Temps de lecture : 2 minutes.
Dans un petit village tibétain, deux frères font une drôle de découverte sous l’oreiller de leurs parents. Un ballon de baudruche ! Que fait-il donc là ? Pourquoi leurs aînés gardent-ils ce jouet caché ? Cet étrange objet va quelque peu bouleverser le quotidien de cette famille de bergers et de sa communauté.
Après sa sélection à la Mostra de Venise 2019 et au Festival Allers-Retours 2020, Balloon trouve enfin le chemin des salles obscures. Adapté de la nouvelle du cinéaste et écrivain Pema Tseden, ce long-métrage laisse un doux souvenir : celui d’un film abouti sur une problématique forte et actuelle montrant la diversité du cinéma tibétain.
Balloon traite, comme son nom l’indique, d’un ballon. Mais pas n’importe lequel… Un préservatif offert par la docteure de l’hôpital à la mère d’une famille de bergers. Le film se déroule à la campagne au croisement entre société moderne et vie rurale marquée par le poids des traditions. Les femmes ont une place difficile, prises en étau dans ce monde qui ne leur laisse pas beaucoup de choix. À elles la responsabilité du ménage, de la cuisine, mais aussi de la contraception, car ce sont elles qui doivent ensuite élever les enfants et les hommes, à l’image des béliers, ne contrôlent pas leur désir. Ainsi, c’est Drolkar, la mère, qui doit réfréner son mari quand le dernier préservatif a été utilisé. Le couple a déjà trois enfants et la ruralité est compliquée et éreintante, autant pour cette femme que pour les autres membres de la famille. Ce contrôle sur la natalité est source de honte au sein du village et doit rester secret malgré sa nécessité. En effet, c’est sous l’impulsion de Pékin et de sa politique de l’enfant unique que Drolkar a pu avoir accès à ses préservatifs, mais cette pratique est rejetée par la communauté. Le récit se tisse en parallèle autour de la religion très prégnante au Tibet. Le bouddhiste reste profondément ancré dans le quotidien et résiste à l’arrivée de nouveaux modes de vie plus modernes. C’est pour cela que les ballons-préservatifs génèrent une vague d’indignation. Le constat sur la situation des femmes est triste : face aux possibilités limitées, il faut choisir entre religieuse et mère de famille.
Malgré ce contexte difficile, Balloon ne sombre jamais dans le pathos ou le misérabilisme : il brosse un tendre portrait de famille, animé d’un humour subtil. Chaque personnage est bien développé et les spectateur.rice.s s’attachent rapidement à chacun d’entre eux : le grand-père marqueur d’un temps révolu, le père peu loquace, les deux garnements de fils, le grand frère studieux dans lequel la famille place tous ses espoirs, la sœur nonne au passé mystérieux qui va se couper du monde extérieur et la mère de famille, personnage central et complexe. Ces deux femmes sont d’ailleurs aux antipodes. Toutes deux enfermées dans un rôle traditionnel, elles sont bloquées par des conventions auxquelles il est difficile d’échapper.
En peu de mots, Pema Tseden nous en fait comprendre beaucoup. Sa mise en scène, simple et belle, magnifiée par une photographie à la lumière blanchâtre étonnante, pose un filtre sur ces vies. Son goût pour la rupture dans les plans (souvent un objet vient obstruer l’image et masquer un élément ou séparer deux personnages) souligne le soin apporté à cette dernière. Une belle sortie, étonnante et fascinante, pour reprendre le chemin des salles.
Marine Moutot et Manon Koken
Ballon
Réalisé par Pema Tseden
Avec Sonam Wangmo, Jinpa, Yangshik Tso
Drame, Tibet, 1h42
Condor Distribution
26 mai 2021
Un avis sur « [CRITIQUE] Balloon »