[CRITIQUE] Blue Bayou

Temps de lecture : 3 minutes.

Ce film a été découvert dans la sélection Un Certain Regard au Festival de Cannes 2021. Petite immersion dans cette journée de festival par ici

Antonio LeBlanc, américain d’origine coréenne, a été adopté étant enfant. Après avoir réchappé à un passé trouble, il construit aujourd’hui sa vie de famille avec Katy et sa fille, Jessie. Malgré les difficultés financières, ils sont heureux et s’aiment énormément. Un jour, suite à une altercation avec un policier, il apprend qu’il va être expulsé des Etats-Unis. 

Blue Bayou est prometteur dès les premières images. Comme une résurgence du passé aux contours scintillants, oniriques et irréels, une femme s’avance au loin dans une barque. Nous sommes à la Nouvelle-Orléans, dans le bayou de Louisiane. Après ces premières minutes de temps suspendu, nous plongeons dans une ville américaine classique aux côtés d’Antonio et de sa famille. Le réalisateur Justin Chon s’applique alors à mettre en valeur les liens qui unissent le trio formé par Antonio (Justin Chon), Katy (Alicia Vikander) et Jessie (Sydney Kowalske) – et c’est une belle réussite. Cette famille recomposée est de celle que l’on a choisie, comme ne cesse de le répéter Antonio à Jessie, la fille de sa compagne. Et il sait de quoi il parle : adopté au plus jeune âge, il a coupé tout lien avec ceux qui l’ont élevé. Durant de longues mais belles minutes, le film s’attarde sur la relation d’Antonio et de Jessie, si fusionnels même s’ils ne partagent pas les liens du sang. Il est son père, cela ne fait aucun doute pour elle. Cette place centrale de la petite fille renforce la crédibilité de ce trio – si juste et magnifique – et fait regretter qu’elle soit aussi rapidement renvoyée à l’arrière-plan quand le drame frappe Antonio.

Plongeant dans les galères du quotidien d’Antonio, tatoueur, tentant désespérément de rompre avec le passé des petits larcins, Blue Bayou convainc par l’enchaînement infini des difficultés, si crédibles. Il fait ainsi le portrait d’une classe populaire américaine qui tente de se maintenir la tête hors de l’eau. Lorsqu’un policier, collègue de l’ex de Katy, décide de s’acharner sur Antonio, nous comprenons bien que le temps du bonheur est révolu. Ce n’est que le début d’une longue suite d’injustices qui frappe cet homme si courageux et déterminé. Mettant en avant ici des violences policières, totalement impunies, le film tire le fil d’une dénonciation plus profonde. Une simple altercation mène à la menace d’expulsion d’Antonio qui devient rapidement réalité. Bien que le couple se tourne vers la justice, rien ne semble pouvoir changer le cours de ce destin. La violence institutionnelle frappe le protagoniste de plein fouet dans tout son racisme et révèle une réalité bien trop peu connue : aux Etats-Unis, nombre d’enfants adoptés n’ont aujourd’hui pas la nationalité de leur pays d’accueil et sont considérés comme des clandestins. Katy a beau crier : “He’s American” et apporter toutes les preuves nécessaires, rien ne semble pouvoir arrêter ce terrible système.

En parallèle du drame qui frappe la famille LeBlanc, Antonio fait la rencontre inattendue d’une femme vietnamienne, elle aussi arrivée enfant sur le sol américain mais avec des membres de sa famille. Luttant contre un cancer, elle sait qu’il ne lui reste que peu de temps à vivre. Leurs galères respectives les rapprochent l’un de l’autre dans un beau mouvement de soutien et d’entraide offrant un second souffle à l’intrigue. 

Dépeignant avec brio une situation trop peu connue en Europe, Blue Bayou convainc tout d’abord par la force de son trio et le magnifique travail sur l’image, lumineuse et estivale. Malheureusement, les ralentis omniprésents et la bande-son, bien trop présente et bruyante, deviennent rapidement gênantes pour culminer dans les dernières minutes. Au lieu d’appuyer la tragédie, ce manque de finesse détruit l’émotion, pourtant bien réelle quelque temps plus tôt. La fin traîne en longueur et, à vouloir trop en faire, détruit la sincérité du propos. Heureusement, son générique réinsuffle du sens en faisant apparaître les photographies d’innombrables Américains adoptés comme Antonio et frappés de la même injustice. 

Malgré ses lourdeurs, Blue Bayou reste une œuvre intéressante qui vaut la peine d’être découverte, ne serait-ce que pour son sujet et la beauté de son trio de personnages.

Manon Koken

Blue Bayou
Réalisé par Justin Chon
Avec Justin Chon, Alicia Vikander, Mark O’Brien
Drame, États-Unis, 2021, 1h59
15 décembre 2021
Universal Pictures International France

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

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