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Clarisse décide de partir à la mer. Elle laisse son mari, Marc, et ses deux enfants se débrouiller. Ce besoin de liberté, de changement d’environnement, ne serait-ce pas pour tromper une tragédie trop difficile à affronter ? Le film nous conte l’histoire d’une femme en fuite.
L’acteur, réalisateur et scénariste français, Mathieu Amalric, revient avec un film puissant et juste sur le deuil. Présenté en Sélection officielle à Cannes Première au Festival de Cannes, Serre moi fort suit le parcours d’une femme qui tente de survivre à une tragédie. Après, Tournée, prix de la Mise en scène à Cannes en 2010, et Barbara (2017), en ouverture d’Un Certain Regard — le Prix de la Poésie du Cinéma a été spécialement créé pour le film —, Amalric donne une œuvre envoûtante et mystérieuse.
Touchant, le récit retrace l’évolution, en montage alternée, de Clarisse, incarnée par l’actrice luxembourgeoise Vicky Krieps et celle de son mari (le comédien belge Arieh Worthalte) et de ses enfants. Au petit matin, une maison vide est abandonnée par la mère et prend vie une fois qu’elle est partie. Comme si rien ne pouvait avoir lieu en sa présence. Alors qu’elle file dans sa voiture vers la mer, sa famille qui se prépare à partir à l’école. Lucie, sa fille, se met au piano et entame la Lettre à Élise de Beethoven, un peu maladroitement. Clarisse de sa voiture, semble pouvoir entendre. La musique du film ne sera composée que de piano. Lien fort entre la mère et la fille. Sobrement, elle retranscrit l’état d’esprit et l’évolution de l’héroïne dans sa fuite et dans son affrontement à son passé et à son avenir. Tel un allegretto, la première partie est vive. Clarisse intervient dans la vie de sa famille, malgré la distance, en leur parlant par la pensée, créant un rythme emporté. Elle dit à sa fille d’arrêter les gammes et de jouer pour de vrai. Elle dit à son mari d’enlever son t-shirt. Mais elle vit aussi les moments durs sans elle. Son fils qui blâme le père de vouloir oublier Clarisse. La douleur de la distance se mêle aux instants de la complicité de la famille. Les tensions, les doutes, les pleurs comme l’amour sont filmés tant avec douceur qu’avec pudeur. La caméra du cinéaste reste toujours à la bonne distance. Proche pour capter ce que ressent et traverse Clarisse, loin pour montrer cette famille qui apprend à vivre sans mère.
Adapté de la pièce Je reviens de loin de Claudine Galea, Serre moi fort possède cette charge littéraire qui rend l’émotion si juste. En prenant le temps d’exposer les sentiments de l’héroïne, le film prend aussi le temps du silence. Il suit Clarisse dans son imagination et ses différentes mises en scène de la vie quotidienne. En visualisant sa famille grandir loin d’elle, Clarisse espère tromper sa peine de devoir quitter ainsi les personnes qui lui sont les plus chères. Si le début est mystérieux, les motivations de l’héroïne sont toujours données au bon moment. Jamais laissé.e.s de côté, nous sommes au centre de ce drame. Impossible de rester insensible face à la douleur. Le geste de la mise en scène contribue à une expérience sensorielle unique, libérant l’histoire, qui aurait pu être conventionnelle. Au contraire, nous assistons à une manière inédite d’appréhender le déchirement que vit Clarisse.
Entre flashback et flashforward, le récit s’entremêle pour transcrire fidèlement et avec justesse les souffrances et la détresse de son héroïne qui ne parvient pas à guérir. Bouleversant, Serre moi fort prouve, une nouvelle fois, le talent de l’acteur et réalisateur, Mathieu Amalric, qui nous offre une œuvre poétique.
Marine Moutot
Serre moi fort
Réalisé par Mathieu Amalric
Avec Vicky Krieps, Arieh Worthalter
Drame, France, 2020, 1h37
Gaumont Distribution
8 septembre 2021
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