Temps de lecture : 3 minutes.
En 2012, dans les quartiers nord de Marseille, les policiers de la Bac ont totalement perdu le contrôle et le taux de criminalité atteint des sommets. Greg, Antoine et Yass sont au cœur de l’action. Fatigués d’intervenir sur des petits larcins, ils sont les premiers sur le pied de guerre quand un gros coup se prépare.
Encerclé par une foule menaçante, le trio se détache, les traits tendus, en position de combat. Comme l’annonçait son affiche, Bac Nord de Cédric Jimenez (La French, 2014 ; HHhH, 2016) est un film d’action à l’atmosphère intense dans lequel les protagonistes sont en permanence sur le fil du rasoir. Évidemment, le cliché est rapidement au rendez-vous. Voyons le bon côté : nous sommes prévenu.e.s.
Greg (Gilles Lellouche), Antoine (François Civil) et Yass (Karim Leklou) sont flics et vivent pour les sensations fortes. Dès les premières minutes, le trio est dans le feu de l’action, efficace, soudé, blagueur… et surtout à la limite de la légalité. Ne serait-ce pas un indice qui va leur jouer des tours ? Passons. Ici, c’est Lellouche, le chef, ou plutôt Greg. Vieux de la vieille qui a vu les conditions d’exercice se dégrader, il est aigri d’observer la décrépitude de l’institution dans laquelle il évolue. D’autant que ça lui met de sacrées limites à son exercice. “Faut pas faire de vagues. Faut pas casser le matériel. Faut laisser faire.” Oui, Greg est vénère et d’ailleurs Lellouche n’est pas au meilleur de sa forme – trop d’émotions ? – bien qu’il évolue en terrain connu. Entouré d’un François Civil en jeune flic motivé à la décoloration blonde – qui lui vaut des vannes plutôt bien placées bien que répétitives – et d’un Karim Leklou qui souhaite calmer le jeu car “quand même, il est père de famille maintenant”, le trio infernal enchaîne les interventions pour nous prouver sa badasserie (et puis, bon, ça nous les rend quand même un peu sympathiques). À leurs côtés – mais à distance -, Adèle Exarchopoulous joue la femme de Yass, jeune maman sympathique au caractère bien trempé, mais rapidement oubliée. Une tentative manquée de l’actrice pour sortir de ses rôles habituels qui aurait sûrement mérité plus de temps à l’écran.
Frustrés d’un quotidien rasoir entre vols à la tire et vendeurs à la sauvette de tortues, ce sont de vrais bonhommes qui recherchent l’action et veulent sentir l’adrénaline monter. Leur petit système est bien rôdé, ils sont au taquet et dès que ça chauffe, les premiers à arriver. Dans ce milieu masculin, c’est le système D qui règne et, bien que l’institution policière ne cesse de les gronder, hypocrite, elle ne fait que les pousser à emprunter des voies détournées. La tension monte. Les guerres de territoire et les logiques de pouvoir mènent, de manière évidente, à un point de non-retour. Dans cette atmosphère tendue, Bac Nord réussit tout de même à nous inquiéter un peu pour ses personnages et instille une ambiance assez stressante et intense à certains moments. Il n’empêche le soufflé retombe bien vite. La critique institutionnelle suit son cours mais manque de force. Sans pour autant être un film social, Bac Nord évite tout de même certains écueils et met en lumière un système corrompu par les politiques et les jeux de pouvoir. Dirigée par les stats et calculant chaque intervention au point près, la police n’a plus de beaux jours devant elle. Sa doctrine pourrait être : mieux vaut en sacrifier quelques-uns que couler tout le système. L’argument est simple et assez cliché mais a le mérite d’être clair.
Avec sa forme classique alimentée de musiques pulsées à outrance, l’histoire cousue de fil blanc surprend peu lorsqu’un retournement de situation advient. Après tout, on devait s’en douter : l’ouverture l’avait annoncé. Entre les plans de coupe d’Antoine – complètement gratuits – pour montrer le physique avantageux de Civil et ceux du bébé de Yass en lumière rasante pour souligner le bonheur de la vie de famille, Bac Nord essaie de nous plonger dans le quotidien de ses personnages. C’est maladroit. Heureusement, quelques répliques et scènes humoristiques rythment la narration. On en retient tout de même un peu de vocabulaire des cartels de la drogue : les nombreux “Popo !” hurlés d’un bout à l’autre des cités pour avertir de l’arrivée des flics en civil, démasqués. “Nourrice” et “charbonneur” s’ajoutent également à notre dictionnaire. Une séance instructive dira-t-on.
Inspiré d’une histoire vraie, Bac Nord s’y raccroche par ses cartons finaux annonçant le départ forcé de nos trois flics vers de nouveaux horizons. Bien que prenant le chemin de la critique sociale et institutionnelle, avec tous ses clichés un peu lourdingues, le film de Cédric Jimenez fait office de divertissement pourvu de très belles scènes d’action, à défaut de pouvoir prétendre à un autre rôle. Il faut prendre ce qu’il y à prendre et continuer son chemin. Il n’empêche que cette Séance de Minuit dans le Grand Théâtre Lumière, à l’occasion du Festival de Cannes cru 2021, fut un bon moment avec l’équipe venue en nombre, émue de l’accueil reçu.
Manon Koken
Bac Nord
Réalisé par Cédric Jimenez
Thriller, France, 2020, 1h44
Avec Gilles Lellouche, Karim Leklou, François Civil
StudioCanal
18 août 2021
Un avis sur « [CRITIQUE] Bac Nord »