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Seul avec deux enfants en bas âge, Alexandre cherche un emploi pour prouver à sa femme qu’il peut se débrouiller. Il est recruté par une entreprise, The Box, ultra connecté et sophistiqué. Il ne sait pas ce qu’il fait là et ne comprend pas son poste. Mais surtout, et c’est le pire, la start-up a une politique « Pas d’enfant ». Il se retrouve à devoir mentir au risque de perdre son emploi.
La nouvelle comédie de Bruno Podalydès – dont le dernier Bécassine ! (2018) n’avait pas forcément convaincu, mais qui avait su nous régaler en poésie avec Comme un avion (2015), Adieu Berthe, l’enterrement de mémé (2012) ou encore Bancs Publics (Versailles Rive-Droite) (2009) — réussit une fois encore à nous faire rire des déboires de ses protagonistes. Sélectionné au Festival de Cannes 2020, le film arrive enfin sur nos écrans. Les 2 Alfred aborde pêle-mêle l’ubérisation de notre société, la panique de perdre son emploi, le fait d’avoir des enfants et apprendre à s’adapter malgré tout — et contre tous.
Avec ces trois cinquantenaires qui se confrontent au monde du travail à l’ère de la start-up et de la toute-puissance du boulot sur la vie privée, le long-métrage s’apparente — de loin — au film de Benoît Delépine et Gustave Kervern, Effacer l’historique (2020). Mais ici, le récit s’attache avec tendresse à ses protagonistes qui sont secoués par un environnement qui ne leur correspond pas. Elles et ils doivent faire face à des machines qui se personnifient de plus en plus. C’est la voiture qui n’en fait qu’à sa tête, les petits Colibirds — engin volant qui transporte des colis — sont plus délaissés sur le bord de la route, la pierre Siri qui fait le perroquet. Mais également à des conditions de travail qui poussent à toujours s’investir plus au risque de son bonheur et de son équilibre personnel. Dans ce monde instrumenté, Sévérine (Sandrine Kiberlain), cheffe de projet stricte, Arcimboldo (Bruno Podalydès, qui pour la première fois partage l’affiche en tant qu’acteur), excentrique autoentrepreneur qui tente de gagner de l’argent comme il peut et Alexandre (Denis Podalydès), perdu avec deux enfants tentent tous de trouver un sens à tout cela. Arcimboldo cherche l’amour, Sévérine rêve de faire des claquettes et Alexandre veut reconquérir sa femme. Leurs ambitions professionnelles viennent briser leurs désirs personnels. Le boss de The Box, succursale d’une grosse boite à Londres, est un tyran qui aime à régner sur son équipe. Loufoque, il est surtout pathétique. Appliquant un management à l’américaine, il va jusqu’à perdre son corps pour ne faire qu’un à l’entreprise. The Box, c’est la métaphore de l’esprit qu’on enferme et qu’on tord pour qu’il se plie à la volonté de l’employeur — sans succès. Avec humour, le cinéaste et scénariste est grinçant. Il montre que la technologie et les diktats de l’entreprise moderne — bien souvent ridicule comme de demander aux employés de ne pas avoir d’enfant — font passer à côté de l’essentiel. Les deux petits Alfred du titre renvoient d’ailleurs à la paternité d’Alexandre. Papa à temps plein et totalement dévoué à sa nouvelle société, il doit sans cesse faire attention que ses deux fils aient leur doudou. C’est une belle métaphore pour qu’il n’oublie pas ce qui le fait vibrer au quotidien : sa famille.
Porté par un beau trio d’acteurs et d’actrice, Les 2 Alfred est une comédie douce-amère sur le décalage de génération, mais pas que. C’est toute une société qui déraille et Bruno Podalydès filme cela avec une certaine tendresse. L’ensemble reste malheureusement parfois timide dans la dénonciation et certaines séquences sont à côté (et c’est dommage, car cela aurait pu être très drôle). Il demeure un joli long-métrage pas prise de tête, mais qui manque un peu de magie.
Marine Moutot
Les 2 Alfred
Réalisé par Bruno Podalydès
Avec Denis Podalydès, Sandrine Kiberlain, Bruno Podalydès
Comédie, France, 1h32
UGC Distribution
16 juin 2021