[CRITIQUE] Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait

Temps de lecture : 4 minutes.

Daphné, enceinte de trois mois, vit avec François, cousin de Maxime. Ils partent à la campagne, mais François doit s’absenter pour son travail. Maxime, que Daphné ne connaît pas, vient alors passer quelques jours. Tout en se promenant au cœur de la nature, Daphné et Maxime se racontent leurs mésaventures sentimentales.

Avec 13 nominations aux César 2021, on ne peut pas passer à côté de Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait d’Emmanuel Mouret. De prime abord, on pourrait dire  qu’il n’a pas un scénario très original : des personnes qui s’aiment, qui se séparent, qui se retrouvent et qui se quittent à nouveau… Cela ressemble au nerf de la guerre de tout film romantique qui se respecte. Cependant, la singularité de ce film réside ailleurs. L’histoire est plus complexe qu’il n’y paraît et le spectateur se retrouve face à une équation amoureuse géante qu’il va falloir poser afin de la résoudre. Le réalisateur et scénariste Emmanuel Mouret, habitué du genre romancier (Un baiser s’il vous plaît, 2007 ; L’Art d’aimer, 2011), offre un tableau où se mélangent les récits et les personnages à travers des allers-retours dans le temps. Si bien que son film ressemble à une figure géométrique sentimentale.

Avant la relation amoureuse, il y a le désir – parfois inavoué ou inavouable. Maxime, joué par Niels Schneider, éprouve du désir pour Daphné, interprétée par Camélia Jordana, qui a des sentiments pour François (Vincent Macaigne) qui revient d’un voyage à Paris où il a revu son ex-femme (Emilie Dequenne). Un rectangle amoureux assez classique en somme. Toutefois, vient s’ajouter à ce récit une problématique en toile de fond qui ressemble à un sujet du bac philo : “Doit-on céder à ses désirs ?”. Ce qui est admirablement fait dans ce long métrage c’est la manière dont les protagonistes semblent tout à tour répondre “Oui” puis “Non” puis à nouveau “Oui” à cette interrogation. Lorsque le spectateur a une certitude, elle est remise en question quelques scènes plus tard. Au moment où nous sommes sûrs de voir un baiser s’échanger entre Daphné et Maxime, c’est une ex-compagne de Maxime qui entre dans le jeu et le spectateur est dérouté… En résumé, l’intrigue amoureuse peut paraître banale mais tous les liens qui se nouent et se dénouent au fur et à mesure du film rendent l’ensemble délicieux et palpitant. 

Un scénario bien écrit ? Oui, mais pas que. Le film compte de nombreux coups de génie. Toute l’intrigue se déroule sur un fond de musique classique, de Chopin à Tchaïkovski. Cette bande originale apporte à la fois une certaine gravité et un ancrage poétique dans le récit. Par ailleurs, c’est sûrement le qualificatif qui convient le mieux pour décrire ce film : poétique. Par dessus la musique viennent se poser des dialogues riches et minutieux. On pourrait même penser que ces dialogues sont écrits en vers et qu’ils sortent tout droit d’un poème de Guillaume Apollinaire. Toutes les scènes sont recouvertes d’un voile lyrique qui élève le dialogue à un niveau plus théâtral. Quand Daphné offre un de ses livres à Maxime, elle ne dit pas simplement : “Je t’offre mon livre” ; elle déclare plutôt : “C’est le livre de ma grand-mère, j’ai toujours peur de le perdre alors si je te l’offre, je n’aurais plus peur”. En résumé, les dialogues sont ponctués d’un peu de lyrisme qui fait que le scénario présente une vraie délicatesse.

Que seraient de bons dialogues sans bons interprètes ? Le jeu des acteurs sert entièrement la complexité des personnages. Le quatuor du film est d’ailleurs nommé dans toutes les catégories d’interprétation aux César 2021. Et puis, qu’ils sont réconfortants ces personnages ! Il est tout à fait possible de s’identifier à chacun d’eux car on peut suivre leur évolution au fil du temps et des relations. Même si ça ne nous est jamais arrivé de passer le week-end à la campagne avec Niels Schneider, on s’est tous obligatoirement retrouvé·e·s face à des choix difficiles à prendre dans la vie. En parlant de campagne, il faut également souligner la nomination du film pour les prix techniques : Meilleurs décors, Meilleur son, Meilleure photo… Et quelle photographie ! Le traitement de la lumière nous donne l’impression de se promener aux côtés de Daphné et Maxime qui longent les cours d’eau. Avec des tons un peu passés et chauds, même dans les plans de Paris, on se sent comme enveloppé·e·s par l’histoire et comme dans un cocon. De plus, ce film satisfait les attentes de toutes les personnes qui ont un faible pour les scènes romantiques classiques, car oui, tout y est : les adieux sur le quai d’une gare, les amants qui se croisent comme dans les pièces de Feydeau, des balades aux bords de la Seine… Satisfaction garantie !

Donc, 13 nominations aux César (cérémonie le 12 mars 2021), un jeu d’acteur percutant, des dialogues en dentelle, une photo réconfortante, une musique bien choisie, Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait est encore un long métrage réussi signé Emmanuel Mouret.

Déborah Mattana

Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait
Réalisé par Emmanuel Mouret
Avec Camélia Jordana, Niels Schneider, Vincent Macaigne, Emilie Dequenne
Drame, France, 2 h
16 septembre 2021
Disponible à la location sur YouTube, Amazon Prime, myCanal

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

3 commentaires sur « [CRITIQUE] Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait »

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