seconde chance dans une vie qui ne leur a fait aucun cadeau. Tout en finesse d’écriture et d’interprétation, le film est percutant d’humanité.

  4. Drunk – Thomas Vinterberg

    Le réalisateur danois retrouve sa bande de comédiens et nous livre une histoire enivrante. D’une expérience plutôt controversée initiée par le groupe d’amis, se dégage un portrait touchant et réaliste de ses protagonistes livrés à eux-mêmes. Dans la pudeur scénaristique qu’on lui connaît, Vinterberg dépeint la solitude, les doutes et la solidarité de quatre hommes dans ce qui demeure l’une de ses meilleures dernières réalisations.  

  5. The Gentlemen – Guy Ritchie

    Après quelques propositions plutôt dénuées de charme scénaristique (Aladdin, Le Roi Arthur), Ritchie retrouve un cinéma qui lui va si bien : une poignée de gangsters plus ou moins bien armés et expérimentés, s’affrontant autour d’un butin communément envié dans une série de trahison, cambriolage et autre malversation. La recette fonctionne toujours et c’est avec pas mal de légèreté, beaucoup de classe et une pointe d’humour so british que le film explore une nouvelle histoire avec une distribution de haute voltige.

  6. Swallow Carlo Mirabella Davis

    À ceux qui imaginaient voir un film d’horreur, Swallow répond avec intelligence. Face à l’enfermement sociétal que sa condition d’épouse modèle implique, une femme vit un cauchemar éveillé. Le film n’est jamais gore et toujours dans la justesse des émotions. Il ne s’agit pas d’un huis-clos, et pourtant l’héroïne brise les murs de sa prison doré dans cette puissante ode à la liberté.


Marine Pallec

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  1. Kajillionaire Miranda July

    Artiste aux multiples talents (autrice, réalisatrice, musicienne…), Miranda July met cette fois-ci son esprit génial au service d’un coming of age complètement barré. Adepte de l’humour absurde, le film de July ne ressemble sans doute à aucun autre mais reflète indéniablement ce qu’il existe de meilleur dans le milieu du cinéma indé américain. Soutenue par de belles performances, cette plongée au cœur d’une famille de marginaux hautement dysfonctionnelle offre une comédie singulière, à la fois incisivement drôle et incroyablement sincère. Une réussite.

  2. La nuit venue – Frédéric Farrucci

    Situé dans le milieu de la mafia chinoise parisienne, La nuit venue est une des très bonnes surprises de cette année. Mettant en scène une communauté habituellement délaissée par le cinéma français si ce n’est pour servir des comédies à l’humour bien gras, Frédéric Farrucci construit dans son premier long métrage un polar atmosphérique et oppressant autour des tribulations de deux âmes solitaires. Porté par une excellente B.O et un très bon duo de comédiens (Camélia Jordana et, surtout, Guang Huo – révélation du film que l’on espère revoir très bientôt sur les écrans), La nuit venue s’inscrit comme un film sombre et poignant à (re)voir absolument.

  3. Jojo Rabbit – Taika Waititi

    Il n’y avait sans doute que Taika Waititi pour oser – et réussir – à conter pareille histoire. En adoptant le point de vue d’un jeune enfant nourrissant une amitié avec un Adolf Hitler imaginaire dans l’Allemagne de la Seconde Guerre mondiale, le néo-zélandais met toute sa fantaisie et son humour pince sans rire au profit d’une brillante histoire d’émancipation. Film plus profond qu’il n’y paraît, Jojo Rabbit révèle subtilement au travers du regard candide de son héros toutes les cruautés les plus insidieuses du IIIe Reich. Soutenu par un casting épatant (Sam Rockwell, Scarlett Johansson…) Jojo Rabbit s’inscrit comme l’une des expériences de cinéma les plus émouvantes et singulières de cette année.

  4. La Cravate – Etienne Chaillou et Mathias Thery

    Documentaire retraçant le parcours d’un jeune poulain de l’extrême droite dans un territoire picard délaissé par les partis conventionnels, La Cravate offre une plongée rare et fascinante dans les coulisses du RN. Là où le film aurait pu se contenter de dresser un portrait à charge ou a contrario de tomber dans la naïveté et la complaisance vis-à-vis de son protagoniste et de ses idées, le documentaire réussi son brillant exercice, en naviguant avec intelligence entre langue de bois et complicité, éléments de langage et vraie intimité pour réussir à établir un récit sans concessions.

  5. 1917 – Sam Mendes

    Sorti en début d’année chez nous, le nouveau film de Sam Mendes offre un spectacle unique, à la fois poétique et mortifère. Avec une trame narrative réduite au minimum (durant la Première Guerre mondiale, deux soldats anglais tentent de rejoindre un bataillon pour les prévenir d’un piège tendu par les Allemands), Mendes met en scène toute l’horreur du conflit au cours de deux (faux) plans séquences dantesques. Brillant exercice de réalisation renforcé par la B.O de Thomas Newman et le travail exceptionnel du chef opérateur Roger Deakins, qui offre à 1917 ces moments les plus mémorables, le film s’inscrit comme expérience à la fois prenante et bouleversante dont la réussite s’affirme dans tous les aspects de sa mise en scène

  6. Effacer l’historique – Gustave Kervern et Benoît Delépine

    Sans doute les derniers punks du cinéma français (avec Albert Dupontel), Gustave Kervern et Benoît Delépine reviennent en force avec cette histoire mettant en scène trois ex-gilets jaunes en lutte contre les dérives des GAFA. Une sorte de récit de David contre Goliath donc, où les deux réalisateurs font preuve de tout leur talent pour montrer avec humour et tendresse la trajectoire de ces personnages profondément humains, en rébellion contre un monde qu’ils comprennent de moins en moins. Uberisation de la société, protection des données personnelles, applications de rencontre…tout y passe ici dans un cocktail explosif, à la fois drôle et touchant. Un film qui vous donnera à coup sûr envie de balancer votre smartphone par la fenêtre la prochaine fois qu’il vous demandera d’accepter les cookies d’une page internet.

  7. Family Romance LLC.  – Werner Herzog

    Dans son dernier opus, l’irréductible cinéaste allemand explore au travers d’une semi-fiction la location de « proches », secteur en plein effervescence au Japon. Burlesque et métaphysique, Family Romance, LLC. dévoile les coulisses d’un business aussi complexe que fascinant, construit sur des faux-semblants et sur la fabrique des émotions alors que les véritables sentiments et l’intimité sont relégués à l’ultime tabou. Au travers d’une ballade douce amère, à la fois contemplative et pleine d’humour, Herzog offre ici une expérience poétique et dépaysante que l’on ne saura que trop vous conseiller.


Lucie Dachary

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  1. Uncut Gems – Benny & Josh Safdie

    Les Frères Safdie signent avec Uncut Gems leur cinquième long métrage, acmé d’un cinéma dont ils ont défini le style nerveux depuis une dizaine d’années. Ils filment une fois de plus l’underground new-yorkais, en suivant cette fois-ci les déboires invraisemblables d’un diamantaire véreux. Après le magnétique Robert Pattinson dans Good Time, c’est Adam Sandler qui incarne avec brio et nuance l’antihéros de ce conte moderne au cœur du Diamond District. Drôle, tragique, épuisant mais époustouflant, Uncut Gems reste à ce jour la plus grosse claque de cette année de cinéma.

  2. Adolescentes – Sébastien Lifshitz

    Filmer le parcours de deux jeunes filles sur cinq années, c’est le pari de Sébastien Lifshitz, qui s’attache à capturer le temps qui coule dans chacune de ses œuvres. Avec une rare bienveillance et une grande pudeur, le réalisateur s’immisce dans l’intimité d’Emma et d’Anaïs et filme les petits et les grands moments avec une importance égale. Il replace les images de ces trajectoires uniques dans un contexte national universel. L’émotion est brute, c’est celle des questionnements liés aux premières fois et aux choix constitutifs de l’avenir de chacune, ou comment le destin nous lie puis nous sépare. C’est l’histoire de deux adolescentes, c’est celle de tous les adolescents.

  3. The King of Staten Island – Judd Apatow

    Judd Apatow dans mon top, ce n’était pas une évidence – d’autant plus que je n’ai vu aucun de ses films! The King of Staten Island figure pourtant parmi les heureuses découvertes sur grand écran de cette année. À travers le portrait d’un ado attardé marqué par la mort de son père pompier qui n’accepte pas l’arrivée d’un nouvel homme dans la vie de sa mère, le réalisateur signe une comédie semi-autobiographique réussie. Le film m’a touchée par sa sincérité et son dosage efficace entre humour et drame, qui m’aura fait oublier les bons sentiments qui tendaient à l’alourdir un peu.

  4. Elephant Man (ressortie) – David Lynch et Crash (ressortie) – David Cronenberg

    Si les sorties se sont faites plus rares au cinéma en 2020, de superbes ressorties orchestrées par le distributeur Carlotta ont mis en lumière des films majeurs, Elephant Man (1980) et Crash (1996). Il était temps de réhabiliter Elephant Man, tout d’abord, qui retrace le parcours de John Merrick, homme difforme sauvé des freakshows par le chirurgien Frederick Treves. Film de commande pour lequel Alan Parker avait été pressenti à la réalisation, c’est finalement le jeune David Lynch qui s’en empare pour son second long métrage. Contrairement à mes souvenirs embués, Elephant Man recèle tous les ingrédients constitutifs de son cinéma malgré une facture classique. Onirisme, expérimentation, noirceur, exploration des marges et des bas-fonds, un conte cruel servi par de grands acteurs, que j’ai redécouvert avec émotion. 

    Dans une autre veine, le controversé Crash, adapté de la Trilogie de béton de J.G.Ballard a su prouver avec cette ressortie qu’il méritait son aura de film “culte”, en mettant en scène un couple qui cherche à redonner un sens à une passion éteinte grâce à ses accidents de voiture. Les lettres métallisées et irrégulières du générique qui défilent accompagnées de la bande son électrique d’Howard Shore nous plongent dans une atmosphère glacée dès les premières images. Pulsions de vie, pulsions de mort, la galerie de personnages aux désirs complexes que dépeint Cronenberg lui donne l’occasion de traiter avec maestria ses thèmes de prédilection, comme celui de la fusion de l’homme et de la machine.        

  5. Madame – Stéphane Riethauser

    Madame, c’est Caroline, la grand-mère de Stéphane, femme d’affaire flamboyante et pionnière née des années 20, au travers de laquelle le réalisateur s’est construit. Grâce à de nombreuses images d’archives, Stéphane Riethauser retrace son parcours, des mensonges d’un enfant modèle de la bourgeoisie genèvoise à l’affirmation de son homosexualité. Deux parcours forts et fusionnels entremêlés sur trois générations, celui d’une femme qui n’a jamais voulu dépendre d’un homme, et celui d’un homme qui a su remettre en question les tabous de sexualité et de genre et faire voler en éclat les carcans patriarcaux dans lesquels il a grandi. Un documentaire sensible, drôle et percutant.

  6. Eva en août – Jonas Trueba

    Eva, 33 ans, décide de rester à Madrid pour le mois d’août, tandis que ses amis sont partis en vacances. Les jours s’écoulent dans une torpeur madrilène festive et joyeuse et sont autant d’opportunités de rencontres pour la jeune femme. On a tous vécu ces journées d’été longues et légères, au cours desquelles on déambule seul dans une ville avec la sensation de la découvrir pour la première fois. On y fait des rencontres, on se pose des questions existentielles – qui est le plus heureux, celui qui a voyagé ou celui qui a construit toute sa vie dans la même ville? Le réalisateur espagnol Jonas Trueba narre avec poésie et fantaisie une fable aux accents rohmériens qui fleure bon l’été.

    7. Drunk Thomas Vinterberg

    Le verre à moitié vide, c’est ainsi que les quatre amis de Drunk définissent l’alcoolémie moyenne. Selon une théorie, l’homme aurait un déficit d’alcool dans le sang dès la naissance. Bien décidés à mener à bien leur expérience, ils vont mettre en pratique cette étude psychologique en augmentant petit à petit les doses. Si l’alcool désinhibe et redonne le goût de vivre aux cobayes, l’expérience dérape rapidement. Les penchants de chacun  sont exacerbés, le quotidien devient vite un chaos. L’un des maîtres du Dogme 95 (avec Festen, 1998) sans être moraliste, pose un regard tragicomique sur des antihéros en proie à des questionnements existentiels. Une fable jubilatoire sur l’amitié et les excès, servie par une mise en scène élégante et un casting irréprochable. 

Publié par Phantasmagory

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