Une femme s’évanouit de manière théâtrale, un objet roule doucement au sol en gros plan, des inconnus fomentent un plan machiavélique juste à côté des concernés… Le cinéma est rempli de motifs, parfois récurrents, qui intriguent et s’impriment dans nos esprits. Le deuxième mardi de chaque mois, nous vous proposons le défi “Un bon film avec…” : chaque rédactrice dénichera un film en lien avec un thème (plus ou moins) absurde mais qui vient naturellement à l’esprit. Pourquoi ces images s’imposent-elles ? Quel sens recouvrent-t-elles dans notre imaginaire ? Et dans l’œuvre ? Les retrouve-t-on dans un genre précis ? Comment deviennent-elles des clichés ?
/! Cet article peut contenir des spoilers. /!
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Pour fêter les deux ans de notre défi “Un Bon Film Avec…”, après un premier anniversaire mettant Le Seigneur des Anneaux à l’honneur, nous étudions les motifs qui peuplent les films d’animation de Walt Disney Pictures.
Quand nous pensons aux dessins animés Disney qui ont bercé notre enfance, nous pensons immédiatement au prince charmant et à la princesse en détresse. Mais pas seulement. Regarder un Disney, c’est aussi retrouver une bande d’ami.e.s avec qui danser et chanter. Un film-doudou par excellence ! Les chansons sont sans doute un des éléments-clefs de ces films : rares sont ceux qui n’en ont pas. Après le visionnage, impossible de ne pas les fredonner ou les reprendre à tue-tête. Scénaristiquement, le final est souvent le même : joyeuses retrouvailles et deus ex machina sont régulièrement au rendez-vous. Dans Raiponce (Byron Howard, Nathan Greno, 2010), la jeune femme retrouve sa famille après 18 ans d’absence et sauve également son amoureux, Eugène. Dans Les 101 Dalmatiens (Clyde Geronimi, Wolfgang Reitherman, Hamilton Luske, 1961), c’est le retour des chiens au domicile après une folle aventure qui conclue le film. Dans La Petite Sirène (Ron Clements, John Musker, 1989), la jeune femme réalise enfin son rêve : un mariage avec le Prince Éric. Dans La Planète au trésor (Ron Clements, John Musker, 2002), le retour sur sa planète et les retrouvailles avec sa mère closent la grandiose épopée spatiale de Jim. Et la liste continue… Il n’est pas rare non plus que le plan final montre le personnage s’élever et surplomber son monde. L’évolution, la réussite et la maturité du personnage sont ainsi signifiées. C’est par exemple le cas dans Tarzan (1999) ou Rebelle (2012).
Certains motifs ont pour but d’amplifier la terreur provoquée par un personnage négatif comme le célèbre ricanement sadique d’Ursula ou de Jafar ou le soin apporté à leur apparition à grand renfort de fumée et autres effets. Les ombres portées, entre autres, permettent de faire deviner une action hors champ, souvent une attaque. Elles ménagent ainsi un certain suspense, évitent de décrire toute l’action et limitent la violence ou la peur générée par la scène, le public visé étant particulièrement jeune. Dans Hercule, Peine et Panique se transforment en serpents afin d’attaquer bébé Hercule. La transformation ne se fait donc pas sous nos yeux mais nous devinons au changement de forme des ombres que les démons ont muté. De même, la marâtre de Blanche-Neige se transforme également hors champ et, dans La Belle au bois dormant, l’agression du Prince Philippe par les sbires de Maléfique se fait hors du cadre et seules les ombres sur le mur nous parviennent avant
Et n’oubliez pas de voter pour le défi du mois de juin à la fin de notre article !
Coup de foudre musical :
Le personnage masculin est envoûté par le chant de l’héroïne.
Blanche-Neige et les sept nains (1937), La Belle au Bois Dormant (1959), La Petite Sirène (1989), Il était une fois (2007)
1938. Le premier long-métrage d’animation de Walt Disney sort sur les écrans. Adaptation d’un conte de fée dans laquelle un personnage féminin doit surmonter les obstacles qui la séparent du prince charmant et, par la même occasion, du couronnement : Blanche-Neige et les sept nains pose les bases du film de princesse. Vient ensuite Cendrillon, en 1950, puis La Belle au Bois Dormant, en 1959. Les ressemblances entre celui-ci et son aîné sont parfois troublantes, en particulier pour tout ce qui relève de la romance. Celles-ci seront déclinées, affinées et modelées au fil des productions.
La rencontre amoureuse entre le prince charmant et Blanche-Neige et entre le Prince Philippe et Aurore se fait par le chant. Sous le charme de quelques vocalises, le personnage masculin tombe immédiatement amoureux. Il se lance à la poursuite de cette voix enchanteresse – qui chante l’amour – à laquelle il finit par joindre la sienne. C’est un véritable coup de foudre musical.
Modèle de grâce féminine, la princesse a tous les attributs qui y sont associés : beauté, voix cristalline, modestie. La scène de la présentation du bébé royal, dans laquelle les trois bonnes fées offrent chacune un don à la princesse Aurore, dans La Belle au Bois Dormant, montre bien comme tout s’entremêle dans cet idéal féminin. Toutes deux dons des bonnes fées, la belle voix et la beauté sont associées : les merveilleuses vocalises qui attirent les princes ne peuvent qu’appartenir à une belle femme. Ce sont d’ailleurs ces dons, cette beauté du corps et de la voix, qui la rendent aimable, ainsi que le souligne Maléfique – “la princesse aura la grâce et la beauté, chacun l’aimera” – et le confirme le troisième don, celui de l’amour : “tu seras réveillée par le baiser d’un prince charmant”. Cette beauté, cette grâce, cette amabilité, sont visuellement associées à la nature : les roses pour la beauté, les oiseaux pour la belle voix. Chez Blanche-Neige, elles lui donnent son nom, elle qui a “les lèvres rouges comme la rose, [les] cheveux noirs comme l’ébène, [le] teint blanc comme la neige”. C’est une beauté naturelle. La méchante reine et Maléfique sont les antithèses de ces princesses et de véritables contre-modèles : leur beauté est entachée par leur vanité et leur mesquinerie, quand elle n’en est pas le fruit, et les empêche de gagner les cœurs (ce qu’elles semblent pourtant rechercher : Maléfique est vexée de ne pas avoir été invitée, la reine est envieuse de Blanche-Neige qui reçoit la sérénade).
Les bonnes fées offrent la grâce et la beauté (du corps et de la voix) à la princesse Aurore. Celles-ci sont visuellement associées à la nature, aux roses et aux oiseaux, que l’on retrouvera dans la scène de rencontre amoureuse.
La méchante reine (à gauche) et Maléfique (à droite) seraient-elles un seul et même personnage ?
Ces dons féminins sont mis en scène dans la rencontre amoureuse : tout “naturellement”, le chant de la princesse attire les animaux, qui symbolisent sa pureté et son innocence, et le prince charmant. La beauté de ce chant est telle qu’elle en est presque surnaturelle : les vocalises se réverbèrent – littéralement – et se propagent dans la forêt pour parvenir aux oreilles du prince, en contre-champ. La voix se dédouble même dans le puits auquel Blanche-Neige confie son vœu. À ce moment, son chant ressemble étrangement à une formule magique, dont le charme semble opérer lorsque les deux voix, celle de Blanche-Neige et son écho, se mêlent. Dans La Belle au bois dormant, le caractère enchanteur du chant est souligné non seulement par les effets de réverbération mais aussi par Philippe lui-même, qui parle à son cheval : “Tu sais Samson, je trouve qu’il y avait quelque chose de troublant dans cette voix, de trop merveilleux pour être vrai, il s’agissait peut-être d’une créature mystérieuse”. Visuellement, cette créature a tout d’un ange (au contraire de Maléfique, qui est entourée de petits monstres : des démons ?) : attirant les oiseaux, dont le mouvement est accompagné par une contre-plongée puis un mouvement vertical de la caméra, la princesse Aurore fait le lien entre les cieux et la terre, puisque Philippe, lui, se trouve en contrebas, un travelling vertical plus loin.
Le prince charmant est attiré par les vœux de Blanche-Neige, dont le puits renvoie l’écho
Le chant d’Aurore attire les animaux de la forêt mais également le prince Philippe, en contrebas, qui cherche à localiser la source de cette voix enchanteresse
Ange ou sirène ? Après une traversée du désert, Disney revient en force dans les années 90. Les héroïnes modernisées, leur attrait ne se résume plus à leur grâce ou leur succès amoureux. Dorénavant, elles marquent l’esprit de leur compagnon par leurs actions autant que par leur beauté. Entre autres, Belle, dans La Belle et la Bête (1991), sauve son père et tient tête à la Bête. Pocahontas (1995) résiste à son père, décide de son destin et tente tant bien que mal de sauver son peuple. Mulan (Mulan, 1998), qui a pris la place de son père, se bat aux côtés de Shang et sauve la Chine. Toutefois, on retrouve, en filigrane, les vertus d’une bonne héroïne…
La modestie et la simplicité, tout d’abord, sont toujours liées au chant. Dans Aladdin (1992), le coup de foudre musical a bien lieu, mais c’est le père qui est enchanté par le numéro du “Prince Ali” et non la princesse. Ce qui l’attire, c’est l’arrivée en grandes pompes d’Aladdin, l’extravagance du numéro musical, et non la voix du prétendu prince (c’est le Génie qui chante), ni même le prince lui-même. La princesse, elle, rejette cette sérénade d’un geste de la main, car celle-ci reproduit ce à quoi elle tente d’échapper : la préférence du statut et de l’apparence à l’authenticité et la sincérité. Le chant détient tout de même un fort pouvoir, puisque la fanfare du prince Ali interrompt l’envoûtement du sultan, que le grand vizir Jafar veut forcer à lui donner sa fille en mariage. Dans La Petite Sirène (1989), la princesse Ariel, qui, comme les aînées de la famille Disney, a une voix merveilleuse, “une des plus belles” que le crabe Sébastien connaisse, que ses soeurs décrivent comme “de cristal”, est pourtant absente au récital où elle devait en faire démonstration à tout le royaume. Elle préfère explorer les épaves avec son ami Polochon.
Aladdin (en haut) & La Petite Sirène (en bas) : la musique, c’est bien, mais la modestie, c’est mieux.
En outre, dans La Petite Sirène, c’est d’abord Ariel qui est attirée et charmée par la beauté du prince. On retrouve, comme dans La Belle au Bois Dormant, un mouvement ascendant : elle est attirée par l’ombre d’un bateau auréolé de lumière.
Ariel, attirée par l’ombre d’un navire, envoûtée par la curiosité, monte à la surface et tombe sous le charme du prince Eric, un humain.
Toutefois, la voix de la princesse joue à nouveau un rôle essentiel. C’est à nouveau par le chant que le personnage masculin, qui jusque-là ignorait son existence, en tombe amoureux, lorsqu’elle le sauve de la noyade. Alors qu’il est évanoui, elle entonne un chant d’amour. La réverbération de la dernière note lui confère son caractère enchanteur et indique que le charme a opéré. La sirène, vue à travers le regard du prince, est magnifiée : en contre-plongée, elle est auréolée d’une lumière chaleureuse. De cette beauté, Eric ne retiendra qu’une chose : “elle avait la voix la plus belle du monde”. Là encore, chez Disney, entorse aux mythes, anges et sirènes, créatures pures et oniriques, ne font qu’un. Lorsque Eric évoque sa rencontre avec la jeune femme, son majordome y voit d’ailleurs une hallucination : “je crains que vous n’ayez ingurgité un peu trop d’eau de mer”.
Coup de foudre musical pour le prince Eric
La voix de la sirène détient un puissant pouvoir duquel la sorcière Ursula s’empare. Devenue muette mais humaine, la princesse tente d’obtenir un baiser d’amour avant le coucher du soleil du troisième jour. Tentative vouée à l’échec : non seulement le prince ne peut reconnaître celle qu’il a aimée au premier chant, mais il est envoûté, littéralement hypnotisé par la voix de la sirène, maintenant détenue par la sorcière. Une distinction est faite entre le pouvoir que cette voix donne aux deux antagonistes. Lorsqu’Ariel en fait usage, c’est le coup de foudre, l’amour véritable. Lorsque c’est Ursula qui l’utilise, le prince est envoûté, l’amour est forcé. Encore une question de pureté et d’authenticité ?
La voix d’Ariel : son effet sur Eric dépend de qui l’utilise
Plus récemment, en 2007, le film Il était une fois, d’ailleurs appelé “Enchanté” (Enchanted) en version originale, pastiche le film de princesse et le coup de foudre musical. Tout commence dans un monde fantastique, un royaume de conte de féed en dessins animés. Une jeune vierge qui vit dans une chaumière, un prince charmant, une reine vaniteuse, vous connaissez l’histoire. A nouveau, le lien entre l’héroïne et le monde animal se fait par le chant : par quelques vocalises, Giselle appelle et attire tous les mignons habitants de la forêt. A quelques pas de là, le prince rêve de coup de foudre musical (vraiment : “My heart longs to be joined in song”, dit-il). Il entame un chant que complète l’écho lointain de celui de l’héroïne, qui rêve aussi d’amour. Vous connaissez la suite : il s’élance à la recherche de la personne à qui appartient cette voix, ils chantent à l’unisson et tout le monde est heureux (excepté la méchante reine). Intéressante reprise puisque le prince charmant, celui qui donnera à la belle paysanne son baiser d’amour sincère, s’avérera être un autre.
Quelques vocalises et les animaux de la forêt répondent
Coup de foudre musical pour le prince Nathaniel
Il était une fois se moque gentiment de la naïveté du prince charmant – un peu benêt – et du coup de foudre. Toutefois, le chant du personnage féminin reste enchanteur et sa naïveté, charmante. Même s’il ne s’agit pas d’un coup de foudre, c’est aussi en partie par le chant que Robert, un homme sérieux qui héberge Giselle chez lui après que la méchante reine a envoyé celle-ci dans le monde réel, est séduit par l’héroïne. Le numéro musical “Comment Savoir” est central et marque l’évolution du personnage : d’abord réticent, un peu ronchon (“Ne chantez pas”), Robert finit par sourire et se laisser attendrir par l’enthousiasme de Giselle et son succès auprès des New Yorkais, qui se joignent à elle pour chanter et danser dans Central Park. Le prince Nathaniel fait également une apparition : reconnaissant la voix de son aimée, il entonne leur chant d’amour, celui de leur rencontre. Mais les deux personnages ne sont plus en chœur et le jeune homme se fait renverser – et interrompre – par un groupe de cyclistes. Ces deux chants, celui de la rencontre entre Giselle et le prince et celui de Central Park, suggèrent que la puissance du chant, ce vecteur de coup de foudre, tient à ce qu’il est un moment partagé. En effet, pendant leur visite musicale de Central Park, Giselle et Robert partagent de nombreuses activités, interagissent avec de nombreux New Yorkais, ce qui est souligné par les paroles de la chanson, dans lesquelles Giselle expose tout ce que Robert peut faire avec sa petite amie pour lui prouver son amour (et qu’il fait avec elle). Au contraire, lors de leur rencontre, Giselle et Nathaniel sont chacun centrés sur eux-mêmes, à rêver d’amour. C’est seulement parce que leurs rêves – à travers le chant – coïncident qu’ils déduisent que c’est le grand amour. Sous ses airs moins naïfs, Il était une fois réaffirme les vertus de la sérénade et le charme de la princesse amoureuse.
Moment charnière : Robert est attendri par l’enthousiasme musical de Giselle.
Johanna Benoist
Le Méchant
Les méchants sont légions dans les films Disney : point d’Aurore sans Maléfique, de Kuzco sans Izma, de Simba sans Scar, d’Aladdin sans Jafar… Ces emblèmes du Bien ont besoin d’une antithèse pour exister car ces envoyés du Mal – bien que très manichéens – sont des éléments moteurs de l’intrigue (et de la victoire finale). Le Mal doit s’incarner quelque part et, pour cela, Disney choisit un ou plusieurs émissaires (qui sont néanmoins remplaçables lorsque second opus il y a). Figures de pouvoir mais également d’avidité, de rancœur et de sournoiserie, les méchants ont souvent des caractéristiques communes qui permettent de signifier leur lien aux forces obscures. Les énormes colères d’Hadès qui le font flamber rouge, les ricanements sadiques et tonitruants d’Ursula ou les simulacres de gentillesse de Scar (Le roi Lion, Rob Minkoff, Darrell Rooney, Roger Allers, Bradley Raymon, 1994) ou de Jafar (Aladdin, Ron Clements, John Musker, 1992) nous ont tou.te.s marqué.e.s. Afin de parfaire l’analyse de ces figures machiavéliques, nous nous intéresserons à deux motifs dialoguant irrémédiablement l’un avec l’autre : l’ombre du Méchant recouvre sa victime et le Méchant observe sa future victime à distance.
L’ombre du Méchant recouvre sa victime
Sortant de l’ombre ou de la fumée (et non de la brume), la démarche lente et mesurée, imposant ainsi sa présence, le Grand Méchant surplombe souvent ses victimes, du haut d’un cheval, d’une tour ou tout simplement en contre-plongée. Ainsi, tant que cette hiérarchie visuelle est respectée, il est en situation de puissance, dominant son opposant. Et ce n’est souvent que par la chute – elle aussi visuelle – que leur pouvoir est réduit à néant. Ainsi, Frollo tombe d’une tour lorsqu’une gargouille s’effondre sous son poids dans Le Bossu de Notre-Dame (Garry Trousdale, Kirk Wise, 1996), Ursula, devenue gigantesque, s’enfonce dans les profondeurs de l’océan vaincue par le Prince Eric dans La petite sirène (Ron Clements, John Musker, 1989) et Hadès rejoint ses Enfers, défait par Hercule et Zeus, bien loin dans les profondeurs de la terre, dans Hercule (Ron Clements, John Musker, 1997).
Cette mise en scène est d’ailleurs souvent celle de la première apparition du Méchant. L’ombre portée est presque toujours présente : le Méchant jauge le héros, semblant plus grand que dans la réalité et donc plus puissant. Ce soudain assombrissement annonce la menace, émanant directement du personnage négatif.
Dans La Belle et la Bête (Gary Trousdale, Kirk Wise, 1991), la Bête arrive, extrêmement énervée, dans le salon du château où le père de Belle s’est réfugié, effrayé et frigorifié. Avant même que le spectateur ne découvre son physique poilu, se sont ses cornes pointues et sa stature imposante qui se découpent dans l’encadrement de la pièce, recouvrant totalement le fauteuil dans lequel le vieil homme s’est recroquevillé. Plus tard, lorsqu’il rencontre Belle, venue libérer son père, les cachots s’assombrissent et seul un rai de lumière, divisant le plan entre obscurité et clarté, laisse deviner sa silhouette monstrueuse. Quelques minutes plus tard, c’est encore une fois son ombre qui vient écraser la jeune femme assise sur le sol froid de sa cellule, doublée par sa présence envahissante, de dos au premier plan. Évidemment, lors de ces trois scènes, la Bête est encore un personnage négatif, mais bientôt se révèlera du côté du Bien.
Il n’est pas le seul à écraser un autre personnage de son ombre gigantesque et jouant de surprise. Il en va de même pour la marâtre de Blanche-Neige (Blanche-Neige et les sept nains, David Hand, 1937), méconnaissable sous ses atours de vieille femme, qui apparaît soudainement dans le cadre de la fenêtre alors que Blanche-Neige confectionne une tarte. Elle la recouvre entièrement de son ombre avant que l’on ne découvre son contrechamp. La jeune femme est alors effrayée du fait de l’apparence de la sorcière mais également de la surprise. Étant évidemment pleine de bonnes intentions, cette méfiance ne dure pas et mal lui en prend.
La menace contenue par le hors champ est la même avec Mère Gothel se penchant sur le berceau de la jeune Raiponce afin de lui couper une mèche (Raiponce, Byron Howard, Nathan Greno, 2010), Frollo, un poignard à la main, approchant doucement d’un Quasimodo éploré sur le corps inerte d’Esmeralda (Le Bossu de Notre-Dame) ou encore le Dr Facilier se présentant au Prince Naveen et à son serviteur (La Princesse et la Grenouille, John Musker, Ron Clements, 2009).
Évidemment, les méchants n’étant pas toujours de la meilleure humeur qui soit, l’ombre peut également s’étendre du fait de leur colère, à la manière de Hadès, remonté contre l’énième échec de Peine et Panique, les écrasant de toute sa hauteur et de toute son obscurité (Hercule). Dans Taram et le chaudron magique (Ted Berman, Richard Rich, 1985), le terrible Seigneur des Ténèbres est lui aussi sujet à de nombreuses colères qui font trembler ses guerriers. Lorsqu’il s’approche de Tirelire en pleine prophétie, s’écriant “Montre-moi !” et recouvrant le visage effrayé de Taram, il rompt ainsi la magie, révélant une nouvelle fois son avidité et son empressement. Le travail sur les ombres est d’ailleurs un motif caractéristique de ce film, très fortement inspiré du cinéma d’horreur et en décalage avec les autres films des studios Disney.
L’ombre semble ainsi être un prolongement du Méchant. Le Dr Facilier, maître des ombres et sorcier vaudou de La Princesse et la Grenouille, en est d’ailleurs le parfait exemple. Il contrôle les ombres et les morts. Et son ombre a également sa volonté propre et peut même agir sur le monde qui l’entoure, sans dépendre de son propriétaire. Elle fait notamment chuter le prince Naveen en poussant une chaise derrière lui.
Et Maléfique, des dizaines d’années plus tôt dans La Belle au bois dormant, étend son ombre sur tout le royaume, signifiant ainsi le développement infini de son pouvoir. Tandis que Scar et ses hyènes déchaînent leurs ombres dans une danse macabre, à la limite du satanique, en chantant “Soyez prêtes” (Le roi lion, Roger Allers, Rob Minkoff, 1994), tout comme les sbires de Maléfique dans leur danse de sabbat.
Motif de puissance, de malfaisance et de domination, l’ombre écrasant le héros ou l’héroïne est donc l’apanage des méchants et méchantes et permet d’accentuer l’atmosphère effrayante et la peur des personnages (et par là même des spectateur.rice.s). On imagine d’ailleurs très bien l’ombre du méchant projetée dans d’autres situations, que nous avons traitées dans nos défis précédents : un animal est le seul à réagir au Méchant, quelqu’un dit “Attrape ma main” et une silhouette apparaît derrière une vitre.
Le Méchant observe sa future victime à distance
Avant même de s’approcher de sa victime, le Méchant est avant tout un observateur. Souvent à distance, il semble pourtant partout présent et c’est ce qui le rend effrayant. Toujours en avance, rien ne l’arrête. Fin démiurge, le méchant adore observer l’exécution de son plan afin de tout contrôler. Ainsi, dans Raiponce, Mère Gothel poursuit Raiponce et la retrouve dans une taverne, chantant, et l’observe discrètement depuis la fenêtre, ourdissant sa vengeance. Elle apparaît également soudainement dans le dos de la princesse, semblant ainsi signifier qu’elle peut arriver à tout moment et que la menace est présente en permanence. Dans Le roi lion, Scar, lui, se manifeste, presque magiquement, à l’arrière-plan, alors que son neveu Simba pleure la perte de son père sur son cadavre encore chaud. Et c’est le Dr Facilier qui remporte ce rôle d’observation à distance, semblant toujours surgir de nulle part dans La Princesse et la Grenouille.
Et la meilleure solution reste encore de prendre de la hauteur. En effet, particulièrement sournois, c’est ainsi que les méchants manigancent : dans l’ombre, sur leur perchoir. Et c’est d’ailleurs par leurs yeux, si caractéristiques et en gros plan, qu’on les distingue si souvent : brillants dans le noir, plissés par la haine.
Dans sa posture très cinématographique, Hadès est un spectateur parfait, assis dans sa grotte, grignotant des vers grouillants et roses lorsqu’Hercule affronte l’Hydre de Lerne. Il savoure totalement le spectacle, sûr de sa victoire. Et c’est d’ailleurs toujours ainsi qu’il fonctionne, contrôlant les pions sur son échiquier mais ne mettant jamais la main à la patte : il envoie tour à tour Peine et Panique, un centaure, Mégara, l’Hydre… De même, dans Le Bossu de Notre-Dame, Frollo surveille Paris et Esmeralda depuis sa tour, éminence noire écrasante sur la capitale. Et Ursula, dans La petite sirène, contrainte à l’exil par Triton, est au courant des dernières nouvelles de la vie d’Ariel grâce à sa boule de cristal, monologuant ironiquement tel un téléspectateur énervé.
Et pourtant, elle se cache, observant à distance par le biais de ses émissaires, les murènes Flotsam et Jetsam, car elles sont ses yeux sous la mer comme à la surface. Elles sont ainsi tour à tour témoins de l’entichement de la sirène, du sauvetage d’Eric, de la dispute avec le roi et vont même jusqu’à la convaincre de rejoindre Ursula puis renversent la barque alors qu’Eric et Ariel sont sur le point de s’embrasser. De même, dans La belle au bois dormant, Maléfique se sert de son corbeau pour tout savoir et, dans Blanche-Neige, la sorcière utilise évidemment son célèbre miroir.
Épiant et fomentant de nouveaux plans, les méchants sont ainsi souvent des ermites, reclus de la société, vivant dans d’autres mondes ou dans des lieux inhabités. Et pourtant, malgré le spectacle qu’ils observent à distance, ils ne sont jamais gagnants.
Manon Koken
L’allié tente désespérément de guider le héros/l’héroïne sur le « droit chemin »
Parmi les héros et héroïnes Disney qui ont dû être étroitement surveillé.e.s pour ne pas quitter le droit chemin, nous pensons inévitablement à Ariel dans La Petite Sirène (John Musker, Ron Clements, 1990). Sébastien, le crabe, est le conseiller du roi Triton, qui lui demande de suivre sa fille et de ne pas la lâcher d’une “pince”. Sébastien se retrouve ainsi à faire les nounous pour l’héroïne de 16 ans. Il la suit jusqu’à son repère où elle entasse de nombreux trésors terrestres qu’elle trouve dans ses dangereuses expéditions en eaux profondes. Il découvre alors l’étendue de la passion de la jeune sirène et tente d’abord de la menacer de tout révéler à son père, avant de faire son mea culpa pour l’amadouer. Manque de chance pour lui, un bateau passe juste au-dessus d’Ariel qui, rongée par la curiosité, remonte à la surface. Impossible pour lui de l’en empêcher – un crabe, même plein de bonne volonté, ne fait pas le poids face à une sirène. Il essaye même de lui montrer que la vie sous-marine est plus excitante que la vie sur Terre avec la célèbre chanson Sous l’Océan.
Sébastien est, dès l’ouverture, dans une posture de conseiller. Imbu de lui-même, proche du pouvoir, il rêve d’être un grand chef d’orchestre et voit ses projets mis à mal par Ariel. Pourtant, il se prend d’affection pour l’héroïne et n’hésite pas à se mettre en danger pour la sauver. Après avoir tenté de la raisonner en chanson, il va la suivre sur Terre pour ne pas la laisser seule dans ce monde hostile. Il manquera de finir dans un plat à l’occasion. Dans un moment romantique, il va tout faire pour que Ariel embrasse Éric. Avec Polochon, le petit poisson craintif – qui suit Ariel dans toutes ses aventures -, il se retrouve à jouer le rôle d’allié et de compagnon que la jeune femme semblait avoir besoin pour passer de l’adolescence à l’âge adulte.
Sébastien, conseiller du roi, se retrouve à devoir surveiller Ariel
Cet arc scénaristique, plus qu’un réel motif – les actions de ces compagnons de fortune ne sont pas forcément stéréotypées, même si certains de ses personnages sont souvent maltraités et impuissants face aux héros -, est très présent dans d’autres dessins animés Disney. L’autre œuvre à laquelle nous pensons inévitablement est Le Roi Lion (Roger Allers, Rob Minkoff, 1994). En ouverture, le jeune lion Simba découvre son royaume avec son père et Zazu, majordome royal, est là pour rappeler à l’enfant qu’il est encore trop jeune pour prendre la place du monarque. Plus qu’un guide, Zazu est un garde-fou et représente l’ancien monde. Il parle, par exemple, de mariage à Simba et Nala. C’est dans la chanson Je voudrais déjà être roi que le rôle de Zazu est le plus clair. À chaque exemple que Simba avance, le calao à bec rouge est là pour le contrecarrer et chante explicitement au lionceau de ne pas “se tromper de voie” – celle par exemple de la tyrannie que son oncle Scar va prendre quelques minutes plus tard quand il décidera de tuer Mufasa pour prendre sa place. Mais là encore, l’oiseau n’est pas entendu, ou alors trop tard et le mal est fait : Simba s’aventure dans la partie interdite du royaume et se met en danger, obligeant son père à le sauver. Le roi meurt, laissant le héros orphelin. Il devra alors se trouver de nouveaux guides, un peu moins portés sur l’étiquette : Pumba et Timon.
Zazu, un majordome ridiculisé
Parmi les alliés zélés que les protagonistes Disney possèdent, comment ne pas citer Mushu dans Mulan (Tony Bancroft, Barry Cook, 1998) ? À la différence des deux précédents, Mushu n’est pas envoyé par une autorité familiale masculine, mais s’octroie le droit d’aider Mulan. En effet, alors que la jeune femme est partie déguisée en homme pour prendre la place de son père à la guerre, les ancêtres souhaitent l’aider en envoyant un puissant dragon. Le problème est que Mushu démolit par inadvertance le guide et décide de prendre sa place. Contrairement également à Ariel et Simba qui n’en faisaient qu’à leur tête, Mulan écoute avec attention les conseils de Mushu, instaurant dans une première partie des actions cocasses. Nous ne pouvons donc pas dire que le petit dragon amène la guerrière à devenir une meilleure personne, ni à entrer dans le droit chemin. Il est plus un soutien inébranlable dans l’aventure de l’héroïne qui se retrouve au milieu d’hommes dans une promiscuitée nouvelle pour elle. Il la sortira, malgré tout, souvent d’affaires : quand elle prend un bain et que trois de ses compagnons d’armes arrivent. Mushu mord les fesses de l’un d’eux pour détourner leur attention et permettre Mulan de s’enfuir. C’est également lui qui ne l’abandonne pas quand le général découvre qu’elle est une femme. Il permet aussi à Mulan de tuer le chef ennemi dans un combat final en haut du palais impérial. Mushu n’est donc pas un guide classique, mais un vrai allié pour Mulan qui la soutient dans ses actions et apprend à l’apprécier à sa juste valeur.
Mushu, plus qu’un allié : un dragon aux conseils douteux et une bonne mère
La liste ne s’arrête évidemment pas là. De nombreux autres compagnons, guides ou alliés peuplent les dessins animés Disney. Dans Pinocchio (Hamilton Luske, Ben Sharpsteen, 1940), Jiminy Criquet essaye bien de guider le tout jeune garçon sur le droit chemin, mais n’y parvient que rarement ou trop tard. Dans Pocahontas (Mike Gabriel, Eric Goldberg, 1995), l’oiseau Flit avec son air toujours contrarié représente la manière dont le père de Pocahontas pense et rappelle – là encore avec échec – à la jeune femme le chemin qu’elle devrait suivre. Mais elle préfère écouter son cœur comme lui conseille Mère Feuillage, l’arbre sacré qui l’accompagne réellement. Dans Raiponce (Byron Howard, Nathan Greno, 2010), le caméléon Pascal est un compagnon de jeu, mais également un véritable guide qu’elle écoute avec attention. Au fur et à mesure du récit pourtant, elle va s’en éloigner, marquant là aussi le passage de l’âge adolescent à l’âge adulte. Dans Cendrillon (Clyde Geronimi, Wilfred Jackson, Hamilton Luske, 1950), les souris jouent un rôle important pour aider l’héroïne à accomplir ses différentes tâches ménagères. Elles ne sont pas des guides, mais des soutiens infaillibles qui lui permettent d’accomplir les injonctions données à une femme à l’époque du film : être une bonne ménagère et une bonne épouse.
D’autres compagnons ont des significations différentes et ne sont pas là pour montrer le droit chemin. Dans Aladdin (Ron Clements, John Musker, 1992), Abu le singe exprime le côté enfantin et vénal d’Aladdin. C’est à cause de lui que le jeune homme se met dans des situations compliquées et se met en danger. C’est, de plus, un véritable acolyte qui accompagne et ne quitte jamais le héros et sera même jaloux de la relation naissante entre Aladdin et Jasmine. Mais toujours, le compagnon montre le passage de l’adolescence à l’âge adulte.
Marine Moutot
Un personnage prend de la hauteur
Dans un Disney, quand un personnage a besoin de prendre de la hauteur, il prend littéralement de la hauteur et se retrouve surélevé pour avoir un autre point de vue sur sa situation. Un personnage fournit des efforts pour atteindre un but qui se trouve au-dessus de lui. Même si cette action arrive souvent à la fin du film pour montrer une évolution, il arrive que cette notion d’altitude apparaisse à un moment charnière de l’histoire ou pour nous faire comprendre davantage l’état d’esprit du personnage. Ces deux exemples sont présents dans Le Roi Lion (1994), Hercule (1997), Pocahontas (1995) et Le Bossu de Notre-Dame (1997).
Hercule souffre de sa situation et se sent seul. Il n’est pas intégré dans la communauté du village dans lequel il vit car il a l’impression que sa véritable place est ailleurs. Après une énième dispute déclenchée par le comportement jugé déplacé d’Hercule par des villageois, il s’enfonce dans sa solitude et s’éloigne du centre du village. C’est à ce moment qu’il commence à avancer vers le bord d’une falaise en chantant I Can Go The Distance (Le Monde qui est le mien). Il surplombe la mer dans laquelle se reflètent les couleurs chaudes du coucher de soleil. Ce moment de la journée symbolise un entre-deux, entre le jour et la nuit, ce qui accentue le passage d’Hercule d’une vie à une autre. Dans ce film, cet instant représente un espoir et des possibilités infinies au vu de l’horizon qui se trouve au loin. De plus, l’atmosphère y est plutôt douce, presque rassurante avec des camaïeux orangés, comme si Hercule n’avait qu’à se lancer pour que tout se passe bien. Cette scène est d’ailleurs reprise plus tard, lorsque Hercule se retrouve au bord de la falaise qui surplombe le monde des morts dans le royaume d’Hadès pour plonger et récupérer Mégara. Cette fois-ci, l’ambiance est beaucoup plus macabre et oppressante. Le plus intéressant dans cette scène n’est pas le plongeon mais la remontée. Hercule va se hisser et surplomber la falaise mais cette fois-ci, il est dos au vide (au monde des morts), ce qui signifie que cela est derrière lui à présent. Puis il se retourne. Là où on le voyait face au soleil au début du film, dans ce plan, c’est lui qui brille – c’est lui le soleil. Quand Hercule culmine au bord d’une falaise dans le film, cela a donc deux significations : au début du film cela représente le champ infini des possibles qui s’offre à lui et à la fin du film, il a trouvé sa destinée et se trouve dos à l’horizon.
Une double signification est également présente dans Pocahontas (1995). Au début du film, Pocahontas se trouve au bout d’une côte qui surplombe la rivière. Il s’agit de la scène introductive du personnage. Elle apparaît comme ne faisant qu’un avec la nature et le vent joue autour d’elle. Elle ne regarde pas au loin mais a les yeux fermés, comme si elle s’imaginait ailleurs. Nous ne l’avons pas vue arriver au bout de la falaise. Elle s’apprête à redescendre pour rejoindre son amie qui l’appelle. Elle commence alors à marcher pour amorcer sa descente mais fait demi-tour et plonge sans hésitation dans la rivière. Cet acte nous montre un personnage téméraire et audacieux. En gardant cette image en tête, il est donc possible d’analyser la scène de fin du film avec plus de détails. En effet, après leur rencontre avec John Smith, celui-ci doit repartir pour l’Angleterre car il est blessé et a besoin de soins. Ils doivent donc se séparer. Mais John propose à Pocahontas de venir avec lui. Elle refuse sa proposition et décide de rester auprès des siens en Virginie. C’est à ce moment que commence la scène finale. John Smith embarque sur le navire qui le ramène en Angleterre et Pocahontas reste sur le rivage. À mesure que la musique originale prend de l’ampleur, Pocahontas se lance dans une course effrénée à travers la forêt. Elle court et se retrouve au bord de la falaise où nous l’avons vue pour la première fois. Cette fois-ci, son regard est dirigé vers l’horizon et suit le navire qui s’éloigne. Le vent qui jouait autour d’elle au début du film n’est plus concentré sur elle mais part de son corps pour aller souffler dans les voiles du bateau de John Smith pour le faire arriver plus rapidement. Contrairement à la scène d’ouverture, elle ne saute pas. Elle reste sur terre, sur la terre de son peuple. De plus, au début du film, Pocahontas était de face comme « filmée » en contre-plongée : nous partions de la falaise pour arriver à son visage. Dans la scène de fin, le plan final montre Pocahontas de dos : nous partons de son visage et ensuite le plan s’éloigne pour avoir la falaise dans le champ. Comme dans Hercule, le point culminant est présent à plusieurs reprises afin de montrer une évolution chez le personnage. Même si Pocahontas se trouve exactement au même endroit qu’au début du film, il y a un élément en plus dans le paysage : le bateau de John Smith.
Comme dans Pocahontas, nous pouvons retrouver un endroit symbolique au début et à la fin du Le Roi Lion (1994). Impossible d’oublier la scène d’ouverture : la présentation de Simba au royaume animal. Le rocher des lions offre une vue imprenable sur la Terre des lions. Au début du film, Simba se fait porter par Rafiki depuis la grotte jusqu’au bord du rocher suivis de ses parents, Mufasa et Sarabi. De cette manière, Simba est intronisé, présenté à son futur peuple, porteur de la promesse d’une digne succession voire d’un renouveau du royaume. Ce rocher représente le pouvoir. Lorsque Scar, le frère de Mufasa le tue afin de récupérer le titre royal, il prend possession de ce rocher. Cependant, la majorité des apparitions de Scar sur le rocher ont lieu à l’intérieur ou bien en bas mais il ne surplombe jamais le royaume. Après s’être exilé pendant des années, Simba va se battre pour arracher le royaume aux griffes de son oncle. La scène de bataille a lieu sur le rocher des lions. Après avoir vaincu Scar, Simba impose symboliquement son statut d’héritier légitime. Pour se faire, il avance vers le bord du rocher afin de montrer sa victoire sous l’impulsion de Rafiki, un peu comme au début du film. Une pluie battante s’abat sur le royaume pour symboliser que la Terre est maintenant lavée de tous les maux entraînés par le règne de Scar. Ici, le personnage qui surplombe un paysage relève d’un acte de tradition et de protocole – là où les autres exemples étaient davantage liés à la représentation physique des émotions des personnages – mais cela reste néanmoins très symbolique en termes d’élévation.
Un autre exemple issu du Bossu de Notre-Dame (1996) illustre bien la réutilisation d’un lieu en hauteur pour symboliser l’évolution du personnage. En effet, Quasimodo vit parmi les cloches de la cathédrale de Notre-Dame. Par conséquent, il surplombe la ville de Paris. Il grimpe même tout en haut de la flèche ce qui l’éloigne davantage du sol qu’il rêve de fouler. Il escalade la façade de l’édifice tous les jours mais personne ne le remarque. À la fin de la chanson Out There (Rien qu’un jour), il se trouve devant la fameuse rosace et chante à tue-tête la dernière note de la chanson qu’il n’interprète que pour lui car personne ne l’entend ni ne le regarde. Plus tard dans le film, lorsqu’il va sauver Esmeralda du bûcher, il la porte dans ses bras jusqu’à ce même endroit. Il se trouve au même emplacement que lors de sa chanson mais cette fois il porte Esmeralda à bout de bras en hurlant : « Droit d’asile ». Cette fois, tous les regards sont braqués sur lui. La subtilité réside dans le fait que Frollo avait caché Quasimodo en haut des tours pour que personne ne le voit mais que Quasimodo grimpe justement en haut de ces tours pour être vu par le plus grand nombre. Ce qui diffère des autres exemples cités plus haut, c’est, qu’à la fin, le personnage principal ne reste pas en haut de la cathédrale. Au contraire, il sort de l’église et marche parmi les habitants de Paris. Mais l’élévation reste présente car le dernier plan montre Quasimodo qui se fait porter par la foule. À la différence qu’au début du film il devait s’élever à la force de ses bras et que dans cette scène finale, ce sont les bras des autres qui le portent.
Déborah Mattana
Retrouvez de nouvelles pépites le mardi 11 mai 2021. Nous proposerons plusieurs bons films dans lesquels quelqu’un met la main sur la bouche de quelqu’un d’autre.
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Aladdin
Réalisé par John Musker & Ron Clements
1h30, États-Unis, 1993
Disponible sur Disney+, Orange & CanalVOD
Basil, Détective privé (The Great Mouse Detective)
Réalisé par Ron Clements, Burny Mattinson et David Michener
1h17, États-Unis, 1986
Disponible sur Disney+, Orange & Canal VOD
La Belle au Bois Dormant (Sleeping Beauty)
Réalisé par Wolfgang Reitherman, Eric Larson, Les Clark
1h15, États-Unis, 1959
Disponible sur Disney+, Orange & CanalVOD
La Belle et la Bête (Beauty and the Beast)
Réalisé par Gary Trousdale et Kirk Wise
1h27, États-Unis, 1992
Disponible sur Disney+, Orange & CanalVOD
Blanche-Neige et les sept nains (Snow White and the Seven Dwarfs)
Réalisé par David Hand
1h23, États-Unis, 1938
Disponible sur Disney+, Orange et CanalVOD
Le Bossu de Notre-Dame (The Hunchback of Notre-Dame)
Réalisé par Gary Trousdale et Kirk Wise
1h31, États-Unis, 1996
Disponible sur Disney+, Orange et CanalVOD
Hercule (Hercules)
Réalisé par John Musker et Ron Clements
1h31, États-Unis, 1997
Disponible sur Disney+, Orange et CanalVOD
Il était une fois (Enchanted)
Réalisé par Kevin Lima
Avec Amy Adams, Patrick Dempsey, James Marsden
Fantastique, 1h48, États-Unis, 2007
Disponible sur Orange et CanalVOD
Mulan
Réalisé par Tony Bancroft, Barry Cook
1h28, États-Unis, 1998
Disponible sur Disney+, Orange et CanalVOD
La Petite Sirène (The Little Mermaid)
Réalisé par John Musker, Ron Clements
1h23, États-Unis, 1990
Disponible sur Disney+, Orange et CanalVOD
Pocahontas, une légende indienne (Pocahontas)
Réalisé par Mike Gabriel et Eric Goldberg
1h22, États-Unis, 1995
Disponible sur Disney+, Orange et CanalVOD
La Princesse et la grenouille (The Princess and the Frog)
Réalisé par Ron Clements et John Musker
1h37, États-Unis, 2010
Disponible sur Disney+, Orange et CanalVOD
Raiponce (Tangled)
Réalisé par Byron Howard et Nathan Greno
1h41, États-Unis, 2010
Disponible sur Disney+, Orange et CanalVOD
Le Roi Lion (The Lion King)
Réalisé par Roger Allers, Rob Minkoff
1h29, États-Unis, 1994
Disponible sur Disney+, Orange et CanalVOD
Taram et le chaudron magique (The Black Cauldron)
Réalisé par Ted Berman et Richard Rich
1h22, États-Unis, 1985
Disponible sur Disney+, Orange et CanalVOD
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