[CRITIQUE] Les Joueuses #paslàpourdanser

Temps de lecture : 4 minutes.

L’équipe féminine de L’Olympique Lyonnais s’est imposée au fil des années comme une des meilleures équipes de football au monde. D’entraînements en compétitions, de doutes en victoires, ce film plonge pour la première fois au cœur du quotidien de ces joueuses d’exception. Une invitation à porter un nouveau regard sur la place faite aux femmes dans le sport : un univers où les valeurs de respect et d’ouverture seront les piliers de l’évolution vers l’égalité. 

Le lundi 3 décembre 2018, Ada Hegerberg, footballeuse internationale d’origine norvégienne évoluant à l’Olympique Lyonnais depuis 2014, reçoit le tout premier Ballon d’Or féminin, devenant ainsi la meilleure joueuse du monde. Durant cette même soirée, le dj Martin Solveig demande à la jeune femme si elle sait ‘twerker’, question éminemment sexiste et déplacée qui fit naître un vent de mécontentement sur les réseaux sociaux autour du hashtag #paslàpourdanser.

Ces mots, ce sont également ceux que Stéphanie Gillard a choisi comme sous-titre pour son film Les Joueuses sorti en 2020. Et pour cause, dans ce documentaire suivant le parcours de l’équipe féminine de football la plus titrée, la réalisatrice revient non seulement sur les nombreuses difficultés des femmes pour se faire accepter dans le milieu du foot (et du sport en général), mais aussi sur les inégalités persistantes de traitement entre femmes et hommes. Ces soucis, ce sont les joueuses elles-mêmes qui les évoquent au détour d’une simple conversation dans les vestiaires ou à l’entraînement, à l’image d’une séquence primordiale durant laquelle Ada Hegerberg et sa co-équipière Jess Fishlock, expliquent que ce qui les préoccupe véritablement, ce n’est pas tant l’argent mais plutôt le respect, la reconnaissance de leur travail et de leur statut de joueuses professionnelles. De ces moments de confessions et de discussions, ressort une certaine simplicité entretenue par la réalisatrice qui n’intervient quasiment jamais. Elle laisse les choses se faire. Elle laisse les femmes s’exprimer librement, quand elles le souhaitent et comme elles le veulent. En soi, la caméra de Stéphanie Gillard est un simple témoin des différents moments de vie de ces joueuses, tantôt admirées par un public conquis, tantôt sous-estimée par un vendeur qui a du mal à les croire joueuses professionnelles. Quelquefois, cependant, les mots ne sortent pas et c’est le montage qui prend le relais. Un montage simple mais efficace qui mettra côte à côte deux séquences représentatives de l’inégalité de traitement entre femmes et hommes ; lors d’une séance photo, les joueurs de l’équipe masculine portent des pull ou t-shirt plutôt amples ou en tout cas, parfaitement à leurs tailles, alors qu’on demande à Ada Hegerberg de porter un haut trop petit pour “pouvoir voir la silhouette« .

Néanmoins, ce documentaire ne se contente pas d’être un plaidoyer pour l’égalité. Ce qui intéresse également la cinéaste, c’est de montrer les relations entre des jeunes femmes venues de pays et d’univers différents ayant toutes le même but : gagner. 

Dans une deuxième partie du film, ce sont surtout les jeunes recrues qui sont mises en avant. La caméra les accompagne dans leurs moments de confiance, mais témoigne aussi de leurs doutes. Des incertitudes qu’elles partagent avec les plus anciennes, auprès desquelles elles viennent régulièrement chercher des réponses. Ces scènes sont touchantes, criantes de vérité et mettent en avant le besoin de transmettre les bons gestes, les bons comportements aux générations futures. Car ce qui ressort aussi de ce documentaire, c’est l’évolution évidente mais totalement inégale qu’a connu le football féminin ces dernières années. Les filles de l’Olympique Lyonnais sont aujourd’hui des professionnelles, disposant d’infrastructures importantes pour s’entraîner au quotidien (et cela, seulement depuis 2012). Ailleurs en France, la situation n’est pas la même et la simple visite d’un vestiaire lors d’un déplacement de l’équipe permet de le comprendre. Comme le dit très bien Wendie Renard, la capitaine emblématique de l’équipe lyonnaise, il y a encore du chemin à faire. 

Dans sa forme, le documentaire de Stéphanie Gillard peut paraître plutôt simple, mais c’est là ce qui fait sa force. La caméra n’est pas voyeuriste et sait se faire assez discrète pour capturer les moments des plus banals comme les plus importants. Bien sûr, le long-métrage ne laisse pas de côté les matchs que la réalisatrice a décidé de filmer à hauteur de joueuses, comme pour nous offrir la possibilité de participer davantage encore à la vie du groupe. Les cris des supporters semblent lointains. Ce que l’on entend, ce sont les mots échangés entre joueuses, les indications de jeux, les encouragements entre partenaires, les cris, le souffle que l’on essaie de retrouver lors d’une courte pause ou parfois juste le silence, lorsqu’un simple regard suffit à deux co-équipières pour se comprendre et faire la différence.

Camille Dubois

Les Joueuses #paslàpourdanser
Réalisé par Stéphanie Gillard
Avec Ada Hegerberg, Wendie Renard, Selma Bacha et Sarah Bouhaddi
Film documentaire, France, 1h27
9 septembre 2020
Disponible sur OCS et en VOD sur Canalplay

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

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