[CRITIQUE] Benedetta

Temps de lecture : 3 minutes.

Pescia, au 17e siècle. Dans cette petite ville italienne, Benedetta rejoint très jeune le couvent. Elle communique avec la Vierge Marie et pense faire des miracles. Plus tard, quand la peste sévit dans toute l’Italie, elle croit pouvoir sauver sa ville de la maladie.

Paul Verhoeven aime provoquer, être dans l’outrance et la luxure. Avec son nouveau long-métrage, présenté en Compétition au Festival de Cannes et attendu depuis deux ans, Benedetta, le cinéaste ne déroge pas à la règle. Il parvient une nouvelle fois à surprendre, mais également à décevoir. Ce récit de désir et de passion dans un couvent tombe à plat. 

Inspiré de faits réels, le film expose la vie de Benedetta Carlini, figure majeure dans l’histoire de la spiritualité féminine. Personnage ambigu, qui explore sa sexualité dans un lieu où cela ne devrait pas exister, Benedetta choque et provoque. La relation lesbienne qu’elle entretient avec une autre sœur — Bartholomea, dont le personnage est à peine esquissé et sert plus de faire-valoir — montre l’ambiguïté de cette femme qui offre son corps et son âme à Jésus. Vierge, dont le corps est un mystère, cette découverte de la jouissance est maladroitement mise en scène, dans des séquences vides de toute sensualité. Sous ses airs de femme naïve qui apprend la vie, Benedetta est une femme rusée qui comprend très vite que ses miracles sont une porte d’entrée au pouvoir. Les jeux de gouvernances dans le couvent de Pescia sont d’ailleurs intéressants et la religion ne semble pas avoir sa place. Personne n’est sincère, pas même la fille de la Révérende mère qui agit contre Benedetta par jalousie. Tout ce petit monde vit en huis clos et est peu intéressé.e.s par les malheurs de l’extérieur. Benedetta ordonne la fermeture de la ville — meilleure chose à faire on vous l’accorde — après avoir reçu un appel de Jésus lui indiquant de le faire. En lui prêtant ses traits, l’actrice française Virginie Efira montre là encore l’étendue de son talent. Mais si les acteurs et actrices sont bons, le film pêche par certains dialogues lourds et inappropriés. 

La mise en scène ne rattrape pas l’ensemble. L’utilisation d’images de synthèse virant par moment à la laideur. La séquence où une comète se dirige sur Terre est particulièrement affligeante. Le rouge artificiel qui nimbe le ciel aurait pu être magnifique, mais n’est pas crédible. Cela donne un aplat de couleurs et des personnages qui bougent dessus. De plus, tout est sale dans cette Italie de la Renaissance. Le premier échange entre Benedetta et Bartholomea se fait au cabinet où le bruit des flatulences et des excréments agrémente leur conversation. Les furoncles de la peste couvrent le corps des futurs morts avec un certain dégoût. Mais là encore une fois cela ne va pas plus loin à part mettre mal à l’aise, cela reste sans fondement ni grand intérêt. 

Alors que l’histoire semble vouloir parler de féminité dans un monde d’hommes, de soumission, de pouvoir, mais également de désir et de foi, le film n’effleure même pas la surface de tous les thèmes que la vie de cette sœur offre. Peut-être le Hollandais violent voulait-il juste choquer ? Dans certaines séquences, le cinéaste parvient à dégoûter en ne coupant pas assez tôt — comme dans une scène de torture difficilement soutenable. Dans d’autres, il ne réussit pas à filmer la passion entre deux femmes. Les corps nus ne sont plus désirables ou condamnables, mais simplement là. La chair perd le goût de la chair. Si attendu sur la Croisette et dans les salles, Benedetta déçoit, n’étant ni subversif ni corrosif, seulement superficiel.

Marine Moutot

Benedetta
Réalisé par Paul Verhoeven
Avec Virginie Efira, Charlotte Rampling, Daphne Patakia
Drame, France, Pays-Bas, 2020, 2h06
Pathé Film
9 juillet 2021

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

5 commentaires sur « [CRITIQUE] Benedetta »

  1. Eh bien Marine, quelle véhémence ! J’entends les arguments sans pour autant les partager, mon ressenti envers ce film étant tout autre. Là où je te rejoins, c’est dans le kitsch de certaines scènes (le Christ en croix, les serpents) dont l’esthétique m’évoque pourtant a posteriori celle de certaines images pieuses et hypocrites, finalement assez raccord avec le propos du film.

    J’aime

    1. J’aime beaucoup le cinéma de Verhoeven et j’avoue que j’attendais avec tellement d’impatience Benedetta. Ce fut ma plus grosse déception du festival de Cannes cette année. Mais je peux aussi comprendre qu’on puisse l’apprécier. Il y a énormément d’éléments passionnants à analyser.

      Aimé par 1 personne

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