[CRITIQUE] Petite maman

Temps de lecture : 2 minutes.

Nelly vient de perdre sa grand-mère. Avec sa mère, Marion, et son père, elle aide à déménager la maison. Un jour, sa mère disparaît et Nelly rencontre une petite fille de son âge dans les bois. Elle s’appelle également Marion.

Le nouveau film de Céline Sciamma, dont le dernier long-métrage Portrait de la jeune fille en feu (2019) a reçu le prix du scénario à Cannes, raconte le deuil et la maternité. La cinéaste française offre une nouvelle fois un film fragmenté, sobre et donne des indices épars de son sujet. Sélectionné en compétition officielle à la Berlinale 2021, le long-métrage est enfin disponible en salles.

Au cinéma, l’adieu est davantage abordé à travers le regard des adultes, mais qu’en est-il des enfants ? Nelly s’inquiète de ne pas avoir dit « au revoir comme il fallait » à sa grand-mère. Dans une réalité qui est déconstruite par la perte d’un être cher, elle va tenter de réunir des bribes de souvenirs pour se retrouver dans une réalité fantasmée. En faisant ce voyage dans le passé, elle part en quête d’indices dans la maison presque vide de sa grand-mère et explore ainsi la coquille qu’elle s’est aménagée. Car Nelly semble être prisonnière des tensions inavouées de ses parents. Elle a besoin de parler et d’en savoir plus sur eux, sur leurs peurs, sur leurs aspirations. Mais elle se retrouve face au silence : elle reproche à son père de ne pas être complètement honnête quand il lui parle de son enfance, elle subit le chagrin de sa mère qui part subitement de la maison maternelle. La petite perçoit ces comportements comme des abandons et cherche donc à combler ces manquements par des projections maternantes de sa mère comme amie, comme alliée.

Dans Petite Maman, l’exposition des liens maternels à travers plusieurs générations — fille, mère et grand-mère à différents âges et temporalités — est un prétexte à l’exploration de la culpabilité que les enfants portent sur l’état de leurs parents. Nelly a besoin de se rassurer sur le mal-être de sa mère. Est-ce de sa faute ? La mise en scène multiplie les références à la maternité : cet espace réconfortant dans lequel on peut se blottir. Comme cette cabane dans les bois que Nelly et la jeune Marion réalisent ensemble. La forêt devient le lieu de réunion, le lieu de leur secret où elles se retrouvent à mi-chemin entre le passé et le présent. Pour leur dernière excursion, les deux enfants décident de voguer sur l’eau et traversent une pyramide — qui se situe à Renne-le-Château, lieu où la cinéaste a également réalisé son premier film, Naissance des pieuvres (2007). Cet espace sombre, où elles s’aventurent, possède ce côté effrayant et rassurant du ventre de la mère. On l’observe, on s’y arrête et on y renaît. Nelly, en sortant de la pyramide immergée, s’émancipe d’une certaine manière du deuil. 

La culpabilité grandissante et pesante que les personnages s’imposent explose dans une scène finale essentielle où la réalisatrice nous rappelle en un clin d’œil la complexité des relations familiales, mais aussi l’amour inextricable qui leur est inhérent. L’émotion jaillit enfin, brise le décor sec, l’image froide de cette maison vidée, et le film dévoile toutes ses saveurs.

Marine Moutot et Clémence Letort-Lipszyc

Petite maman
Réalisé par Céline Sciamma
Avec Joséphine Sanz, Gabrielle Sanz, Nina Meurisse
Drame, France, 1h12
Pyramide Distribution
2 juin 2021

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

2 commentaires sur « [CRITIQUE] Petite maman »

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