[CRITIQUE] – Inside

Temps de lecture : 3 minutes

Confiné chez lui pendant de longs mois, l’humoriste Bo Burnham a décidé de mettre à profit ce temps pour transformer son appartement en une scène de spectacle. De cet enfermement résulte 1h30 de spectacle où Bo se met en scène seul, sans public, sans rire, et avec toute la magie dont il est capable.

Bo Burnham (de son vrai nom, Robert Pickering Burnham) est un acteur, compositeur, chanteur, humoriste, réalisateur (rien que ça) américain de 30 ans. Du haut de son (très) jeune âge, il a déjà écrit plusieurs spectacles pour Netflix, a sorti son premier film en 2018, Eighth Grade (2018), a joué dans Promising Young Woman (2020) aux côtés de Margot Robbie et a mille et uns autres projets qui arrivent bientôt, notamment un rôle dans la prochaine série d’Adam McCay produite par HBO. Bref, Bo transforme en or tout ce qu’il touche.

Aussi, quand il a annoncé le 28 avril sur Twitter qu’un nouveau spectacle allait sortir sur Netflix le 30 mai, Internet a un peu tremblé. 

Avec Inside, Bo Burnham propose une nouvelle fois un spectacle musical, dans lequel il joue de sa belle voix et de son habituelle finesse d’écriture. Le ton est léger, facile à suivre et très divertissant. L’humour de Bo n’a pas changé, il est toujours aussi piquant et sarcastique : l’humoriste raconte ses blagues sans esquisser un sourire. Ce côté pince-sans-rire est encore accentué ici par l’absence de public, l’absence de rire qui rythme habituellement les one-man-show. Dans Inside, la cadence est donnée par les chansons, toutes plus réussies les unes que les autres, qui s’enchaînent très vite pendant le premier tiers du spectacle. Et puis, l’ambiance change. Bo apparaît soudain barbu, chevelu, signe que le temps a passé. Il est abimé et ne s’en cache pas. Au contraire, sa fatigue devient un sujet, qu’il met en scène. Il se filme devant un miroir, se parlant à lui-même, ou s’adressant directement à nous, confiant qu’il ne sait plus si ce qu’il écrit a du sens. Le spectacle a basculé dans une autre partie qui alterne entre les moments de grande créativité visuelle et sonore et les moments où Bo ne filme que son appartement en désordre et le silence de son  isolement. Peu à peu, ce silence, cette tristesse prennent le pas sur le spectacle. Bo devient amer et sombre évoquant notamment les dangers d’Internet, avec la chanson “Welcome to the Internet”. Il mentionne à plusieurs reprises qu’il ne sait pas s’il va réussir à finir ce spectacle qui l’obsède et le vide de son énergie. Il se filme souvent dans le noir, devant son ordinateur, le visage partiellement éclairé par les lumières colorées des scènes de chant qu’il vient de tourner, sa jambe tressautant au rythme de son anxiété. 

Inside est l’œuvre d’un seul homme, littéralement un one-man-show : Bo a endossé les rôles de caméraman, d’acteur, d’écrivain, de monteur … Il a porté ce spectacle à bout de bras pendant de longs mois et propose une œuvre d’une très grande richesse, notamment visuelle. Les plans sont très travaillés, colorés, vivants, bouillonnant d’énergie, contrastant entièrement avec les propos de Bo, avec sa fatigue mentale, et transforment le lieu de vie de l’artiste en un formidable théâtre éphémère. Une telle créativité venant d’un homme aussi éreinté mentalement est admirable. Le spectateur oublie dès qu’il est plongé dans la tête de Bo que tout est filmé dans un petit espace de deux pièces aux murs blancs, mal rangé et exigu. Il n’y pas de fenêtres ou d’ouverture, si ce n’est les mondes vers lesquels l’imagination de Bo nous emmène. 

Au milieu de ces doutes, de ce tourbillon de créativité, Bo pose plusieurs questions, centrales dans toute son œuvre : est-ce qu’il faut continuer à faire rire, à créer, et ce en dépit de toutes ces affreuses nouvelles qui nous tombent dessus dès qu’on ouvre un journal ? Est-ce que l’humoriste a encore sa place dans ce monde ? 

La réponse de Bo est un formidable “Oui, il faut continuer”, qu’il chante bien haut et fort. Oui, il faut continuer même si c’est dur, il faut “guérir le monde avec de l’humour”.

Bo nous ouvre en grand la porte de son intérieur, loin des salles de spectacles. On n’en sort pas indemne, parce que le sujet est tellement universel que le spectateur ne peut qu’être touché par la subtilité et la justesse de l’écriture. Bo a sorti un chef-d’œuvre qui vous fera rire, pleurer et chanter. Et qui sait, à la fin du visionnage vous aurez peut-être également envie de commencer à écrire quelque chose pour guérir le monde avec vos mots. 

Angie Lauprêtre

Inside (2021)

Créé par Bo Burnham

Disponible sur Netflix depuis le 31 mai 2021

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

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