[CRITIQUE] Michel-Ange

Temps de lecture : 3 minutes

Italie. 16ème siècle. L’artiste Michel-Ange peine à terminer son travail dans la Chapelle Sixtine alors même qu’on lui demande de sculpter le tombeau du pape Jules II. Au même moment, le pays est bouleversé par des changements politiques et Michel-Ange se retrouve déchiré entre deux familles nobles et puissantes qui se disputent sa loyauté : les Médicis et les Della Rovere.

Andreï Kontchalovski n’est pas le premier à réaliser un film sur la figure emblématique qu’est Michel-Ange. En 1965, Carol Reed s’était déjà essayé à cet exercice avec l’Extase et l’agonie, superproduction portée par Charlton Heston et Rex Harrison. D’une certaine façon, les deux films se complètent et Kontchalovski entame son récit presque au moment où Reed l’avait terminé, avec la célèbre Chapelle Sixtine. Néanmoins, le réalisateur russe nous offre une image beaucoup moins lisse de l’artiste de la Renaissance. Dans Michel-Ange, le sculpteur, peintre et architecte, n’est aucunement le personnage idéalisé que l’on rencontre habituellement. Son portrait est honnête, sans concession, à tel point qu’à la fin du film nous sommes bien incapables de dire si nous le méprisons ou l’adorons. Servi par l’interprétation solide d’Alberto Testone, Michel-Ange apparaît tantôt comme un homme travailleur passionné, acharné, à la recherche de la perfection et doté d’un génie évident. Tantôt comme un être avide d’argent, frôlant la folie, la paranoïa et pouvant se montrer terriblement cruel. 

Ce réalisme que l’on trouve dans le caractère des personnages, se poursuit aussi dans la reconstitution de l’époque. L’Italie de Kontchalovski est une Italie sale, poisseuse, tout juste sortie du Moyen-Âge et dans laquelle se rencontrent prostitués, ivrognes et vendeurs en tout genre. Pourtant, malgré cette crasse ambiante, le réalisateur parvient à proposer avec un format 4:3 des images splendides et des cadres travaillés, où il s’amuse à glisser des références aux grands artistes contemporains de Michel-Ange, tel que Leonardo Da Vinci. 

Aux rues sombres, dangereuses et remplies d’ordures, s’opposent les couleurs claires et pures des carrières de Carrare dans lesquelles le maestro dépense argent et énergie pour récupérer le marbre le plus parfait, matériau de sa prochaine œuvre. C’est à travers ces séquences, proches d’un véritable combat contre la nature, que Michel-Ange apparaît sous son meilleur jour. Humain, digne, enthousiaste, il est prêt à tout pour faire descendre « le monstre » (le plus gros bloc de marbre) des collines de Carrare.

Le film n’est pas qu’un simple biopic sur la vie de Michel-Ange. Le réalisateur s’attache aussi à dresser le portrait d’une politique italienne chancelante, laissée aux mains de deux familles emblématiques qui, en plus de lutter pour le pouvoir, se disputent les talents de l’artiste italien. Bien que parfois lacunaires, ces moments d’Histoire nous permettent aujourd’hui de comprendre le lien fort (et ancestral) entre politique et art. 

Le film d’Andreï Kontchalovski est cependant imparfait et certains lui reprocheront sans doute un jeu d’acteur parfois très théâtral et caricatural (surtout concernant les membres des deux grandes familles). Néanmoins, les différents portraits dressés par le réalisateur (des personnages et de l’Italie elle-même) s’avèrent complexes et pertinents. Et même si on ressort de la salle avec un avis très mitigé (voir une déception) quant à l’artiste et la personne qu’était Michel-Ange, on ne peut nier que le réalisateur a su, à la perfection, montrer ce qui faisait le talent du sculpteur : malgré ses moments de folies, de doute et d’angoisse, malgré la laideur, le déchirement et la barbarie de son époque, Michel-Ange parvenait toujours à trouver la beauté.

Camille Dubois

Michel-Ange (Il peccato)
Réalisé par Andreï Kontchalovski
Avec Alberto Testone, Jakob Diehl, Riccardo Landi
Drame biographique, Russie, Italie, 2h23
UFO Distribution
21 octobre 2020 (Ressortie le 19 mai 2021) 

Publié par Phantasmagory

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