[DÉFI] Un bon film dans lequel quelqu’un regarde par-dessus un journal

Une femme s’évanouit de manière théâtrale, un objet roule doucement au sol en gros plan, des inconnus fomentent un plan machiavélique juste à côté des concernés… Le cinéma est rempli de motifs, parfois récurrents, qui intriguent et s’impriment dans nos esprits. Le deuxième mardi de chaque mois, nous vous proposons le défi “Un bon film avec…” : chaque rédactrice dénichera un film en lien avec un thème (plus ou moins) absurde mais qui vient naturellement à l’esprit. Pourquoi ces images s’imposent-elles ? Quel sens recouvrent-t-elles dans notre imaginaire ? Et dans l’œuvre ? Les retrouve-t-on dans un genre précis ? Comment deviennent-elles des clichés ?


/! Cet article peut contenir des spoilers. /!

Temps de lecture :  5 minutes

La première chose à laquelle nous pensons avec ce motif est le film policier. Celui des années 1950 et 1960, qu’il soit français ou américain – ici, nous parlerons plus de films noirs. Ces gens qui se cachent derrière un journal pour épier ou ne pas être vu et qui regardent discrètement par-dessus. En filature ou pour passer inaperçu, le journal est un bon outil pour l’espion. Dans Le Faucon Maltais (John Huston, 1941), il permet d’échanger des informations sensibles autour de meurtres liés à une statuette sans se faire remarquer des autres personnages dans un hôtel. Dans Indiana Jones et l’Arche perdue (Steven Spielberg, 1981), c’est un homme d’allure louche qui observe l’archéologue à l’aide d’un journal ou encore dans Baisers volés (François Truffaut, 1968) où Antoine Doinel (Jean-Pierre Léaud) espionne une belle femme derrière un journal. Figure iconique, elle passe au rang de cliché dans l’une des célèbres séquences Comment est votre blanquette ? dans OSS 117, Le Caire, nid d’espion (Michel Hazanavicius, 2006). Alors qu’Hubert (Jean Dujardin) a rendez-vous dans une brasserie pour recevoir les détails d’une nouvelle mission, il arrive à la table où se trouve son interlocuteur. L’homme est déjà assis, avec des lunettes et caché derrière un journal. Le motif est ainsi poussé à l’extrême par les lunettes noires, alors qu’il se trouve dans un restaurant. Le but premier du journal, être discret, est ainsi totalement désamorcé. 

Pourtant, le journal peut être utilisé dans d’autres contextes. Il reste un objet culturel important qui signifie et représente le savoir et le besoin de se renseigner. Ainsi, nous avons pensé à la fin de The Dark Night Rise (Christopher Nolan, 2012) – même si le motif n’est pas exactement respecté -, quand Alfred a un journal à la main, avant de prendre un café et de relever la tête pour voir Bruce Wayne. 

Parfois, le journal crée une séparation visuelle et signifie la rupture entre deux personnes. Dans Citizen Kane (Orson Welles, 1941), le magnat de la presse, Charles Kane épouse la nièce du président des États-Unis dans le but de faire une carrière politique. Dans un flash back, il est montré déjeunant avec sa femme à plusieurs moments de leur relation. Le temps et la distance les séparent au fur et à mesure. Au début, ils sont proches et se parlent, puis la table semble s’agrandir. A la fin, ils ne se parlent plus et regardent par-dessus un journal avec méfiance. Le journal marque le gouffre entre eux. Dans The Artist (Michel Hazanavicius, 2011), c’est le contenu du journal qui vient créer la distance dans le couple de George Valentin (Jean Dujardin). Alors qu’ils déjeunent, son épouse voit dans le journal une photo sur laquelle une autre femme l’embrasse. Elle pose le journal avec un regard noir. Malgré les poses comiques de son mari, on sent bien que le couple est sur le déclin. 

Mais si nous avons parlé surtout de quotidien, le journal peut prendre différentes formes. Cela peut être un journal intime dans lequel on écrit avant de regarder par dessus perdu.e dans ses pensées comme dans Le Journal de Bridget Jones (Sharon Maguire, 2001). Carnet de confidence, le journal intime est ainsi l’allié des comédies romantiques ou des teenagers, comme Easy Girl (Will Gluck, 2010). Mais cela peut également être un journal de voyages ou de recherche. Dans Indiana Jones et la dernière croisade – que nous analyserons juste après – c’est le cahier, où le père d’Indiana a consigné toutes ses recherches pour trouver le Graal, qui sert à l’archéologue pour décrypter les énigmes. Le film est également ponctué d’impressions de pages du journal et des visages qui le lisent. Mais d’autres films comme Benjamin Gates et le trésor des templiers (Jon Turteltaub, 2004), Tomb Raider (Roar Uthaug, 2018) ou encore les différents Sherlock Holmes de Guy Ritchie reprennent cette imagerie. 

Pour ce défi, nous avons décidé d’analyser une séquence d’Indiana Jones et la dernière croisade qui utilise ce motif tout en jouant avec.

Et surtout n’oubliez pas de voter à la fin de l’article.

Indiana Jones et la dernière croisade, Steven Spielberg, 1989

1938. Le célèbre archéologue, Indiana Jones, se lance dans la quête du Saint Graal pour retrouver son père. Celui-ci a disparu sans laisser de traces alors qu’il était sur une piste à Venise, en Italie.

Pour ce troisième volet, le cinéaste Steven Spielberg et ses scénaristes décident de s’attaquer à l’histoire du Graal. Quête de toute une vie, ce mythe catholique obnubile le père d’Indiana Jones. Quand c’est à son tour de partir à la recherche de la coupe de Jésus, Indiana est loin d’être aux anges. La première utilisation du journal se fait par le biais du journal de bord d’Henry Jones. Véritable chasse au trésors, aidé par les écrits paternels, le jeu semble presque trop simple. Les indices s’enchaînent et les réussites aussi. Mais l’archéologue n’est pas le seul à être sur la piste du Saint Graal. En effet, les nazis, qui deviennent de plus en plus importants en Allemagne, cherchent à acquérir la relique pour devenir tout puissants et conquérir le monde. Dans une course contre la montre, pour retrouver le Graal et échapper aux nazis, Indiana et son père vont frôler plusieurs fois la mort. Dans la séquence étudiée, ils viennent de s’enfuir d’un manoir et tentent de prendre un dirigeable pour la Turquie. Avant de décoller, un général nazi passe parmi les voyageur.euses à la recherche des deux Jones. Indiana, alerte, avait déjà repéré le nazi et c’était déguisé en contrôleur de billet. Henry, peu habitué au terrain, se cache derrière un journal allemand – en le lisant à l’envers.

Photogrammes x4

Le journal est donc ici un camouflage. Juste avant, dans la gare, tout le monde lisait différents journaux internationaux – italien, français, allemand. En en lisant un lui-même, Henry se fond dans la masse. Dans le dirigeable, la table des deux protagonistes est dans un coin, et, derrière le journal, Henry est invisible aux autres passagers. Quand le nazi inspecte le zeppelin, Indiana se tient à distance et observe la scène. Il ne veut pas se faire repérer et créer une situation dangereuse. Henry, lui, n’a pas conscience de la menace, d’ailleurs la mise en scène met un point d’honneur à ne pas le montrer. Il n’est représenté que par le journal grand ouvert. Si la scène pourrait être stressante et pleine de tension, cet effet est désamorcé par le choix de la bande sonore. La musique, qui accompagne la scène, est légère et proche de la farce. Quand le général arrive au niveau du Professeur Henry Jones et qu’il baisse avec un bâton le journal pour dévoiler son visage, le jeu des acteurs est très solennel. Le nazi, en reconnaissant le professeur, lui dit : “Guten tag Her Jones”. Henry, d’abord indisposé à répondre, affiche un regard surpris, mais pas forcément très inquiet. Il prend tout cela à la légère, n’ayant pas l’habitude du terrain.

Photogrammes x6

L’action est donc à l’inverse des films d’espionnage où c’est celui qui est derrière le journal qui observe et agit en conséquence. Ici, Henry est celui qui ignore tout de ce qui est en train de se dérouler dans le zeppelin. Totalement absorbé par une lecture d’une langue qu’il ne connaît pas, il attend patiemment que l’action lui arrive dessus. Il sera tiré d’affaire par Indiana qui se place juste derrière le nazi pour lui signaler sa présence et le jeter par la fenêtre. La situation comique ressort quand les autres passagers le regardent médusé.e.s et qu’il répond « No ticket ». Cela conclut l’ensemble de la séquence et du danger – pour le moment – que court les deux hommes.

Marine Moutot


Indiana Jones et la dernière croisade
Réalisé par Steven Spielberg
Avec Harrison Ford, Sean Connery, Denholm Elliott
Aventure, États-Unis, 2h07, 1989
 United International Pictures (UIP)
Disponible sur Netflix et Prime Vidéo

 

Retrouvez de nouvelles pépites le mardi 13 juillet 2021. Nous proposerons plusieurs bons films dans lesquels il se met à pleuvoir pendant ou après une dispute.

Vous aussi, mettez-nous au défi de dénicher des films en rapport avec votre thème, en votant pour le Défi #28 avant le 12 juillet 2021. Vous pouvez également proposer de nouveaux thèmes en commentaire ou sur les réseaux sociaux.

 

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

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