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Mikaël, médecin, tente d’aider comme il peut les toxicomanes dont personne ne veut entendre parler. Alors que la nuit commence et qu’il prend son service, son cousin, avec qui il trafique déjà des ordonnances, lui demande encore de l’aide. Mikaël, à bout, décide de tout régler en une nuit, cette nuit fatidique où tout doit changer.
« C’est politique. » Tout est politique. L’ouverture de Médecin de nuit du cinéaste français Elie Wajeman est âpre. Le grain de l’image sert le propos : un médecin accueille dans sa voiture un toxicomane pour lui prescrire du Subutex. En faisant cela, il souhaite les aider, eux que personne ne voit et que personne n’entend. Il veut leur donner un espace et leur prêter une oreille attentive. Il les connaît par leurs noms ou il s’agit d’ami d’ami, son numéro circule. Lors d’un contrôle où une femme vérifie ses prescriptions derrière un ordinateur, il affirme : « oui, c’est politique ». Il a fait ce choix d’aider les plus démunis. Médecin de nuit commence alors comme une dénonciation forte de situations précaires qui ébranlent les bases de notre société.
Pourtant rapidement, le récit s’égare. S’il veut montrer un homme acculé par des choix cornéliens, il perd aussi l’essentiel. Cette critique de notre société qui délaisse les êtres humains en les considérant comme des déchets. Elle est importante, vitale et surtout puissante. À travers le personnage de ce médecin qui va d’appartement en appartement, de personnes seules en personnes seules, le film expose ce qui se passe quand tout le monde dort. Cette solitude dans une grande ville qui anonymise tout le monde. Le cinéaste, également scénariste avec Agnès Feuvre, ajoute couche après couche à son histoire. En plus d’un trafic de médicaments, qu’a mis en place son cousin pharmacien et que Mikaël aide à contrecœur, il y a l’adultère. Cet homme, acculé de tous les côtés par des mauvaises décisions, alors qu’il semblait pourtant si impliqué et juste. À l’inverse, son cousin, incarné par Pio Marmaï, est véreux et lâche. En créant des antithèses, le scénario devient manichéen. Et il y a les deux femmes de sa vie : son épouse et mère de ses deux petites filles, Sacha (Sarah Le Picard) qui n’en peut plus et Sofia, pharmacienne magnifique et énigmatique, que rien ne touche. Interprétée par Sara Giraudeau, que l’on peut également retrouver dans Le Discours actuellement en salles, Sofia est le contraire de Sacha. Elle est libre et indépendante, là où Sacha n’évolue que dans l’appartement familial. Cette binarité dans les personnages appauvrit le film. Il va trop loin dans les difficultés que doit surmonter Mikaël et la fin, attendue, est de trop. En épurant le scénario et en offrant des protagonistes et antagonistes plus sympathiques autour du médecin de nuit, le long-métrage aurait gagné en intensité.
Véritable coup de force dans un rôle dramatique, Vincent Macaigne apporte de la candeur à Mikaël. Dans un très beau moment où, épuisé, il soigne une vieille dame, il s’arrête sur le piano. La femme lui propose de s’asseoir et d’écouter un morceau ayant senti la détresse qui l’habitait. Le film sait ainsi faire preuve de subtilité, surtout avec ce personnage. La mise en scène, qui vient capter les moindres émotions en filmant beaucoup en gros plans les visages, le met en valeur. Et alors qu’il est comparé à un saint par un de ses patients, dans la séquence suivante Mikaël est baigné dans une lumière blanche. Elie Wajeman voulait faire de son héros une figure iconique, à la fois torturée et juste, mais cet effet disparaît à cause de surplus scénaristiques. C’est dommage, car cela faisait longtemps que nous n’avions pas vu une telle puissance visuelle dans le cinéma français.
Marine Moutot
Médecin de nuit
Réalisé par Elie Wajeman
Avec Vincent Macaigne, Sara Giraudeau, Pio Marmai
Drame, Thriller, France, 1h41
Diaphana Distribution
16 juin 2021
Très belle critique d’un film qui a priori n’était pas dans mon viseur.
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Merci ! N’hésite pas si tu le vois à nous faire un retour.
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Je n’y manquerai pas.
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