[CRITIQUE] Ibrahim

Temps de lecture : 2 minutes.

Après un vol raté avec son ami Achille, Ibrahim brise le rêve de son père qui doit rembourser un écran de télévision cassé. Il va alors tout faire pour réparer son erreur et rendre la dignité à son père, Ahmed.

Sélectionné au Festival de Cannes 2020 et ayant reçu quatre prix au festival francophone d’Angoulême (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario, meilleure musique), le premier long-métrage de Samir Guesmi frappe par sa justesse. La relation entre un père et son fils est touchante. L’amour et l’affection passent dans les détails et dans les silences. Brillamment mis en scène, Ibrahim montre aussi les rêves d’une partie de la population que la société française oublie trop souvent. 

Avec tendresse, Samir Guesmi dresse le portrait d’un jeune homme à la marge. Ibrahim est profondément juste et bon, mais également un peu naïf et qui ne sait pas s’imposer. Il voit son père qui tous les jours s’enferme dans son travail et dans l’espoir d’avoir une meilleure situation. Il est alors inspiré pour donner le meilleur de lui-même, mais son ami, Achille, plus âgé, est un voyou. Lors d’un vol à l’étage raté, Ibrahim se fait prendre. Son père est forcé à payer pour rembourser le magasin et perd, en même temps, son rêve – avoir un nouveau dentier pour pouvoir travailler en salle au restaurant, le Royal Opéra. En voulant réparer son erreur, Ibrahim cherche aussi à s’affirmer et à prendre ses responsabilités. Les noms des deux jeunes protagonistes sont fortement liés à la mythologie et à la religion. Si Ibrahim est un prophète de l’islam et le modèle du croyant, son ami renvoie au talon d’Achille. Il est la faiblesse d’Ibrahim par lequel il se laisse emporter dans des combines douteuses et peu intelligentes. Son père, Ahmed – dont le nom veut dire « celui qui reçoit les louanges », interprété par Samir Guesmi, ne parle presque pas. Tout passe par le regard et par le geste. Son mutisme permet pourtant d’en dire plus que beaucoup de paroles et le peu de dialogue échangé revêt une importance capitale. C’est le tatouage, souvenir d’un passé de difficile. C’est le t-shirt, souvenir de la mère décédée, que porte Ibrahim et qu’Ahmed ne peut plus voir. C’est la gifle du père, non pas quand son fils vole et lui vole son rêve, mais quand il ne joue pas au football alors que c’est sa passion. Ce qui ronge Ahmed n’est pas qu’Ibrahim fasse des conneries, mais qu’il ne profite pas de sa jeunesse. C’est l’amour d’un père pour son fils qui ne parvient pas à s’exprimer.

Samir Guesmi s’entoure, en plus Abdel Bendaher, dont il s’agit du premier rôle, pour incarner avec justesse le jeune Ibrahim, d’ami.e.s et d’excellent.e.s acteur.trice.s. Nous retrouvons dans un petit personnage, Florence Loiret-Caille — avec qui il a joué par exemple dans L’Effet aquatique de Solveig Anspach — ou encore Philippe Rebbot dans un rôle à contre-emploi surprenant. Pour faire face au silencieux Ibrahim, dont la chapka ancrée sur la tête l’isole, la jeune Luàna Bajrami (Portrait de la jeune fille en feu, Céline Sciamma, 2019) scrute et observe elle aussi le monde autour d’elle. Elle incarne Louisa, dont Ibrahim tombe sous le charme et qui tisse des liens de plus en plus forts. Elle prend part à son émancipation et à la libération du souvenir de sa mère.  

La caméra réussit à capter un Paris gris, à la fois terne et beau, qui fait d’Ibrahim un premier film mature et prenant. Cette histoire, qui pourrait sembler un peu banale, est montrée sans effusion et avec simplicité. Samir Guesmi se confirme tant, comme un acteur accompli, qu’un grand cinéaste.   

Marine Moutot

Ibrahim
Réalisé par Samir Guesmi
Avec Abdel Bendaher, Samir Guesmi, Rabah Naït Oufella
Drame, France, 1h20
Le Pacte
23 juin 2021

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

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