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Pour fêter le Nouvel An lunaire et la Saint-Valentin, quoi de mieux que de vous proposer notre top des meilleures séries romantiques sud-coréennes de 2020 ? La romance, comme nous l’avons vu l’année dernière, se décline en nombreux sous-genres et donne ainsi lieu à des histoires plus ou moins originales. Aux yeux des non initié.e.s, le genre peut paraître niais ou, au mieux, un peu fleur bleue. Pourtant, si ces séries sont bien évidemment remplies de romance et d’histoires d’amour, certains récits se révèlent captivants et abordent différents thèmes de la culture sud-coréenne.
Cette année, Johanna n’est plus seule, car Marine a tenté l’aventure du drama coréen. Après une présentation des obstacles usuels de la romance, elles vous proposeront six séries qui sortent du lot, dont la diffusion s’est terminée entre janvier et décembre 2020, et finiront par une analyse de leurs coups de cœur.
Retour sur un genre et ses codes
Ils s’aiment mais tout les sépare. Familles ennemies, belle-mère jalouse, malédiction vengeresse, les obstacles s’accumulent pour empêcher les amants de s’aimer. Qu’elles se terminent tragiquement ou par un happy end, ces histoires nous fascinent et traversent les âges. Cendrillon, ce conte de fées où le prince charmant s’éprend et part à la recherche d’une jeune fille rabaissée au rang de servante, irrigue les productions sud-coréennes, dans lesquelles, souvent, un riche héritier et/ou chef d’entreprise s’amourache d’une pauvre fille. Bien que ce motif tende à s’inverser ou à disparaître, cette année encore, dans When my Love Blooms (화양연화 – 삶이 꽃이 되는 순간), les amants sont séparés par leurs classes sociales : l’homme d’affaire Han Jae Hyon (Yu Ji Tae) retrouve son amour de jeunesse, Yun Ji Su (Lee Bo Yeong), devenue mère célibataire et enchaînant les petits boulots. L’obstacle permet la rencontre de deux univers, de personnages que tout oppose et qui doivent composer avec leurs différences. Dans Mystic Pop-Up Bar (쌍갑포차), la Reine refuse que le prince héritier épouse la chamane qui l’a guéri. Pour mettre fin à leur amour, elle n’hésite pas à commanditer le meurtre de la jeune femme. Autre motif fréquent : le triangle amoureux. Que l’hésitation de l’héroïne entre deux personnages masculins soit le ressort principal de l’intrigue comme dans Born Again (본 어게인), ou que le.a rival.e intervienne dans la deuxième moitié de la série pour mettre des bâtons dans les roues du couple principal, ce motif a longtemps eu la part belle. Dans Record of Youth (청춘기록), alors que la relation entre le mannequin et acteur Sa Hye Jun (Park Bo Gum) et la maquilleuse An Jeong Ha (Park So Dam) commence tout juste, le meilleur ami du héros (Byeon Wu Seok) tombe aussi amoureux de Jeong Ha et tente – mettant ainsi à mal son amitié – de la séduire et de lui faire comprendre son amour. Le titre même de Do You Like Brahms ? (브람스를 좋아하세요?) fait référence au trio amoureux des compositeurs et pianistes Johannes Brahms, Clara Schumann et Robert Schumann. Les deux personnages principaux (Park Eun Bin et Kim Min Jae) sont amoureux d’amis qui sont en couple. Lorsqu’ils s’éprennent l’un de l’autre, se forme alors non plus un triangle amoureux mais un hexagone amoureux. Dans Itaewon Class (이태원 클라쓰), une situation similaire se joue. Le héros, Park Sae Roy (Park Seo Jun), est amoureux de son amie d’enfance, Oh Su Ah (Kwon Na Ra), depuis plus de 10 ans. Quand la jeune Jo Yi Seo (Kim Da Mi) vient l’aider à monter son bar, elle tombe amoureuse de lui. À côté, l’ennemi de Sae Roy (Ahn Bo Hyun) est aussi amoureux de Oh Su Ah et son petit frère (Kim Dong Hee) est sous le charme de Jo Yi Seo. Telle une toile d’araignée, les relations amoureuses – pour la plupart impossibles – tapissent ce drama.
Si, parmi les obstacles rencontrés par les personnages, certains tendent à être abandonnés par les scénaristes, d’autres semblent intemporels. Mensonges et déguisements empêchent bien souvent les héros de se livrer totalement à leur amour et finissent par le compliquer. Masques, dissimulations et impostures abondent encore cette année. Les scénarios de Reine : Amour et Guerre (Queen : War and Love, 간택 – 여인들의 전쟁), Start-Up (스타트업) et La Fleur du Mal (Flower of Evil, 악의 꽃) reposent tous trois sur une usurpation d’identité. Dans Start-Up, l’un des personnages principaux écrit des lettres à l’héroïne sous un faux nom. Dans Reine : Amour et Guerre, une jeune fille se fait passer pour sa sœur jumelle. Dans La Fleur du Mal, le personnage principal s’est construit une vie sous l’identité d’un autre. Dans Do Do Sol Sol La Sol (도도솔솔라라솔), le personnage masculin ne change pas d’identité mais, en fuite, se crée une nouvelle vie, là où personne ne le connaît. Les frontières, quand elles séparent les mondes, sont également des obstacles indémodables, particulièrement dans les genres de la fantasy et du fantastique : les amants appartiennent à des mondes parallèles dans The King : Eternal Monarch (더 킹: 영원의 군주) et Train (트레인), au monde magique et à l’humanité dans Tale of the Nine Tailed (구미호뎐). C’est également une frontière qui sépare le couple de Crash Landing on You (사랑의 불시착), celle entre Corée du Nord et Corée du Sud.
Dépassés, les triangles amoureux, les Cendrillons, les Belles et la Bête, bien que cela fonctionne toujours, laissent place à de nouveaux motifs. Si, cette année encore, les opposés créent des étincelles dans It’s Okay to not be Okay (사이코지만 괜찮아), Chocolate (초콜릿), Itaewon Class et Crash Landing on You, ce n’est par exemple plus le cas dans Do Do Sol Sol La La Sol et Find Me in Your Memory (그 남자의 기억법), où l’opposition est motrice de la relation. Des romances comme J’Irai quand il fera beau (When the Weather is Fine, 날씨가 좋으면 찾아가겠어요) et Do You Like Brahms ? proposent même des relations toute douces entre introvertis. Toutefois, malgré ces mutations, les obstacles restent essentiels à la narration. Ils sont des moteurs de l’action, construisent la tension narrative et permettent l’évolution des personnages. À présent, ils se métamorphosent et deviennent intérieurs. La barrière se fait psychique dans nombre de dramas : troubles psychiatriques dans It’s Okay to not be Okay, La Fleur du Mal et Born Again ou traumatisme dans It’s Okay to not be Okay, Chocolate et Find Me in Your Memory.
Les dramas qui suivent participent de cette évolution.
Chocolate (초콜릿) – JTBC – Lee Gyeong Hee & Lee Hyeong Min
Moon Cha Young (Ha Ji Won), talentueuse cheffe cuisinière, retrouve son amour de jeunesse, Lee Kang (Hyun Kye Sang), devenu neurochirurgien. Celui-ci, qui ignorait son nom, ne la reconnaît pas. Alors en couple avec son meilleur ami, Cha Young se tait. De ce non-dit naît le malentendu : Lee Kang prend la jeune femme en aversion. Il devra pourtant la côtoyer au centre de soins palliatifs où ils travaillent tous deux.
Sous des dehors mélodramatiques, Chocolate est un drama tendre et humaniste qui aborde le thème du deuil avec sensibilité. Avec pour message “La vie est trop courte pour être gâchée à nous mentir à nous-même”, il se présente comme une leçon de vie. Davantage que la romance, classique, ce sont les échos entre les personnages principaux, leur relation au monde et leur évolution, en particulier celle du personnage masculin, qui touchent. Les épisodes qui se concentrent sur les patients en fin de vie sont particulièrement émouvants : prévoyez une boîte de mouchoirs.
Disponible sur Netflix
La Fleur du mal / Flower of Evil (악의 꽃) – tvN – Yu Jeong Hee & Kim Cheol Gyu
L’orfèvre Baek Hee Seong (Lee Jun Ki), sa femme Cha Ji Won (Moon Chae Won), inspectrice de police, et leur fille Baek Eun Ha (Jung Seo Yeon) vivent une vie paisible et heureuse. La rencontre avec une ancienne connaissance (Seo Yun Woo) et les meurtres d’un imitateur mettent toutefois leur bonheur en péril : ils pourraient révéler que Baek Hee Seong n’est pas celui qu’il prétend être.
L’image d’Épinal de la jeune femme du peuple confrontée à de riches beaux-parents désagréables est la surface d’un mensonge que les premières minutes dépeignent. Déjà, le malaise s’installe face à l’attitude bien trop guindée de grands-parents qui semblent jouer un rôle. Thriller autant que romance, La Fleur du Mal commence par balader son spectateur jusqu’à ce que celui-ci ne sache plus que croire, avant de dévoiler, petit à petit, les pièces du puzzle. Le couple mis à l’épreuve, loin d’apparaître comme pion d’une morale contre le divorce, est inspirant. Le jeu des acteurs, complices, parfait le tableau et nous fait placer notre foi en la sincérité du personnage principal. Si La Fleur du Mal possède les qualités d’un bon thriller, il n’échappe toutefois pas aux épisodes de trop, qui entachent quelque peu l’ensemble.
Disponible sur Viki
Itaewon Class (이태원 클라쓰) – JTBC – Jo Gwang Jin, Kim Seong Yun & Kang Min Gu
Park Sae Roy est déscolarisé après avoir défendu un élève de sa classe en frappant Jang Geun Won, fils du patron de la société de restauration Jangga. À la mort de son père, renversé Jang Geun Won, Park Sae Roy se retrouve en prison après avoir tenté de se venger. Il monte alors un plan sur dix ans pour faire fortune et dépasser Jangga.
Trois ans plus tard, il sort de prison et ouvre un bar dans le quartier d’Itaewon. Il fait la connaissance de la jeune mais talentueuse Jo Yi Seo, qui va l’aider à populariser le lieu.
Dans la première partie du drama, le récit se concentre davantage sur la vengeance que sur la romance. Pourtant, les sentiments amoureux ont la part belle et restent la motivation de la plupart des personnages. De plus, outre le gain de puissance grâce à l’argent et au pouvoir, la série prône un autre mode de fonctionnement : l’amitié et la fidélité. Plutôt que de chercher l’excellence par la corruption et le mensonge, chercher à être meilleur en étant bien entouré et en n’écrasant pas les autres. En renversant les conventions, la série nous permet d’être inspiré.e.s par la figure taciturne et droite de Sae Roy. Et peu à peu, nous nous attachons aux différents personnages qui l’épaulent. Les femmes sont représentées puissantes et indépendantes. À la fin, l’acteur principal (Park Bo Gum) de Record of Youth — série trop inégale pour faire partie de ce top — fait une brève apparition et annonce une saison 2 à venir. En outre, la nourriture vous fera plusieurs fois saliver. Itaewon Class, qui tire son nom d’un quartier populaire et cosmopolite de Séoul, aborde également la question du racisme et de la transphobie en Corée du Sud. Le message est fort : soyez honnête et fier.e de qui vous êtes.
Disponible sur Netflix
It’s Okay to not be Okay (사이코지만 괜찮아) – tvN – Jo Young & Park Sin Wu
Moon Gang Tae (Kim Soo Hyun), raisonnable et responsable, veille sur son frère autiste, qui souffre de stress post-traumatique. Ko Moon Young (Seo Yea Ji), auteure de contes pour enfants à la personnalité antisociale, jette son dévolu sur le jeune homme.
Le réalisateur Park Sin Wu est décidément un artiste à suivre. Son drama Rencontre (남자친구) faisait aussi partie de notre top 2019. On retrouve dans It’s Okay to not be Okay les petites vignettes d’orfèvrerie qui ornaient les cartons-titres, cette fois pour illustrer les histoires contées par Ko Moon Young. Ces allégories irriguent et éclairent toute la série, ainsi que les contes de fées qui prêtent leur titre aux épisodes. Si certains choix scénaristiques sont gênants et ont valu au drama d’être sanctionné [1], It’s Okay to not be Okay est un récit initiatique autant qu’une romance. Ainsi que l’énonce le conte du premier épisode, les deux personnages principaux ne sont au début que des enfants : “N’oubliez pas [les moments douloureux]. Souvenez-vous de tout et surmontez-[les] : si vous ne [les] surmontez pas, vous serez toujours un enfant dont l’âme ne grandit jamais”. Ils grandiront au contact l’un de l’autre, au contact des autres, et les spectateurs, à qui s’adresse le titre, avec eux.
Disponible sur Netflix
Mystic Pop-Up Bar (쌍갑포차) – JTBC – Ha Yoon Ah & Jeon Chang Geun
Wol Ju (Wang Jung Eum), ancienne chamane, tient le Mystic Bar à Séoul où elle accueille ses clients pour qu’ils s’épanchent sur leur problème. Depuis 500 ans, elle doit résoudre les soucis des humains pour racheter sa faute et ainsi ne pas aller en enfer. Alors qu’il ne lui reste qu’un mois pour atteindre son score de 10 000 cas, elle croise la route du timide Han Kang Bae (Sung Jae). Celui-ci a la capacité de faire parler les gens de leur soucis dès qu’ils le touchent. Un atout non négligeable pour Wol Ju qui ne veut pas finir en enfer.
Ce drama aux airs de manga mélange avec beaucoup d’humour histoire de fantôme et trouble amoureux. Le personnage de Wol Ju permet de plonger dans le passé et de revenir à l’époque où chamanes et princes tombaient amoureux. De plus, l’acteur qui joue Han Kang Bae est Sung Jae, qui était également présent dans le drama Goblins (쓸쓸하고 찬란하神-도깨비, 2016). Si le récit et la mise en scène peuvent parfois sembler un peu poussifs, l’humour des personnages et la tendresse des différentes histoires devraient vous convaincre.
Disponible sur Netflix
Start-Up (스타트업) – tvN – Park Hye Ryeon & Oh Chung Hwan
Suite au divorce de ses parents, Dal-Mi (Suzy) et sa grande sœur In Jae (Kang Han Na) se retrouvent séparées. La grand-mère de Dal-Mi (Kim Hae Suk) demande à Han Ji Pyeong (Kim Seon Ho), un jeune orphelin, d’écrire des lettres à sa petite-fille pour qu’elle ait un ami. Dal-Mi tombe alors amoureuse de Nam Do San, nom de plume de la grand-mère et de Ji Pyeong. Quinze ans plus tard, Dal-Mi n’a toujours pas oublié Do San et, à l’occasion d’une soirée où sa sœur est présente, prétend avoir monté son entreprise avec lui. De son côté, le vrai Do San (Nam Ju Hyeok) est le PDG d’une start-up qui ne décolle pas.
Start-Up a le mérite de tenir en haleine les spectateur.trice.s grâce un récit rythmé et qui se tient jusqu’au seizième épisode. Même s’il joue la carte classique du triangle amoureux, ce drama surprend par ses personnages touchants et tous attachants. C’est que la scénariste qui se cache derrière la série est Park Hye Ryeon, qui a écrit entre autres Pinocchio (피노키오, 2014) et While You Were Sleeping (당신이 잠든 사이에, 2017). Niveau mise en scène, c’est Oh Chung Hwan qui a réalisé le bon Hotel del Luna (호텔 델루나), qui fut un des gros succès de 2019. Ce scénario entre mensonge et entreprenariat saura vous persuader.
Disponible sur Netflix
Explications.
/!\ Le texte qui suit dévoile des éléments clefs des intrigues /!\
La psychologie est au cœur des intrigues de It’s Okay to not be Okay, Chocolate et La Fleur du Mal. Mauvaises expériences et incompréhensions créent autant d’obstacles qui freinent les relations, amoureuses mais également sociales. Les personnages luttent avec les émotions, qu’ils n’arrivent pas à gérer, exprimer, lire ou comprendre. Différents, traumatisés par les actes de leurs parents dont ils ont été témoins et par les représailles dont ils ont pu être victimes, ils luttent contre le déterminisme pour trouver leur identité. Dans It’s Okay to not be Okay, Ko Moon Young, qui est identifiée comme souffrant d’un trouble de la personnalité antisociale, est seule : elle a fait fuir ses amis d’enfance par son comportement inapproprié. Diagnostiqué du même trouble, persuadé d’être incapable de ressentir les émotions, Baek Hee Seong, dans La Fleur du Mal, souffre d’alexithymie : il ne sait pas lire ses propres émotions. Il pense et affirme, à ceux qui connaissent sa véritable identité, n’être en couple que par commodité. Les deux vivent dans l’ombre d’un parent déséquilibré : le conte qui ouvre It’s Okay to not be Okay fait de la mère tyrannique une ombre qui suit son enfant, tandis que le père de La Fleur du Mal est un meurtrier notoire. Pour pouvoir vivre pleinement une relation équilibrée, les personnages principaux doivent se tourner vers la racine de leur mal. Dans It’s Okay to not be Okay, c’est confrontée à une situation qui fait écho à ses traumatismes – un père qui tente de se suicider avec sa fille – que Ko Moon Young rencontre Moon Gang Tae. Elle le suit jusqu’à sa ville natale, où elle s’installe dans sa maison d’enfance : dans le manoir gothique, symbole de sa psyché, elle devra faire face aux démons et cauchemars de son enfance. Le héros de La Fleur du Mal ne peut non plus échapper au passé : une victime du père le prend pour cible, un assassin imite les meurtres du père, un tueur se fait passer pour lui, tout converge pour l’obliger à rendosser sa véritable identité. Affronter le passé leur permettra d’apprendre à composer avec eux-mêmes et avec les autres : ces enfants qu’elle avait fait fuir, ce sont précisément ceux avec lesquels Ko Moon Young créera enfin des liens forts, à commencer par Moon Gang Tae. Étonnamment pour un drama qui part du classique duo rude héritier/gentille plébéienne, c’est également leur lourd passé qui empêche Moon Cha Young et Lee Kang d’embrasser leur amour dans Chocolate. L’un, orphelin d’une mère méprisée par sa riche famille paternelle, fut arraché à sa ville natale par cette même famille, qui a décidé d’en faire leur successeur. L’autre fut abandonné par sa mère et victime de l’effondrement d’un centre commercial. Est-ce vraiment le meilleur ami de l’un, petit ami de l’autre, qui empêche leur amour, comme chacun le prétexte ? Au fil du récit, nous comprenons que la fuite de Cha Young à l’autre bout du monde est en réalité un mécanisme de défense face aux émotions qui la submergent. Lee Kang, quant à lui, est aussi sérieux et distant car, à la mort de sa mère, il a décidé de tirer un trait sur son passé et ses rêves d’enfant. Sa froideur est une barrière qu’il place entre lui et les autres pour se protéger davantage qu’un geste de loyauté. Dans tous ces dramas, l’Amour est l’élément perturbateur autant qu’un but. Davantage que le traditionnel mariage, le happily ever after consiste en l’apaisement des personnages. La relation avec l’Autre est le moteur de ce changement, elle leur permet de s’apprivoiser et d’apprendre à composer avec les autres. La relation de Moon Gang Tae et Ko Moon Young, dans It’s Okay to not be Okay, commence ainsi par le soin : il est un aide-soignant en unité psychiatrique expérimenté, d’autant plus expérimenté qu’il est également le représentant légal de son frère autiste. La jeune femme voit en lui quelqu’un qui lui permettra de se canaliser et c’est, en effet, ce qu’il parvient à faire. Ce soutien est mutuel : Moon Gang Tae, sur le point d’exploser à force de se sacrifier et de se contenir, a autant besoin de la jeune femme qu’elle a besoin de lui. Les deux s’influencent pour trouver l’équilibre.
Le prisme de l’obstacle intérieur permet de créer des dramas plus ouverts et inclusifs. La fascination des scénaristes pour les “psychopathes” – étiquette fourre-tout – se fait plus réflexive. Le diagnostic posé sur le comportement de Baek Hee Song quand il était enfant, biaisé, dans La Fleur du Mal, a incité les villageois à le maltraiter et l’a convaincu de son trouble. Plus tard, quand sa véritable identité est révélée, il est immédiatement identifié comme un tueur déséquilibré. Lui-même convaincu d’être incapable d’aimer, convaincu que personne ne croira en son innocence, il s’enfonce dans le secret. C’est le pardon et la foi que Cha Ji Won place en lui qui lui permettent de s’ouvrir et de se révéler : c’est quand Baek Hee Song comprend qu’elle l’aime malgré tout qu’il craque et pleure pour la première fois. L’identification des spectateurs tour à tour avec Baek Hee Song et Cha Ji Won dans La Fleur du Mal et avec Ko Moon Young et Moon Gang Tae dans It’s Okay to not be Okay leur permet de s’ouvrir avec eux. Il faut également saluer la représentation du frère autiste, Moon Sang Tae, joué par Oh Jung Se, dans It’s Okay to not be Okay : artiste talentueux et intelligent, il n’est pourtant pas accepté dans des écoles qui ne savent gérer ses réactions. Non pas cinquième roue du carrosse mais membre du trio formé avec Moon Gang Tae et Ko Moon Young, il gagne la reconnaissance à leur contact : celle d’artiste, en devenant illustrateur des contes de Moon Young, celle de grand frère, à mesure qu’il s’affirme et que Gang Tae lâche prise.
En outre, en délaissant les traditionnels triangles amoureux, ces dramas parviennent à mettre en avant d’autres relations. La relation fraternelle est ainsi au cœur de It’s Okay to not be Okay : la relation entre les deux frères est aussi importante que la romance et une véritable relation se noue entre Sang Tae et Moon Young, qui devient sa sœur de cœur. Dans Chocolate, la rivalité entre les deux cousins, Lee Kang et Lee Jun (Jang Seung Jo), tous deux potentiels successeurs de leur grand-mère à la tête d’un grand hôpital, aurait pu se traduire par un triangle amoureux et se conclure par une compétition féroce pour le siège d’héritier. Mais, lassés, tous deux refusent le rôle qui leur est dévolu. La remarque de Lee Jun, dans l’un des derniers épisodes, a quelque chose de métasériel : “Pourquoi devons-nous nous battre ? Je le savais auparavant mais je n’arrive pas à m’en souvenir”. Dans Start-Up, les deux sœurs rivales vont également apprendre à travailler ensemble. Le premier épisode les montre meilleures amies. La grande sœur de Dal-Mi en est aussi la confidente. Après une séparation de dix ans, elles se retrouvent en compétition pour monter leurs entreprises. C’est cependant en apprenant à travailler ensemble qu’elles vont évoluer et devenir de meilleures personnes. Dans Itaewon Class, la relation entre Sae Roy et ses employés relève de l’amitié. Il est là pour les défendre et les respecte. Cela lui vaut leur admiration. Tout au long de la série, les différents personnages dits “secondaires” sont donc développés.
Dans le drama fantastique et comique Mystic Pop-Up Bar, la romance apparaît tardivement. Dans une première partie – environ six épisodes – la série développe les facultés de l’héroïne Wol Ju à pouvoir plonger dans le rêve de ses clients pour régler leur problème, et celles de Han Kang Bae dont le corps tout entier est un aimant à confessions. Ainsi, il n’a jamais pu embrasser une femme ou avoir de copine, étant dès sa plus tendre enfance considéré comme un enfant maudit. Sans amour réel, il rêve donc d’une famille et accepte de travailler pour Wol Ju si, une fois les 10 000 cas atteints, elle le libère de son don. Sur son chemin, il rencontre Kang Yeo Rin (Jeong Da Eun), qui est la première personne à ne pas réagir à son contact. C’est que Yeo Rin à quant à elle le problème inverse : elle fait fuir les hommes dès qu’elle les touche. Comme on dit : les contraire s’attire. Ces handicaps physiques qui empêchent la romance vont perdurer une grande partie du récit. Les personnages ont tellement intériorisé leur trauma que même après un premier baiser, ils ne pourront pas se mettre ensemble.
L’argent rend également les relations plus complexes dans les séries qui tournent autour de l’entreprenariat et des entreprises. Dans Itaewon Class, le héros est pauvre et c’est au prix de nombreuses années et d’efforts qu’il réussit à monter son entreprise. Sa persévérance dans les affaires n’est pourtant pas récompensée en amour. Même s’il est toujours sous le charme de son amour de jeunesse, celle-ci préfère rester dans l’entreprise ennemie pour pouvoir gravir les échelons. À la fois indépendante et fière, elle refuse l’amour de Sae Roy pour se consacrer au travail. Pourtant, elle laisse également entendre que, s’il réussit à monter son entreprise et à devenir puissant, elle pourrait partir avec lui. C’est d’ailleurs la promesse qu’il lui fait : un jour, elle pourra démissionner de son entreprise qui les prive de vivre leur amour pleinement. De l’autre côté, Yi Seo accepte de travailler pour Sae Roy car ses sentiments pour lui sont forts. Tout au long du drama, elle lui répète qu’elle l’aime. Mais il ne peut la voir comme la femme qu’il aime, car elle travaille pour lui et est plus jeune de dix ans. Cette différence d’âge vient renforcer la relation patron/employée. Il est tel un mentor pour elle – qui le désigne en permanence comme “patron” – et il ne veut pas déroger à ce rôle-là, car il est juste et droit. De l’autre côté, Yi Seo dit à Jang Geun Su qu’elle sortira avec lui s’il prend la tête de l’entreprise Jangga. Il est pour le moment trop insignifiant à ses yeux. Dans Start-Up, Do San n’arrive pas à lever des fonds pour son entreprise et doit encore demander de l’aide à ses parents. Loin de la figure idéale de l’homme parfait, il est guidé par Ji Pyeong – un homme d’affaires en vue en Corée du Sud – pour séduire la jeune Dal-Mi. Là encore, l’argent et la réussite sont au centre du problème. Ji Pyeong, comme Do San, pense que Dal-Mi sera déçue si son ancien amour de jeunesse n’est pas un homme d’affaires accompli. À cela s’ajoute le fait qu’elle veut aussi montrer à sa grande sœur qu’elle a pris la bonne décision en restant avec son père après le divorce de leur parent. En effet, tandis que Dal-Mi est pauvre et vit avec sa grand-mère, sa sœur Won In Jae est PDG dans une grosse entreprise coréenne. À la fin du deuxième épisode, Dal-Mi, excédée par la condescendance de In Jae, lui annonce qu’elle fera mieux qu’elle en trois ans. Cet ultimatum sera aussi un frein à l’histoire d’amour, obligeant Dal-Mi a toujours choisir la réussite professionnelle à l’amour. La série montre là également des femmes fortes et indépendantes capables de prendre des décisions difficiles. De plus, contrairement aux attentes, Dal-Mi est soulagée quand elle découvre que Do San n’est ni riche ni un businessman. Elle voit en lui un compagnon d’aventure et de route pour monter sa propre entreprise et devenir PDG. Dal-Mi, qui hésite entre Ji Pyeong – riche, beau, lucide – et Do San – pauvre, mais compétent et optimiste -, choisit Do San car elle est son égale.
Comme l’année dernière, voici, pour conclure, quelques morceaux issus de diverses séries sud-coréennes sorties en 2020 et qui nous restent en tête. Enjoy.
Johanna Benoist et Marine Moutot
1 – Sanction par la Commission des Standards Coréens de Communication pour avoir « été insensibl[e] face à l’égalité entre les genres dans le contenu à diffuser qui pourrait rabaisser un certain genre et souten[u] la possibilité de justifier le harcèlement sexuel et les attouchements.”, https://k-gen.fr/le-drama-its-okay-to-not-be-okay-penalise-pour-des-scenes-jugees-sexuellement-inappropriees/
Chocolate (초콜릿)
Scénario de Lee Gyeong Hee
Réalisation de Lee Hyeong Min
Avec Yun Kye Sang, Ha Ji Won, Jang Seung Jo
Corée du Sud, 2019-2020, JTBC, Netflix
La Fleur du Mal / Flower of Evil (악의 꽃)
Scénario de Yu Jeong Hee
Réalisation de Kim Cheol Gyu
Avec Lee Jun Ki, Moon Chae Won, Jang Hee Jin
Corée du Sud, 2020, tvN, Viki
Itaewon Class (이태원 클라쓰)
Scénario de Jo Gwang Jin
Réalisation de Kang Min Gu et Kim Seong Yun
Avec Park Seo Jun, Kim Da Mi, Yoo Jae Myung
Corée du Sud, 2020, JTBC, Netflix
It’s Okay to not be Okay (사이코지만 괜찮아)
Scénario de Jo Yong
Réalisation de Park Sin Wu
Avec Kim Soo Hyun, Seo Yea Ji, Kim Ju Hun
Corée du Sud, 2020, tvN, Netflix
Mystic Pop-up Bar (쌍갑포차 )
Scénario de Ha Yoon Ah
Réalisation de Jeon Chang Geun
Avec Hwang Jung Eum, Sung Jae, Choi Won Yeong
Corée du Sud, 2020, JTBC, Netflix
Start-Up (스타트업)
Scénario de Park Hye Ryeon
Réalisation de Oh Chung Hwan
Avec Suzy, Nam Joo Hyuk, Kim Seon Ho
Corée du Sud, 2020, tvN, Netflix
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