[CÉSAR 2021] Retour sur les courts-métrages #3

Temps de lecture : 8 minutes

Le vendredi 12 mars 2021 à 21h se tiendra la 46e Cérémonie des César animée par Marina Foïs, en direct et en clair sur Canal +. Elle devait avoir lieu initialement le vendredi 26 février 2021 mais l’Académie a préféré reporter la date en raison des incertitudes liées à la crise sanitaire. Chaque année, une vingtaine de courts-métrages en prise de vues réelles et une dizaine en animation sont sélectionnés pour les César. Cette première étape donne lieu à des votes et, à la fin du processus, seuls cinq films restent en lice pour le prix du Meilleur Film de Court Métrage (et quatre pour le Meilleur Film d’Animation auxquels s’ajoutent trois longs-métrages : Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary, Petit Vampire et Josep). Comme vous le savez, nous aimons les courts-métrages chez Phantasmagory et cette année, nous avons décidé de mettre en avant les nominés mais aussi le reste de la sélection. À travers cinq articles, nous reviendrons sur les trente-six œuvres éligibles, entre prise de vues réelles et animation.  

En 2020, nous avons eu la chance de participer à de nombreux festivals spécialisés dans le court-métrage ou mettant cette forme à l’honneur. Ainsi, au Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand, au Festival européen du film court de Brest ou au Festival international du film d’animation d’Annecy, les bonnes surprises étaient au rendez-vous, avec des sélections de qualité, malgré le contexte sanitaire et la contrainte de se tourner vers le numérique.

Chaque semaine, jusqu’à la cérémonie des César, nous reviendrons sur les différents courts-métrages éligibles et ceux en lice finale pour décrocher le fameux prix. Le but étant de faire une cartographie exhaustive du court-métrage en France en 2020. Une belle occasion de mettre en avant le court-métrage, de vous faire découvrir nos coups de cœur et d’établir nos pronostics (et les vôtres).

Petit bonus, du 1er au 8 mars, les courts-métrages nommés sont disponibles sur le site officiel de l’Académie des César. Enjoy !

Les courts-métrages nommés pour les César 2021

Je serai parmi les amandiers – Marie Le Floc’h, 2019

Arrivés en France depuis quelques mois, Maysan, Iyad et leur fille Nour ont rendez-vous pour enfin régulariser leur situation et entamer leur nouvelle vie. Alors que la réponse tombe, Iyad pose une question qui pourrait bien bouleverser leur avenir ensemble.

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Plongée dans la vie d’une famille syrienne ayant fui le régime pour la France. Des femmes et des hommes, filmés de près, découpent des poissons. Dès les premières secondes, le regard semble embrasser une posture documentaire. La fiction surgit alors avec la fête d’anniversaire de l’enfant, Nour. Tout semble aller pour le mieux et pourtant, le regard et le silence de la mère, Maysan, nous fait tiquer. Cet indice est alors confirmé par le rendez-vous administratif lors duquel Iyad, son mari, demande de reprendre la procédure de divorce entamée avant leur expatriation. Se pose alors la question de la garde de Nour qui devient alors le fil conducteur de l’intrigue. Intrigant mais surtout particulièrement touchant, Je serai parmi les amandiers nous emmène sur des chemins inattendus, jouant du décalage entre moments de liesse et d’infinie solitude. M.K.

La bande-annonce est disponible par ici et le film est visible du 1er au 8 mars sur le site officiel de l’Académie des César

L’Odyssée de Choum Julien Bisaro & Claire Paoletti, 2019

Animation

Par un jour de tempête, la petite chouette Choum éclot. Mais pas l’ombre d’une Maman à l’horizon ! Courageuse et déterminée, elle part à la recherche de cette dernière, accompagnée par son petit frère… encore dans son œuf !

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L’Odyssée de Choum nous parle du lien entre les êtres. Tout d’abord, le rapport à la mère, fil conducteur du récit, guide Choum dans sa quête. À la naissance de son petit frère, Spouic, c’est alors le lien fraternel qui emplit le récit de complicité et d’entraide. Plus tard, la rencontre de Walter et Rosie, deux enfants du voisinage qui recueillent les petites chouettes et apprennent, aux côtés du spectateur, une leçon pleine de sens : “les animaux sauvages se débrouillent très bien sans nous les humains”. Cette histoire tendre et attachante nous fait découvrir la nature de Louisiane : de l’alligator à l’opossum en passant par l’écureuil, les petites chouettes en font des rencontres ! Et les dangers sont aussi au rendez-vous. Décidément, du fin fond du bayou de Louisiane, les petites chouettes en ont des épreuves à traverser ! Particulièrement immersif, L’Odyssée de Choum nous plonge dans cet environnement grâce à la beauté de son animation et la richesse de son univers sonore. Poétique et touchant, ce court-métrage tout doux nous emmène dans une réflexion plus profonde sur notre rapport à la vie, à la nature et à l’enfance, tout en simplicité. Magnifiquement mis en valeur dans le très beau programme L’Odyssée de Choum des Films du Préau aux côtés de L’Oiseau et la baleine et Le Nid, c’est un incontournable de l’année 2020. M.K.

Le film est visible du 1er au 8 mars sur le site officiel de l’Académie des César et le making-of est disponible par ici

Les courts-métrages qui étaient éligibles

Jusqu’à l’os – Sébastien Betbeder, 2019

Thomas, pigiste au Courrier Picard, doit faire le portrait d’Usé, musicien atypique et ancien candidat à l’élection municipale d’Amiens. Tandis que les deux hommes apprennent à mieux se connaître, ils découvrent, dans un terrain vague, le corps inanimé de Jojo. Lorsque ce dernier ressuscite sous leurs yeux, leurs existences se trouvent bouleversées.

Un mort-vivant amnésique, un punk candidat aux législatives et un pigiste qui ne se remet pas d’une rupture amoureuse, les protagonistes de Jusqu’à l’os sont pour le moins atypiques. Pour son court-métrage, Sébastien Betbeder (Marie et les naufragés, 2016, Debout sur la montagne, 2019) retrouve des compagnons de route comme Thomas Scimeca et Jonathan Capdevielle. Comme à son habitude, il filme des quarantenaires un peu perdus, dont les rêves se sont envolés, avec une bonne dose d’absurde et de mélancolie.

Le court-métrage débute par une interview lunaire. Thomas, pigiste installé à Amiens malgré lui, interroge Usé, un punk aux faux-airs de Houellebecq (dans ses bons jours) et complètement à côté de la plaque. Thomas, nostalgique, lance qu’il aimerait avoir une DeLorean pour revenir sur ses erreurs. L’interview se poursuit dans la ville, on ne sait plus tellement qui fait le portrait de qui, mais ce qui est sûr c’est que l’amitié des deux personnages est scellée. Une intervention quasi-divine place Jojo sur leur route, à l’occasion d’une découverte macabre qui rappellerait presque la séquence de l’oreille de Blue Velvet (David Lynch, 1986). On pense également à l’univers barré de Kervern et Delépine quand Betbeder unit trois solitudes autour de quelques bières et de concerts punk électriques. Le vrai sujet du court-métrage est bien l’amitié, seule valeur-refuge dans un monde loufoque et sans repères. L.D.

Un extrait du court-métrage est disponible ici.

Mars Colony – Noël Fuzellier, 2019

Logan n’aime pas sa vie. À 15 ans, il se réfugie dans la science-fiction pour survivre. Un jour, un homme arrive dans sa vie et lui dit qu’il est lui : le Logan du futur. Celui-ci doit sauver le monde.

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Le mal-être, les changements que l’on subit à l’adolescence… en parlant de ces sujets, le cinéaste Noël Fuzellier aborde avec son deuxième court-métrage des choses universelles. Avec humour, mais aussi tendresse pour ses deux personnages principaux, il décline le genre bien connu de la science-fiction : un vieux sage vient guider la jeune brebis égarée. Si l’on pense à L’Armée des douze singes de Terry Gilliam (1996) pour son récit, le réalisateur ne fait jamais le choix visuel de se fondre avec le genre, mais de rester du côté du drame qui se déroule dans la vie de Logan. C’est un point de départ pour parler des déclassés et des losers selon notre société. Ce court-métrage en demi-teinte est intéressant, notamment grâce à son acteur principal Philippe Rebbot. M.M.

Massacre – Maïté Sonnet, 2019

Deux sœurs, de 10 et 12 ans, s’apprêtent à quitter leur île adorée, devenue trop chère pour leur famille. Leur tristesse se transforme en rage pointée vers ceux qui les poussent à partir : les touristes. Ce dernier été sera noir, mortel, aussi toxique que les algues qui pullulent sur les plages.

Incisif, violent, le titre du court-métrage de Maïté Sonnet présage d’un drame. Rien ne laisse penser, au premier abord, que les deux sœurs Inès et Bleuenn vont être confrontées à un événement décisif. La réalisatrice s’intéresse à ce qui coule, ce qui s’infiltre insidieusement au cœur de la vie des habitants de l’île. La matière organique rend la violence physique, palpable. Une violence presque coloniale, celle des touristes en quête d’“air pur” et d’ “authenticité” qui envahissent les plages tout au long de l’été. Mais cette violence est aussi verbale, dès le plus jeune âge, comme le prouve le jeune voisin des deux sœurs, déjà imprégné du mépris de classes qu’il a dû entendre dans la bouche de ses parents. Les préadolescentes elles-mêmes, en dépit de leur insularité, sont soumises aux injonctions de l’époque, celles de la connexion et de la conformité aux canons de beauté exigés par Youtube à l’ère des tutos.

Maïté Sonnet déploie tout au long de son court-métrage une palette de tons, du documentaire au registre fantastique et filme avec une grande douceur ses deux jeunes comédiennes Mahogany-Elfie Elis et Lila Gueneau. On ne peut s’empêcher de penser aux jeunes filles éthérées de Virgin Suicides (Sofia Coppola, 1999) qui croiseraient les enfants maléfiques du Village des Damnés de Wolf Rilla (1960). Massacre est une fable écologique qui dit la perte de l’innocence et l’entrée avec fracas dans un monde de violence, celui des adultes. L.D.

Le court-métrage de Maïté Sonnet est disponible en payant ici.

Matriochkas – Berangere Mcneese, 2019

Anna, jeune femme libre de 16 ans, découvre qu’elle est enceinte et ne sait pas quoi faire. Sa mère, qui l’a, elle aussi, eu à 16 ans, décide qu’Anna doit garder l’enfant.

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Parler de la liberté sexuelle d’une jeune adolescente sans jugement, mais avec un regard compatissant et humoristique, voilà le défi qu’a relevé avec brio pour son troisième court-métrage l’actrice et réalisatrice belge, Bérangère McNeesse. Matriochkas est un film intelligent qui parle d’un sujet souvent peu abordé (ou avec beaucoup de complaisance et de jugement) d’une manière intelligente et juste. La parole et l’attitude franche d’Anna montrent une jeune femme qui s’assume et prend ses propres décisions. Par ailleurs, en déjouant les attentes du spectateur (les réactions des personnages ne sont jamais stéréotypées), la cinéaste parvient à créer un court-métrage positif sur les choix que la vie nous demande de faire. M.M

Le film est disponible gratuitement sur Arte ici.

Sororelle – Frédéric Even, Louise Mercadier, 2019

Animation

Trois sœurs vivent ensemble sur une île. Un jour, un homme leur annonce une catastrophe : la mer va envahir les terres et il faut fuir.

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À travers une magnifique animation faite de pantins presque de marbre, les deux réalisateur.trice.s créent un film sur une menace latente et de ses conséquences sur les vies des trois personnages. Le calme, le silence et le plat de la surface de la Terre offrent aux trois sœurs le temps d’exprimer leur incertitude, leur peur ou même leur résignation. À travers leurs réactions, les liens qui les unissent apparaissent, mais surtout leurs différences. Ensemble, elles ne font pas face de la même manière à ce danger qui guette, qui affaiblit, mais qui n’arrive pas vraiment. Le choix de la mer n’est bien évidemment pas anodin. Alors que le récit se concentre sur trois sœurs, la mère est totalement absente. Cette sororité — d’où le titre tire son nom — montre aussi que malgré la sécheresse et la maladie qui les frappent, elles sont toujours là l’une pour l’autre. Dans ce décor âpre, desséché par le soleil, les femmes se soutiennent et ne fuient pas — contrairement au seul homme du début du court-métrage. Un beau film sororal. M.M

Le film est disponible gratuitement sur Arte ici

Le making-of est également disponible ici.

Lucie Dachary, Manon Koken et Marine Moutot 

Je serai parmi les amandiers
Réalisé par Marie Le Floc’h
Avec Masa Zaher, Jalal Al Tawil, Hamal Alhamoud
Drame, France, 20 min
Films Grand Huit

L’Odyssée de Choum
Réalisé par Julien Bisaro & Claire Paoletti
Animation, France, 26 min
Piccolo Pictures / Paper Panther
Distribution : Les Films du Préau

Jusqu’à l’os
Réalisé par Sébastien Betbeder
Comédie, France, 30 min
Envie de tempête Productions

Mars Colony
Réalisé par Noël Fuzellier
Avec Théo Van de Voorde, Philippe Rebbot, Gerhardt Comblet
Science-fiction, France, 34 min
Les Films Norfolk

Massacre
Réalisé par Maïté Sonnet
Drame, France, 26 min
Quartett Productions

Matriochkas
Réalisé par Berangere McNeese
Avec Héloïse Volle, Victoire Du Bois, Guillaume Duhesme
Drame, France, Belgique, 23 min
Punchline Cinema

Sororelle
Réalisé par Frédéric Even, Louise Mercadier
Animation, France, 15 min
Papy3D Productions, JPL Films

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

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